De quoi la Nouvelle-Calédonie est-elle le nom ?
Bibliographie | citer cette brève
La Nouvelle-Calédonie n’est pas un département d’outre-mer (DOM), comme la Réunion ou la Guadeloupe, régi par l’article 73 de la Constitution et placé sous le régime de l’identité législative, c’est-à-dire avec une application de plein droit des textes nationaux nonobstant des adaptations possibles. Elle n’est pas non plus une collectivité d’outre-mer (COM), à l’instar de la Polynésie française ou Saint-Pierre-et-Miquelon, régie par l’article 74 de la Constitution et placé sous le régime de la spécialité législative, c’est-à-dire avec une application des actes juridiques nationaux sur mention expresse seulement. En effet, si la Nouvelle-Calédonie est également sous le régime de la spécialité législative, elle fait l’objet, à la différence de toutes les autres collectivités territoriales métropolitaines ou ultramarines, régies par le titre XII de la Constitution, d’un titre spécial (XIII) qui constitutionnalise les orientations définies par l’accord de Nouméa (1998).
Érigée en une collectivité sui generis (de son propre genre), la Nouvelle-Calédonie bénéficie de dispositions transitoires et largement dérogatoires, singulièrement hardies pour un État unitaire tel que la France. Avec la création des « lois du pays », c’est la première fois dans l’histoire de la France depuis 1789 que des normes législatives émanent d’une assemblée infranationale délibérante, le congrès de la Nouvelle-Calédonie (cf. document). La spécialité législative est donc ici poussée à son extrême puisque non seulement ses lois sont spécifiques mais la Nouvelle-Calédonie est elle-même dotée de son propre pouvoir législatif. On peut également relever la mise en place d’une « citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie » reposant sur un droit du sol gelé : il fallait pour l’obtenir être inscrit sur les listes électorales lors du référendum de 1998 sur l’accord de Nouméa et justifier de dix ans de résidence. Cela écarte ainsi tous ceux arrivés après cette consultation, ce qui fait qu’on ne peut plus devenir citoyen depuis le 8 novembre 2008, dix ans jour pour jour après l’acceptation de l’accord de Nouméa via le référendum local. Une discrimination en matière d’emploi, à l’avantage des citoyens de la Nouvelle-Calédonie, a été mise en place. Enfin, une institution essentiellement ethnique a été créée, le Sénat coutumier, obligatoirement consultée sur les questions intéressant l’identité kanak. La très grande majorité des Kanak, en application de l’article 75 de la Constitution, qui reconnaît que certains citoyens de la République se placent sous un statut personnel différent du statut civil de droit commun, est administrée par la « coutume » dans les domaines de l’état-civil, la filiation, le mariage, la propriété et les successions. Sur le plan foncier, les « terres coutumières » obéissent au principe des quatre i (inaliénables, insaisissables, incommutables et incessibles).
Document 1. Carte de localisation |
Document 2. Le fonctionnement des institutions de la Nouvelle-CalédonieSource : Gay J.-Ch., 2014, La Nouvelle-Calédonie, un destin peu commun, Marseille, IRD éditions, p. 27. |
Les accords de Matignon (1988), d’inspiration fédérale, ont partagé la Nouvelle-Calédonie en trois provinces dotées de compétences étendues. L’accord de Nouméa, dix ans plus tard, a engagé la Nouvelle-Calédonie sur le chemin d’une autonomie croissante, par des transferts de compétences déclarés irréversibles, aboutissant à l’autodétermination. Il met en œuvre une décolonisation s’exprimant par des mesures dites de rééquilibrage, politique, économique ou social, avec des succès inégaux. L’accord de Nouméa ayant en 1998 repoussé de vingt ans le référendum d’autodétermination, celui-ci s’est tenu le 4 novembre 2018. Avec plus de 80 % de participation, 56,7 % des votants ont répondu « non » à la question « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». Il est prévu qu’en cas de rejet de l’indépendance à ce premier référendum, un tiers des membres du congrès puissent demander d’en organiser un deuxième, voire un troisième si le résultat de celui-là est toujours négatif. Ces deux consultations, sur la même question, doivent être respectivement organisées dans les deux et quatre ans après le premier référendum, soit au plus tard en novembre 2022 pour la dernière. Toutefois, avant ces échéances, les élections provinciales de mai 2019, auxquelles seuls peuvent participer les citoyens de la Nouvelle-Calédonie, seront capitales car en découle la composition du congrès qui vote les « lois du pays » et élit le gouvernement.
Document 3. Résultats du référendum du 4 novembre 2018
Source : « Le "non" à l'indépendance l'emporte en Nouvelle-Calédonie », brève du 5 novembre 2018. |
Pour compléter
- Chauchat Mathias, 2011, Les Institutions en Nouvelle-Calédonie, Nouméa, CDP de Nouvelle-Calédonie, 306 p.
- Faberon Jean-Yves, 2012, Des Institutions pour un pays. La Nouvelle-Calédonie en devenir, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 292 p.
- Jacques Bonvallot, Jean-Christophe Gay et Élisabeth Habert (dir.), Atlas de la Nouvelle-Calédonie, IRD Éditions, Congrès de la Nouvelle-Calédonie, 2013 [voir la version PDF].
- Jean-Christophe Gay, La Nouvelle-Calédonie, un destin peu commun, IRD Éditions, coll. « Focus », 2014 (Possibilité d'obtenir une version eBook en PDF gratuitement).
Jean-Christophe GAY,
Professeur des universités, IAE de Nice, université Côte d’Azur
Mise en web : Jean-Benoît Bouron
Pour citer cet article :
Jean-Christophe Gay, « De quoi la Nouvelle-Calédonie est-elle le nom ? », Géoconfluences, décembre 2018.URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/statut-de-la-nouvelle-caledonie