Crise, crises
1. Crise, crise économique, crise systémique
La notion de crise est caractérisée par sa nature polysémique, ce qui représente un défi de conceptualisation. La crise ne doit pas être réduite à sa définition économique, mais entendue au sens large, d'où l'usage courant du pluriel "crises".
Le mot crise désigne à la fois un événement brutal, une rupture, mais aussi une évolution longue qui révèle des faiblesses structurelles, inhérentes à un système. Dans une proposition synthétique, la crise serait une rupture de la stabilité d’un système, ce qui conduit à réfléchir sur les temporalités de la crise.
Les crises étaient liées dans les sociétés pré-industrielles, à la sous-production agricole (crise frumentaire). Elles sont liées, avec l'industrialisation, à un déséquilibre entre la production et la demande solvable. Elles sont devenues de plus en plus des phénomènes d'ordre financier, quand faillites bancaires ou krach boursiers précèdent la baisse de l'activité, comme ce fut le cas lors de la Grande Dépression de 1929 ou la Grande Récession de 2007-2008.
(MCD) 2015.
Pour compléter
- Géoconfluences, dossier États-Unis : espaces de la puissance, espaces en crises
- Historiens et Géographes, dossier « Crise et basculements du monde », 2011, n° 416, p.139-160.
2. Risques et crises
Accidents, catastrophes et situations de crise sont souvent associés dans la perception qu'en a le "grand public". Le mot est souvent suremployé par les médias mais sa signification scientifique est floue. Dans la médecine hippocratique, le terme de crise désignait le moment où la maladie touchait à son terme. La crise n’était donc pas un signe de maladie, mais plutôt de résistance à la maladie. Dans la tragédie grecque, la crise est le moment de vérité où le passé est révélé. Edgar Morin note qu'on en arrive aujourd'hui à des retournements complets de sens. Ce qui désignait à l'origine "décision, moment décisif d'un processus incertain", en arrive à pointer son contraire : "crise signifie indécision : c'est le moment où, en même temps qu'une perturbation, surgissent les incertitudes".
Dans le cadre de la cybernétique (théorie des systèmes), la crise s'accompagne d'une bifurcation, d'un changement radical de direction, la crise caractérisant les systèmes en mutation. Aux évolutions lentes, sur le long terme, succèdent des évolutions très brutales sur des échelles de temps très courtes.
Les catastrophes peuvent être les révélateurs des états de crise, ce qui ne sera alors pas sans conséquences dans l'évolution des systèmes socio-spatiaux (organisation de l'espace, gestion du territoire).
Pour apprécier les comportements humains en situation de crise, des recherches pluri-disciplinaires (cindyniciens, psycho-ethnologues, anthropologues, sociologues, ergonomes, etc.) ont été menées. Il convient de distinguer ce qui est à la source de la crise et ce qui permet de la gérer. Dans le premier cas, Jean-Louis Nicolet (1989) repère sept catégories d'erreurs humaines à l'origine des accidents et des catastrophes de nature technologique : erreurs de perception ; de décodage ; de représentation ; de communication homme-homme ; de non-respect d'une procédure ; de décisions prises trop tard ; d'actions mal séquencées ou mal dosées. Différents scénarios décisionnels peuvent conduire à des situations de crises génératrices d'accidents ou catastrophes : erreurs de raisonnement, aveuglement collectif, perte de sens.
(ST)
3. Crise sanitaire
L'état de crise sanitaire menace la santé d'une part plus ou moins importante d'une population, à des échelles temporelles et territoriales et selon des mécanismes diversifiés : crises virales, zoonoses (HIV, grippes "aviaire" et "porcine", encéphalopathie spongiforme bovine / ESB), crises sociétales et environnementales (mésothéliome dû à l'amiante, canicule, chikungunya, choléra), etc.
En France, la loi de santé publique du 9 août 2004 définit le dispositif d'alerte et de gestion des situations d'urgence sanitaire de la façon suivante : obligation d'alerte des pouvoirs publics par l'Institut de veille sanitaire (InVS) ; mobilisation de tous les acteurs concernés ; mobilisation des moyens de lutte selon un "plan blanc d'établissement" de santé. La loi du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur a mis en place un Département d'urgences sanitaires (DUS) au sein de la Direction générale de la santé.
À des niveaux d'échelle plus petits peuvent intervenir : le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (Cepcm), le réseau mondial d'alerte et de réponse aux épidémies (Goarn) de l'OMS.
Mise à jour : juin 2012
Pour compléter
- Collectif, « La pandémie de Covid-19, regards croisés de géographes », Géoconfluences, mai 2020.
- Emmanuel Eliot, Eric Daude, Emmanuel Bonnet, Interpréter les épidémies du passé : l'exemple de l'épidémie du choléra-morbus en Normandie en 1832 (
- Sylviane Tabarly, Choléra : géographie d'une pandémie. Étude de cas : Haïti, 2010 - 2012
- Clélia Gasquet-Blanchard, Lieux d’émergence et territoires de diffusion de la fièvre hémorragique à virus Ebola au Gabon et en République du Congo
- - Institut de veille sanitaire (InVS), veille alerte, www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Veille-et-alerte
- Réseau Sentinelles France, https://websenti.u707.jussieu.fr/sentiweb/
- Ministère en charge de la santé : La gestion des alertes et des crises sanitaires
- - Centre européen de prévention et de contrôle des maladies : présentation | European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC)
- - Réseau mondial d'alerte et de réponse aux épidémies (Global Outbreak Alert and Response Network / Goarn)
- Sur le même thème, voir le glossaire Géographie de la santé : espaces et sociétés
Liens vérifiés en 2020.