Pèlerinage, développement urbain et mondialisation : l'exemple de Lourdes
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Le pèlerinage est une des formes de mobilité les plus anciennes qui soient dans les sociétés sédentarisées. Les historiens, Jean Chélini et Mgr Henry Branthomme rappellent qu’il s’agit d’une forme de mobilité qui repose sur trois éléments fondateurs : « l’existence d’un lieu sacré ou considéré comme tel », « une démarche spéciale pour s’y rendre, ce qui suppose la rupture d’avec son séjour habituel, une distance à franchir et une route à parcourir » ainsi qu’un « certain nombre de rites à remplir et d’actes religieux individuels ou collectifs à accomplir avant, pendant, à l’arrivée et au retour de cette démarche » (Chélini, Branthomme, 2004 :7). Si elle est souvent associée aux religions catholique et musulmane à travers les figures du pèlerin de Compostelle ou de la Mecque, cette pratique rituelle religieuse pluriséculaire est bien antérieure à l’avènement et à l’expansion des deux monothéismes. Elle est aujourd’hui, avec le tourisme, une des formes de mobilité pacifique les plus importantes en termes d’individus déplacés. Le pèlerinage est d’ailleurs compris par l’Organisation Mondiale du Tourisme comme une forme de mobilité touristique. Néanmoins, certains géographes (notamment l’équipe Mobilités, Itinéraires, Territoires autour de Rémy Knafou) s’opposent à ce regroupement qui fait, pour eux, du tourisme un « fourre-tout » (Knafou, in Lévy, Lussault, 2003).Réaliser un comptage précis des pèlerins s’avère compliqué car, bien souvent, l’accès aux sanctuaires est libre et gratuit, aucune formalité administrative n’est demandée par les autorités religieuses et de plus, les visiteurs non-religieux se mêlent à la foule des croyants. Néanmoins, d’après les estimations réalisées par les autorités religieuses et différents observatoires, le pèlerinage hindou de la Kumbh Mela, à Allahabad (Inde) avec 70 millions de personnes en 2013 serait le plus fréquenté du monde [1]. Le sanctuaire mexicain de Notre-Dame de Guadalupe attire quant à lui environ 20 millions de visiteurs par an dont une moyenne de 9 millions de pèlerins entre le 9 et le 12 décembre de chaque année [2]. Quant à La Mecque, ce sont en moyenne 2 millions de pèlerins qui participent au hajj, pèlerinage que tout musulman doit avoir accompli au moins une fois dans sa vie [3]. L’Organisation Mondiale du Tourisme estime que le nombre de visiteurs se rendant chaque année dans les grands sites religieux du monde (pèlerins mais également simples visiteurs) se situe entre 300 et 330 millions, soit environ un tiers du nombre total de touristes recensés par l’OMT (1186 millions en 2015) [4].
Si les principales religions confessées (catholicisme, hindouisme, islam, bouddhisme et judaïsme) ont des origines géographiques bien précises (Terre Sainte pour le judaïsme et le catholicisme, Arabie Saoudite pour l’islam, etc.), certaines d’entre elles ont une vocation apostolique (catholicisme et islam d’une certaine manière), c’est-à-dire que l’annonce et la transmission de la foi font partie de la charge de tout croyant. Ces religions se diffusent ainsi à travers le monde entier, contribuant au processus de mondialisation (Thual, 2003). Les religions se diffusent également par le biais des migrations (diaspora juive, communautés indiennes hindoues, etc.) car elles constituent un marqueur culturel important des communautés expatriées [5]. Les réseaux de croyants de chaque religion se tissent ainsi à l’échelle mondiale, notamment parce que les religions font partie, comme l’explique Jean Gottmann, de l’iconographie de ces communautés soit « tout ce qui permet à un peuple de s’identifier et de se singulariser par rapport à ses voisins et à tous les autres peuples » (Gottmann, 1952). Quand les fidèles répartis à travers le monde convergent vers les plus grands lieux de pèlerinage : les Portugais vers Fatima, les Mexicains vers Guadalupe, les musulmans vers La Mecque, ces lieux deviennent alors des points d’ancrage dans la mondialisation. Ces pèlerinages drainant des millions de personnes ne doivent cependant pas occulter les plus petits pèlerinages nationaux, régionaux ou locaux, tellement nombreux à travers toutes les religions que leur recension exhaustive est impossible. Le pèlerinage se pratique en effet à toutes les échelles : depuis le pèlerinage paroissial au petit sanctuaire local jusqu’aux pèlerinages internationaux.
Le pèlerinage contribue à transformer les territoires à toutes les échelles. En effet, qu’ils soient des centaines ou des millions, les pèlerins ont besoin de différentes infrastructures : transports pour arriver jusqu’au sanctuaire (routes, chemin de fer voire aéroport pour les sanctuaires les plus importants), puis hébergement sur le lieu du pèlerinage. En témoigne le développement de nombreuses routes (chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, routes de Terre Sainte et de La Mecque, etc.) et villes, parfois construites ex nihilo suite à la création du pèlerinage, comme à Fatima au Portugal. Les mobilités religieuses (pèlerinages mais aussi processions ou autres déplacements rituels) sont donc à questionner dans leurs effets sur les territoires et la spécificité de ces effets.
Parmi les lieux dont les mobilités religieuses ont favorisé l’essor, Lourdes constitue un des cas les plus exemplaires. Le piton rocheux autour duquel cette petite ville pyrénéenne s’est développée, dans la vallée du gave de Pau, était vraisemblablement déjà investi par les Romains lors de la conquête de la Gaule et fut, au Moyen-Âge, résidence seigneuriale des comtes de Bigorre, place stratégique pour le contrôle des routes du piémont. Néanmoins, le rayonnement de Lourdes s’est peu à peu affaibli au cours des siècles : dans la première moitié du XIXe siècle, le développement du thermalisme fait la fortune des cités voisines telles que Bagnères-de-Bigorre et le titre de sous-préfecture est attribué à Argelès-Gazost, ce qui achève de déclasser Lourdes. En 1858, année des apparitions, la ville compte environ 4 000 habitants. Le 11 février 1858, Bernadette Soubirous, âgée de 14 ans et aînée d’une des familles les plus pauvres de la commune, rapporte avoir été témoin de l’apparition d’une dame à la grotte de Massabielle où elle allait ramasser du bois.
Complément 1 : les apparitions de Lourdes
D’autres apparitions suivent et la dame lui demande de venir à cette même grotte durant quinze jours. Au cours d’une des apparitions, la dame s’identifie comme étant l’Immaculée Conception dont le dogme avait été proclamé seulement quatre ans auparavant [a]. Le curé de Lourdes, le père Peyramale, jusqu’alors sceptique, est ainsi convaincu que c’est bien la Vierge Marie qui apparaît à Lourdes et il met tout en œuvre pour que l’authenticité des apparitions soit reconnue et que l’on construise la chapelle demandée par la Vierge. En outre, durant les apparitions, sur les indications de la Vierge, Bernadette met au jour une source, à l’eau de laquelle sont attribuées des guérisons miraculeuses.
Le récit de l’apparition et des guérisons ne tarde pas à attirer de nombreux pèlerins. Suite à la mise en service du chemin de fer quelques années après les apparitions, les pèlerins viennent bientôt de toute la France puis, au fur et à mesure de la démocratisation des transports, du monde entier, assurant à la petite cité pyrénéenne auparavant enclavée et cul-de-sac du territoire français, une centralité symbolique et un formidable essor économique : Lourdes, desservie par le chemin de fer et un aéroport international, compte aujourd’hui 14 466 habitants (recensement 2012) et est la troisième cité hôtelière de France, derrière Paris et Nice, avec ses 155 hôtels (INSEE, 2016). Le nombre de visiteurs est plus difficile à estimer car il n’existe aucune méthode de comptage qui soit réellement fiable. Seul le nombre de pèlerinages organisés ayant annoncé leur venue est connu avec précision : 958 groupes ont été officiellement enregistrés pour l’année 2016, La taille de ces groupes est très variable, allant d’une dizaine ou vingtaine de personnes pour des groupes de catéchisme des communes voisines aux 10 000 jeunes de région parisienne venus dans le cadre du pèlerinage du FRAT [6]. Mais ces groupes annoncés sont loin de représenter l’ensemble des groupes et des visiteurs. Ainsi, en 2004, des comptages réalisés à la grotte ont permis d’estimer la fréquentation du sanctuaire à environ 6 millions de visiteurs alors que les pèlerins officiellement recensés dont la venue a été annoncée ou qui se sont présentés aux autorités du sanctuaire étaient 1 129 481 (source : sanctuaires de Lourdes).
À travers une étude de l’exemple de Lourdes, tirée d’une recherche doctorale portant sur les espaces et pratiques spatiales des grands et petits lieux de pèlerinage, l’enjeu est d’éclairer les spécificités des effets spatiaux du pèlerinage. Le cas de Lourdes permettra de voir comment le pèlerinage modifie localement l’organisation de l’espace, à la fois en suscitant un développement urbain particulier et en inscrivant une ville auparavant en marge du territoire français dans des réseaux mondialisés de pèlerinage, bien sûr, mais aussi de tourisme.
1. Le pèlerinage, acteur de l’organisation de l’espace urbain
Le lieu de pèlerinage catholique peut prendre place dans un espace déjà occupé et mis en valeur par une société, comme c’est le cas à Lourdes, ou dans d’autres lieux d’apparition (la rue du Bac à Paris, Knock en Irlande) ou encore pour des sanctuaires liés à des saints (sainte Thérèse à Lisieux, saint Martin à Tours) ; il peut aussi être bâti ex nihilo, comme à Fatima (Portugal) ou à Guadalupe (Mexique). Quel que soit le cas de figure initial cependant, le lieu de pèlerinage acquiert une forte emprise spatiale et est à l’origine de la création ou de la réorganisation du tissu urbain. Lourdes est exemplaire de cette deuxième situation.
1.1. La croissance urbaine sur un mode dual
Les deux extraits de carte ci-dessous, l’une datant de 1866, l’autre de 2016, permettent d’apprécier la forte expansion du tissu urbain de Lourdes en un siècle et demi.
Lourdes en 1866Extrait de la carte d’état-major de Tarbes 1/40 000, 1866 |
Lourdes en 2016Extrait de la carte IGN de Lourdes, 2016 |
L’extrait de carte de 1866 permet de voir qu’avant les apparitions, la ville de Lourdes est organisée autour de la forteresse. Celle-ci est installée depuis l’époque médiévale sur le piton rocheux culminant à 366 m qui constitue alors la limite occidentale de la ville. L’extension urbaine s’est faite vers l’est, sur le plateau, permettant l’établissement de voies de communication. Le noyau urbain est compact, concentré autour de l’axe méridien empruntant la vallée du gave de Pau pour relier Tarbes à la haute vallée glaciaire. La grotte de Massabielle où ont eu lieu les apparitions se situe en contrebas, au bord du gave, en aval du coude formé par la rivière, dans un espace laissé à la végétation où l’on venait ramasser du bois ou faire paître les cochons. Cette cavité rocheuse n’a rien de remarquable et n’est alors mentionnée sur aucune carte. Cependant, siège des apparitions, la grotte auparavant délaissée par les habitants devient, à la fin du XIXe siècle, le cœur du sanctuaire et le point central d’attraction des visiteurs.
C’est donc de manière logique qu’hôtels et commerces destinés aux pèlerins s’installent peu à peu tout autour du sanctuaire, dans la partie basse de la ville occupée seulement par le gave et la forêt, du fait des risques de crues torrentielles. Des travaux de stabilisation des berges et d’aménagement de toute la partie occidentale sont alors entrepris, aboutissant à la création de la ville basse. Ainsi, comme le fait remarquer le géographe Michel Chadefaud dans son ouvrage, Lourdes, un pèlerinage, une ville, « Lourdes est duale » : elle se divise, depuis la fin du XIXe siècle entre une « ville haute » (telle que l’appellent eux-mêmes les habitants) où l’économie ne se distingue guère de celle des autres villes voisines et une « ville basse » où tout est organisé autour du sanctuaire. « Sans transition, on passe de la médaille à la cochonnaille », résume M. Chadefaud. Les apparitions sont à l’origine d’une rupture spatiale, divisant Lourdes entre « la ville qui prie » et qui vit de la prière (ville basse) et « la ville qui travaille » (ville haute), ville qui s’organise de la même manière que toutes les autres. Alors que la ville basse gravite autour de la grotte de Massabielle qui en est le centre symbolique, la ville haute a pour centre la mairie et les halles toutes proches. Plus récemment, comme partout, la périurbanisation accompagne le développement des communications, en particulier le contournement routier du côté est, opposé au sanctuaire.
Lourdes, de la ville « banale » à la ville « mariale » : une ville duale
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1.2. La fabrique de la ville de pèlerinage
Le renouvellement de l’organisation spatiale de la ville de Lourdes s’est opéré sous la conduite des acteurs ecclésiaux.
Complément 2 : des apparitions au pèlerinage
Bernadette Soubirous se fait la messagère de la Vierge qui lui demande, au cours de l’apparition du 2 mars 1858, « Allez dire aux prêtres qu’on vienne ici en procession et qu’on y bâtisse une chapelle ». À la suite de plusieurs échanges avec la jeune fille, le curé de Lourdes, l'abbé Peyramale, au départ très sceptique, se laisse finalement convaincre. Il n’a alors de cesse de défendre sa cause et s’emploie à la construction de la chapelle demandée par la Vierge. Il doit néanmoins en référer à l’évêque, qui, seul, peut reconnaître l’authenticité des apparitions et qui dispose de l’autorité et des moyens financiers nécessaires pour assurer la création et le développement du sanctuaire. Mgr Laurence, évêque du diocèse de Tarbes entre 1844 et 1870, duquel dépend la ville de Lourdes [b], reconnaît l’authenticité des apparitions par un décret daté du 18 janvier 1862.
La grotte, lieu des apparitions, et les terres qui l’entourent appartiennent à la commune mais le diocèse de Tarbes s’en rend acquéreur et achète, dès 1861, la grotte et la rive de Massabielle puis, peu à peu, les rues et domaines alentour. Les achats et la gestion se font par le biais d’une œuvre fondée par Mgr Laurence : l’Œuvre de la Grotte. Le cas de Lourdes n’est pas exceptionnel : lorsque l’Église n’est pas propriétaire des terrains sur lesquels ont lieu les apparitions, elle se l’approprie dès que possible, en les achetant à leurs propriétaires, particuliers ou communes. Les sanctuaires ont généralement le statut d’association (ou un statut équivalent suivant les pays) qui leur garantit une certaine indépendance vis-à-vis de l’État et leur permet de posséder des biens fonciers et de récolter des dons pour assurer l’entretien des terrains et des bâtiments. À Lourdes, l’organisation juridique du sanctuaire a évolué en fonction des lois concernant les liens entre l’Église et l’État et des lois fiscales.
Aujourd’hui, le diocèse de Tarbes est toujours propriétaire et gestionnaire du domaine de 19 hectares qui compose le sanctuaire, tandis que quatre structures s’en répartissent la gestion [7]. Les dons et les achats des pèlerins (cierges, livres ou encore frais d’hébergement) sont réinvestis par ces associations dans l’entretien et la modernisation des bâtiments. Dans l’enceinte même du sanctuaire, divers édifices religieux ont été construits. La chapelle initiale (crypte, consacrée en 1866) est rapidement trop exigüe pour accueillir tous les pèlerins. Sont donc successivement bâties la basilique de l’Immaculée Conception (inaugurée en 1871), au-dessus de la crypte, puis la basilique du Rosaire (achevée en 1889 et consacrée en 1901), en-dessous de la crypte. Enfin, pour le centenaire des apparitions, les autorités du sanctuaire décident de faire construire une basilique souterraine pouvant accueillir 20 000 personnes : la basilique Saint Pie X, consacrée en 1958. |
Les édifices religieux construits sur le sanctuaire de LourdesSource : Office du tourisme de Lourdes |
Une partie des terres entourant l’enceinte du sanctuaire est donnée par l’Œuvre à diverses congrégations religieuses (Carmélites, Dominicaines, Visitandines, Assomptionnistes), limitant du même coup la possibilité d’une utilisation marchande des environs immédiats du lieu de l’apparition. Comme le tourisme en effet, le pèlerinage suscite la création de structures d’hébergement et d’un négoce d’objets spécifiques. Les hôteliers et marchands d’objets religieux s’installent dès les années 1860. La mainmise du diocèse sur les terrains les oblige à se concentrer dans les deux rues principales menant au sanctuaire et les petites rues adjacentes. Ce sont principalement des Lourdais qui ouvrent hôtels et magasins de piété (un des premiers hôtels fut notamment ouvert par le frère de Bernadette Soubirous) et se les transmettent de génération en génération. Ce commerce lié au pèlerinage a permis l’enrichissement d’une partie de la population et les travaux de Michel Chadefaud relevaient, dans les années 1980, un réel clivage au sein de la population lourdaise entre les habitants de la « ville haute » (se considérant comme les « vrais » Lourdais) et les hôteliers de la « ville basse », vus comme des profiteurs [8] (Chadefaud, 1981).
Les autorités municipales, durant toute la période de développement et de construction du sanctuaire, sont restées en retrait. La mairie est néanmoins consciente de l’apport que représente le sanctuaire en termes de renommée et en termes économiques : le sanctuaire emploie directement 400 laïcs auxquels il faut ajouter les nombreux emplois fournis par les hôtels et magasins de piété. Si sanctuaire et mairie ont pu, à certaines époques, fonctionner séparément, le climat actuel est à la collaboration : la coopération entre le sanctuaire et l’office du tourisme a permis à la ville d’être un des membres fondateurs, en 1994, de l’Association des villes-sanctuaires et, depuis 2015, une charte ville-sanctuaire est en cours d'élaboration par la mairie et le sanctuaire [9]. Ce renforcement de la coopération témoigne de la volonté de la mairie et du sanctuaire de sortir du clivage « ville basse » / « ville haute » qui a prévalu depuis la fin du XIXe siècle. La diminution du nombre de visiteurs au sanctuaire - et donc dans la ville - qui s’observe depuis quelques années n’est certainement pas étrangère à cette volonté de rapprochement qui a, entre autres, pour objectif d’enrayer ce début de crise. |
Logo de la charte ville-sanctuaireSource : site de la mairie de Lourdes |
2. Quels transports pour les mobilités religieuses ? Le pèlerinage au service des transports, les transports au service du pèlerinage
La ville de Lourdes s’est étendue, densifiée et dédoublée, mais elle s’est également désenclavée sous l’effet du pèlerinage. Dans les reconfigurations spatiales engendrées par les apparitions et la création du sanctuaire, les transports jouent un rôle crucial. Poser la question du rapport entre le développement des transports et celui du pèlerinage revient à poser la question de la poule et de l’œuf : difficile de déterminer lequel des deux a engendré l’autre. L'insertion dans l'espace national et mondial et le développement touristique ne sont possibles que grâce à l’excellente desserte dont bénéficie la ville de Lourdes, desserte elle-même redevable au pèlerinage.
2.1. Le train, un mode de transport clé de la diffusion et de la massification du pèlerinage, aujourd'hui en difficulté
Le chemin de fer a joué, et joue encore, à Lourdes un rôle déterminant, permettant l’essor de la ville en favorisant le développement du pèlerinage (Chadefaud, 1981). La carte de 2016 (supra) permet de constater la disproportion entre l’emprise spatiale de la gare de Lourdes et la taille de la ville. Un des facteurs qui explique la rapidité avec laquelle s’est diffusée la pratique du pèlerinage à Lourdes est que les apparitions sont concomitantes du développement du transport ferroviaire. La Compagnie du Midi, promotrice du chemin de fer des Pyrénées, avait initialement prévu un tracé Tarbes-Pau puis décida de faire un détour pour desservir Lourdes, en raison de l’afflux de pèlerins (Lasserre, 1869). Michel Chadefaud nuance cette affirmation en soulignant qu’il n’est pas si sûr que les responsables de la Compagnie du Midi, saint-simoniens, aient réellement saisi « les potentialités du "fait de Lourdes" » (Chadefaud, 1981 :21). Il est cependant certain que Mgr Laurence a tout mis en oeuvre pour faire accélérer la mise en service de la ligne, en s'adressant directement au ministre des travaux publics. La ligne entre en service en avril 1866. Un mois plus tard, l’inauguration de la crypte se fait en présence de 6 000 personnes : le train vient de donner une nouvelle dimension au pèlerinage de Lourdes qui, de local qu’il était jusqu’alors, devient peu à peu un pèlerinage national puis international. Les compagnies ferroviaires proposent des trains et des tarifs spéciaux pour les pèlerins, service que reprend la SNCF dès sa création en 1938.
Ce service existe toujours aujourd’hui et est mis à la disposition des organisateurs de pèlerinages. Il est presque exclusivement utilisé par les directeurs diocésains de pèlerinage français [10] et les organisateurs de pèlerinage italiens. Ce sont près de 280 trains qui sont affrétés annuellement, acheminant 210 000 pèlerins valides, à mobilité réduite, ou malades (SNCF, 2012). Ce service connaît néanmoins un certain nombre de difficultés et est confronté à l’insatisfaction des organisateurs et des pèlerins. Les trains mis à disposition sont en effet souvent de vieux trains qui ne sont plus utilisés pour le service classique et donc relativement inconfortables. De plus, les trains de pèlerinage ne sont pas prioritaires : ils doivent ainsi faire de longs arrêts en gare pour laisser passer les trains réguliers. Enfin, certains organisateurs de pèlerinage pointent le manque de fiabilité du service : retards de mise à quai en gare de départ, retards sur l’horaire d’arrivée prévu… Autant d’éléments qui compliquent la logistique du pèlerinage et qui ont contribué à la baisse du nombre de pèlerins enregistrée ces dernières années à Lourdes, notamment chez les Italiens, pour qui les problèmes sont les mêmes que pour les pèlerins français. Ainsi, la personne chargée de la promotion et de la communication à l’office de tourisme de Lourdes explique : « Les trains de malades mettent des journées entières, 24 h pour venir d’Italie. Donc cela refroidit certains pèlerins. Les trains, en plus, apparemment sont de très mauvaise qualité. Les wagons n’ont pas été changés, etc. Et il y a une problématique entre Trenitalia et la SNCF parce que les trains pèlerins ne sont pas prioritaires par rapport aux trains commerciaux, donc ils attendent parfois deux heures en gare que les trains passent, pour qu’eux puissent prendre ensuite le rail ». Ces désagréments ont poussé bon nombre de pèlerinages à recourir à d’autres moyens de transport, l'autocar ou l'avion, délaissant progressivement le train. Aujourd’hui, sur les 93 diocèses de France métropolitaine, seulement 26 affrètent encore des trains spéciaux. Afin de garantir la poursuite de l’activité des trains de pèlerinage et d’améliorer le service, l’Association nationale des directeurs diocésains de pèlerinage et la SCNF ont signé en 2012 les accords de Lourdes, valables pour la période 2013-2017. En vertu de ces accords, les trains Corail sont remplacés par des TGV pour transporter les pèlerins, qu'ils soient valides ou malades, malgré la difficile adaptation des TGV aux besoins de ces derniers. En outre, aucun TGV de pèlerinage ne roule à grande vitesse, car les trains spéciaux doivent toujours laisser passer les trains réguliers. Enfin, avec la mise en place de nouvelles LGV et la modification du trafic qui en découle, la SNCF se désintéresse de plus en plus des trains de pèlerinage. Il n’est donc pas garanti que les accords de Lourdes soient renouvelés après 2017.
2.2. La desserte aérienne : le pèlerinage au service du développement régional
Pour faciliter la venue des pèlerins, un aéroport est installé en 1948, sur le territoire de la commune d’Ossun, entre Tarbes et Lourdes. Si l’aéroport est appelé à jouer un rôle dans l’économie départementale, permettant une meilleure accessibilité à cette zone de piémont, les premiers passagers accueillis sont bien des pèlerins et l’implantation de l’aéroport a été spécialement choisie en fonction de sa proximité avec le sanctuaire. La perspective du centenaire des apparitions, incite tant les autorités ecclésiastiques que les pouvoirs publics à œuvrer pour le développement de l’aéroport. Ainsi, en 1958, une longue piste d’envol et une nouvelle aérogare entrent en fonction. Les infrastructures mises en place sont disproportionnées par rapport au poids politique et démographique de la ville de Tarbes, préfecture des Hautes-Pyrénées de 41 000 habitants. La Chambre de commerce et d’industrie de Tarbes et des Hautes-Pyrénées voit dans l’aéroport un atout de développement régional et en obtient alors la concession pour 50 ans. Depuis 2009, l'aéroport est géré par le groupe canadien SNC-Lavalin, dans le cadre d’une délégation de service public mais il reste la propriété du syndicat mixte Pyrenia [11], créé en 2005 et regroupant le Conseil régional d’Occitanie, le Conseil départemental des Hautes-Pyrénées, la communauté d’agglomération du Grand Tarbes et les deux communautés de communes du Canton d’Ossun et du Pays de Lourdes. C’est cependant bel et bien le pèlerinage qui a suscité la mise en place de l’aéroport de Tarbes et c’est aujourd’hui encore le pèlerinage qui assure la majeure partie du trafic.
L’étude de l’évolution du trafic au cours des 20 dernières années en marque bien la preuve. La moyenne générale du trafic de passagers durant les 20 dernières années se situe autour de 400 000 passagers par an. Le graphique met en évidence le lien très fort qui existe entre l’activité de l’aéroport et celle des sanctuaires de Lourdes. Un pic de fréquentation se distingue pour l’année 2008, année jubilaire [12] : cette date correspond au 150ème anniversaire des apparitions, occasion qui a de plus été marquée par la venue du pape Benoît XVI au sanctuaire. La deuxième année marquée par la plus forte fréquentation sur la période est 1997, année correspondant aux Journées Mondiales de la Jeunesse tenues à Paris. De nombreux jeunes du monde entier ont alors profité de leur venue en France pour passer par la cité mariale. Enfin, l’aéroport est aussi le témoin de la baisse tendancielle de fréquentation des sanctuaires de Lourdes, particulièrement depuis 2013, année marquée par d’importantes inondations qui ont gravement affecté le sanctuaire. L’aéroport se maintient cependant parmi les 25 premiers de France et se distingue par l’importance du trafic de charters. Les vols réguliers au départ de Lourdes se limitent à quelques grandes capitales européennes et tout particulièrement aux villes italiennes. En effet, les Italiens étant les plus nombreux des visiteurs étrangers du sanctuaire, la stratégie commerciale des compagnies régulières apparaît clairement. Ce sont cependant les vols charters qui assurent la majeure partie du trafic. Affrêtés par des organisations et des agences de pèlerinage, ils permettent de faire la liaison entre Lourdes et les principaux aéroports européens mais aussi avec de petits aéroports locaux. En effet, ces vols charters, souvent médicalisés, permettent, au départ des aéroports locaux, à de plus nombreux malades de pouvoir se rendre en pèlerinage. Ainsi, l’association britannique HCPT (Hosanna House & Children’s Pilgrimage Trust) organise chaque année un pèlerinage à Lourdes pour les enfants et adolescents handicapés du Royaume-Uni. Les pèlerins rejoignent Lourdes par le biais de charters médicalisés au départ de nombreux aéroports du Royaume-Uni (Londres, mais aussi des aéroports secondaires tels que Manchester, Birmingham, Bristol, Cardiff ou Glasgow) et d’Irlande (Dublin, Shannon, Cork, Belfast), générant un pic d’activité à l’aéroport de Tarbes Lourdes Pyrénées. À l’occasion du pèlerinage de Pâques 2016, les 6 000 pèlerins, malades et accompagnateurs, de l’HCPT sont arrivés les 2 et 3 avril à l’aéroport, répartis sur un peu plus de 50 vols. |
Évolution du nombre de passagers à l’aéroport de Tarbes Lourdes Pyrénées de 1997 à 2015 Source : Direction Générale de l’Aviation Civile La desserte aérienne de LourdesSource : aéroport de Tarbes Lourdes Pyrénées |
L’aéroport de Tarbes Lourdes a donc été mis en place et s’est développé grâce au pèlerinage mais l’objectif du syndicat mixte Pyrenia gérant l’infrastructure est de « créer un cercle vertueux où le transport de personnes bénéficie à la partie industrielle et réciproquement, et où l’ensemble profite au développement économique du département » [13]. Pyrenia participe ainsi du pôle de compétitivité Aérospace Valley. Autour de l’aéroport de Lourdes, intégrée à cette « vallée », une vaste zone d’activité s’est développée, entièrement consacrée à l’aéronautique (entreprises de maintenance, stockage, pôle de formation, etc.). L’impulsion donnée par le pèlerinage lourdais a ainsi contribué à rendre compétitif ce territoire de piémont pyrénéen et à diversifier son économie, tout en permettant son insertion sur la scène internationale.
Les apparitions de 1858 ont suscité l’extension du tissu urbain et la mise en place de nouveaux secteurs d’activité, le tout étant permis par la mise en place d’infrastructures de transport particulièrement performantes qui, elles-mêmes, bénéficient du pèlerinage. Ces effets spatiaux ne sont guère différents de ceux produits par les mobilités touristiques. La spécificité des mobilités religieuses réside dans le panel beaucoup plus large d’hébergements à disposition des visiteurs, allant du camping à l’hôtel de luxe, et notamment dans la part très importante des pensions familiales qui ont presque disparu de l’offre hôtelière ailleurs en France.
3. Lourdes au cœur des mobilités religieuses et touristiques : entre local et global
Une autre caractéristique des mobilités touristiques est qu’elles sont mondialisées, tant dans les flux de visiteurs que dans les pratiques de ces derniers. En va-t-il de même des mobilités religieuses de pèlerinage ? Comment dans le cas du pèlerinage à Lourdes, les mobilités religieuses articulent-elles leur ancrage local et leur inscription dans l'échelle mondiale ?
3.1. Le pèlerinage à Lourdes : voyager pour réactiver l'identité locale
Les mobilités religieuses se distinguent des mobilités touristiques dans les pratiques des visiteurs. Et au sein des mobilités religieuses, le pèlerinage à Lourdes possède plusieurs spécificités. Comme tous les pèlerinages, il peut se pratiquer individuellement ou collectivement, cependant, ici, la dimension collective est particulièrement importante. Le pèlerinage à Lourdes est devenu une institution dans tous les diocèses de France. Lourdes est un lieu où l’on vient en groupe répondre à la Vierge demandant « qu’on vienne ici en procession » (apparition du 2 mars 1858). De plus, l’accent est mis sur les démarches accomplies dans le sanctuaire plus que sur le chemin parcouru jusqu’au sanctuaire (se distinguant ainsi des grands pèlerinages médiévaux [14]. Enfin, les personnes malades sont au cœur du pèlerinage. Il s’agit d’un des rares lieux aménagés pour l'accueil des personnes souffrant de toutes formes de handicap ainsi que des personnes en fin de vie. Des bâtiments médicalisés accueillent chaque année plus de 50 000 personnes malades (source : sanctuaires), accompagnées par des bénévoles, organisés localement en hospitalités [15].
Les plus nombreux parmi les pélerins recensés sont les Français qui comptent pour environ 40 %. L’étude du calendrier des pèlerinages publié chaque année par les sanctuaires de Notre-Dame de Lourdes [16] montre que le pèlerinage à Lourdes concerne l’ensemble du territoire français. En effet, à l’exception de ceux de Gap, Mende et Nanterre, tous les diocèses français, y compris ceux d’outre-mer, ont envoyé au moins un groupe de pèlerins à Lourdes en 2016. Le diocèse de Lille, pourtant le plus éloigné de France métropolitaine, se distingue en organisant quatre pèlerinages vers la cité mariale. Le Nord-Pas-de-Calais, la Bretagne, la vallée de la Loire, l’Alsace-Moselle et une partie de la Provence envoient au moins deux groupes par an, conformément à la géographie régionale de la pratique religieuse catholique. Dans les sanctuaires de Lourdes, les pèlerins diocésains sont très visibles et manifestent leur origines géographiques par différents moyens : drapeaux et bannières aux couleurs locales, signes de reconnaissance vestimentaires, photographie du diocèse sur le parvis, mais aussi marqueurs sonores (chants spécifiques du pèlerinage, cri de ralliement dans les rues de Lourdes, etc.). Le pèlerinage a également pour objectif de renforcer l’unité d’une communauté locale. L’ancrage local est ainsi, paradoxalement, permis par un arrachement temporaire au territoire local. Le pèlerinage est conçu comme une mobilité « traditionnelle », qui renvoie à l’histoire locale et au passé chrétien des territoires, et mobilise par conséquent une iconographie traditionnelle (costumes traditionnels, drapeaux régionaux…). Les pèlerins mettent également en avant les spécificités religieuses de leur territoire : les bannières mettent à l’honneur les saints locaux, qui sont autant de moyens de reconnaissance entre diocèses. La mobilité religieuse réactive certains éléments traditionnels de l’identité locale et ceux-ci permettent une meilleure visibilité à l’échelle nationale voire internationale. Les costumes et bannières permettent ainsi d’apprécier la diversité des origines des visiteurs des sanctuaires de manière beaucoup plus efficace que dans les lieux touristiques où la nationalité des visiteurs n’est que peu affichée voire occultée (par peur de « passer pour un touriste »). Tout comme les grands événements sportifs (Coupes du monde, Jeux olympiques, etc.), le pèlerinage est l’occasion « d’afficher ses couleurs », non seulement nationales mais aussi locales.
Pèlerins mayennais et bretons participant au pèlerinage du RosaireCes pèlerins originaires de la Mayenne participent au pèlerinage national du Rosaire, organisé chaque année au mois d’octobre par les Frères Dominicains. Le costume traditionnel permet l’affirmation de l’identité locale et attire l’attention des autres pèlerins sur ce département qu’ils ne connaissent pas nécessairement. La bannière à l’effigie de Notre-Dame de Pontmain fait référence à Pontmain, autre lieu d’apparition en 1871, sanctuaire principal et lieu fédérateur du diocèse. Le choix de poser avec un groupe de pèlerins bretons n’est pas anodin : Pontmain est une commune limitrophe du département d’Ille-et-Vilaine et les Bretons considèrent ce sanctuaire comme faisant partie de la Bretagne. Le pèlerinage peut aussi être un lieu de revendication identitaire… |
Photographie de groupe du diocèse de Versailles devant la basilique du RosaireLa photographie du groupe est un temps fort du pèlerinage diocésain et l’occasion d’afficher l’identité locale. La photo est prise sur le parvis de la basilique du Rosaire (comme ici) ou devant la grotte si le groupe n’est pas trop important et si les agents de sécurité le permettent. Trois photographes sont spécialement agréés par le sanctuaire pour réaliser ces clichés. Leurs boutiques, situées dans les rues commerçantes autour du sanctuaire, permettent ensuite à tous les pèlerins d’apprécier l’importance du pèlerinage de chaque diocèse, suivant l’espace occupé sur le parvis. Ici, le diocèse de Versailles se déploie sur tout le parvis ainsi que sur les escaliers latéraux. Différents signes distinctifs permettent de reconnaître des sous-groupes : K-ways bleus pour les pèlerins du Secours catholique, bérets rouges pour les jeunes... |
3.2. Lourdes, un point d’ancrage dans la mondialisation
« Le temps des grands pèlerinages internationaux est venu ; le vertige de la ville, assaillie de toutes parts, commence ; les pèlerins de la Lorraine, de la Champagne, de la Provence, de la Normandie, du Rouergue et du Berri sont là. Une armée de Belges, débarquée d’hier, envahit l’esplanade et sillonne les rues ; l’on attend ce matin, les trains de la Bretagne, avec une nouvelle escouade de Belges et de Hollandais ». Cette description faite par l’écrivain Joris-Karl Huysmans en 1928 témoigne de l’ampleur rapidement prise par le pèlerinage à Lourdes. La renommée du lieu a très tôt dépassé les frontières nationales, comme en témoigne la recension suivante, réalisée par Michel Chadefaud, à partir des données du sanctuaire :
Nombre de ressortissants étrangers venus en pèlerinage organisé à Lourdes
Source : M. Chadefaud, 1981, Lourdes, un pèlerinage, une ville, p.50 |
Durant toute la fin du XIXe siècle et le début du XXe, la proportion d’étrangers accueillis à Lourdes n’a cessé d’augmenter, malgré les différents conflits qui ont marqué cette période. L’éventail des nationalités s’est progressivement élargi, tant et si bien qu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, tous les pays frontaliers de la France, ceux d’outre-Manche ainsi que les pays des Balkans, l’Autriche et la Hongrie, envoient des pèlerins dans la petite cité pyrénéenne. Sitôt la Seconde Guerre mondiale achevée, pèlerins français comme étrangers recommencent à affluer.
Flux religieux et flux touristiques : deux réalités bien distinctes ?
Source : Calendrier des pèlerinages, sanctuaires Notre-Dame de Lourdes, 2016
Aujourd’hui, si l’on s’en réfère aux seuls pèlerinages organisés, les visiteurs venus du continent européen et d’Amérique du Nord sont majoritaires. La place des nationalités représentées à Lourdes est, bien sûr, fonction du niveau de vie des habitants de chaque pays, rendant abordable ou non le voyage, mais la carte ci-dessous fait apparaître le fait que certains pays sont plus attachés que d’autres au sanctuaire marial, indépendamment des critères de proximité et d’importance de la population catholique. Ainsi, si les Français sont les plus représentés en termes de nombre absolu de visiteurs dont un bon nombre en individuel, les Italiens sont ceux qui envoient le plus grand nombre de groupes. Il serait même tentant de parler de « filière » pour les pèlerins italiens. En effet, les pèlerinages italiens à Lourdes sont pris en main par des organisations religieuses, elles-mêmes rassemblées dans une coordination nationale (Coordinamento Nazionale Pellegrinaggi Italiani) qui œuvre pour la logistique des pèlerinages. À Lourdes, les Italiens disposent de leur propre centre médicalisé situé à l’une des portes du sanctuaire. Les pèlerins italiens valides se logent dans certains des hôtels de la ville qui se sont spécialisés dans leur accueil, et, au sanctuaire, tout est traduit en italien, tandis que dans les rues commerçantes proches du sanctuaire, les objets religieux sont adaptés aux goûts des différentes nationalités représentées [17]. Le président de l’OFTAL (Opera Federativa Trasporto Ammali Lourdes, association qui s’occupe du transport des malades jusqu’à Lourdes), Mgr Paolo Angelino, interrogé par les sanctuaires sur le lien entre les Italiens et Lourdes, répondait en 2012 : « Lourdes fait l’unité des fidèles italiens pour la simple et bonne raison que nous n’avons pas chez nous de sanctuaire national mais uniquement des lieux de pèlerinage régionaux » [18]. L’Italie ne manque pas de sanctuaires et de lieux de pèlerinage - à commencer par Rome -, mais la plupart sont liés à des saints originaires de telle ou telle région d’Italie et revendiqués comme tels par la population locale (Saint François à Assise, Padre Pio à San Giovanni Rotondo, Sainte Rita à Cascia…) ou à des statues ou autres reliques liées à la Vierge (maison de la Vierge à Lorette). Ce que Mgr Angelino souligne, c'est qu’il n’y a pas, en Italie, de grand lieu de pèlerinage lié à une apparition de la Vierge, comme le sont Fatima ou Lourdes, qui soit un point de ralliement pour les catholiques de toute l’Italie. Lieu d’apparition le plus facilement accessible depuis l’Italie, Lourdes est devenu le sanctuaire privilégié des Italiens.
La carte permet de remarquer que le sanctuaire de Lourdes constitue également une destination privilégiée pour les Irlandais, chez qui le pèlerinage est une tradition liée au catholicisme majoritaire dans le pays. Le catholicisme y est aussi un marqueur identitaire fort, instrument de la résistance aux Britanniques majoritairement protestants. La carte montre aussi un déséquilibre, dans certains pays, entre le nombre de groupes de pèlerinage se rendant à Lourdes et la proportion de ressortissants faisant du tourisme en France : ainsi, 500 000 touristes irlandais sont venus en France en 2015, soit un Irlandais sur 9 contre un Britannique sur 5 et un Allemand sur 8 (Source : DGE). Pourtant, les Irlandais sont la deuxième nationalité étrangère selon le nombre de groupes enregistrés au sanctuaire (130 groupes en 2016). Le pèlerinage à Lourdes est, pour les Irlandais, une forme de mobilité bien spécifique, et un des principaux motifs de venue en France.
Apparaît ainsi une spécificité des mobilités religieuses qui les distingue des mobilités touristiques : elles permettent un ancrage identitaire, comme nous l’avons mis en évidence pour les pèlerinages diocésains français. L’importance du nombre de pèlerinages organisés depuis le Royaume-Uni et l’Allemagne, à première vue surprenante dans ces pays où les catholiques sont minoritaires peut s'expliquer justement par le fait minoritaire. Le pèlerinage leur donne l'occasion de se retrouver et de constater qu’ils forment une communauté vivante et visible. Les mobilités religieuses ont en effet ceci de spécifique qu’elles s’appuient sur le couple « circulation / iconographie », identifié par Jean Gottmann (1952). La circulation est au cœur de la démarche même du pèlerinage. Ces mobilités se sont intensifiées avec la diffusion de la religion chrétienne sur les différents continents, au fur et à mesure de la colonisation. Le catholicisme, s’il est uniformisant dans la mesure où tous les croyants sont rattachés à l’Église de Rome et au pape qui donne les grandes orientations à respecter, met également en valeur la culture locale. L’accent est mis sur l’inculturation, définie comme le « rapport adéquat entre la foi et toute personne (ou communauté) humaine en situation socioculturelle particulière » (J.-Y. Lacoste, 1998). Par l’inculturation, le catholicisme permet l’articulation local/global. Les mobilités religieuses rendent d’autant plus visible cette articulation : à Lourdes, les pèlerins viennent du monde entier mais, plutôt que de se fondre dans la masse des pèlerins et de former un tout homogène, chaque groupe s’ingénie à rendre visible son identité propre en mobilisant ce que Jean Gottmann appelle une « iconographie » nationale, déclinée parfois à l’échelle régionale voire locale.
L’iconographie consiste dans « tout ce qui permet à un peuple de s’identifier et de se singulariser par rapport à ses voisins et à tous les autres peuples » (Bruneau, 2000). Le religieux y joue un rôle tout particulier : les croyants de telle province se rassemblent sous la bannière de telle Vierge ou de tel saint local ou se distinguent par telle pratique rituelle qui peut même être tombée en désuétude dans le territoire local mais être réactivée par le pèlerinage. Le déplacement hors du territoire permet ainsi de raviver l’identité. Réciproquement, le lieu de pèlerinage lui-même devient un point d’ancrage et un élément de l’iconographie : pour les catholiques frrançais répartis dans le monde, Notre-Dame de Lourdes est un élément fédérateur. La plupart des paroisses françaises à l’étranger possèdent, dans l’église mise à leur disposition, une statue de la Vierge de Lourdes, tout comme les Portugais ont une statue de la Vierge de Fatima ou les Mexicains de celle de Guadalupe. Le déplacement jusqu’au sanctuaire n’est plus alors uniquement religieux, il est également identitaire.
3.3. Le pèlerinage et la diversification touristique
Si la France et l’Europe constituent l’aire d’attraction privilégiée du sanctuaire de Lourdes, l’augmentation du niveau de vie et la démocratisation du transport aérien, ont permis, depuis les années 2000, l’arrivée de plus en plus massive des visiteurs d’Amérique latine (notamment du Brésil), d’Asie (principalement d’Inde, de Chine, de Corée du Sud et du Vietnam) et d’Afrique. Pour certains, c’est le voyage d’une vie. Ainsi, une Burkinabée interrogée au cours d’une enquête à Lourdes en avril 2016 soulignait : « En France, les gens ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont d’avoir Lourdes. Chez moi, certains économisent toute leur vie pour pouvoir venir ici. ». Ces visiteurs lointains échappent le plus souvent au comptage officiel du sanctuaire car les organisateurs ne pensent pas nécessairement à annoncer leur venue.
Étant donnés la distance parcourue et les frais engagés pour se rendre au sanctuaire, les groupes ne se contentent pas d’un pèlerinage à Lourdes, ils réalisent un circuit entre différents lieux de pèlerinage mais aussi lieux touristiques à travers toute l’Europe. Le sanctuaire de Lourdes s’adapte à ces nouveaux pèlerins en mettant à leur disposition des traductions des différentes brochures explicatives. Les commerçants s’adaptent également : sur le boulevard de la grotte, un restaurant indien s’est ouvert, ainsi qu’une boutique d’objets religieux plus spécialement à destination des Indiens, qui vend, en plus des habituelles vierges de Lourdes et autres chapelets, des saris ou encore des statues de Bouddha… |
Groupe de pèlerins chinois réalisant un tour de « pèlerinage et loisir » en EuropeCe groupe de pèlerins chinois venus par le biais d’une agence de pèlerinage laïque exhibe une banderole indiquant qu’ils sont auparavant allés à Fatima, qu’ils se rendront ensuite à Paris (passant très certainement aux sanctuaires de la Rue du Bac, de Notre-Dame et du Sacré-Cœur), avant de terminer par Amsterdam, d’où ils reprendront l’avion après s’être recueillis au sanctuaire de la Dame de tous les peuples. |
À Lourdes, l’évolution des commerces de la ville en fonction du changement des modes de fréquentation du sanctuaire est très perceptible. Ainsi, la personne responsable de la promotion et de la communication à l’office du tourisme de Lourdes remarque : « même au niveau des commerces, ça se diversifie maintenant ! On a des commerces de lavande, de savons, des vêtements, parfumerie, etc. Parce que justement : je pense qu’ils se rendent compte que les pèlerins veulent voir autre chose [que des magasins d’objets religieux] et puis il y a des pèlerins qui ne verront de la France que Lourdes. Donc voilà : c’est le parfum, c’est du haut-de-gamme, la gastronomie, les gâteaux, etc. Ils répondent aussi à une attente » [20]. Grâce au pèlerinage, la ville de Lourdes voit se développer des enseignes et se vendre des produits que l’on ne trouve habituellement que dans les plus grandes villes. Lourdes n’est plus seulement une ville de pèlerinage, elle devient petit à petit, et surtout pour les visiteurs étrangers, une véritable destination touristique.
Les villes-sanctuaires telles que Lourdes possèdent un potentiel touristique conséquent. Il suffit de regarder le classement des sites touristiques les plus visités dans le monde pour s’en convaincre.
Les 10 monuments les plus visités dans le monde en 2015
Source : Travel and Leisure, d’après les chiffres de 2013-2014. |
Force est de constater que, parmi ces dix monuments, cinq sont des édifices sacrés, tous lieux de pèlerinage, et quatre sur ces cinq appartiennent à l’Église catholique romaine. Tous sont aussi situés dans de grandes villes elles-mêmes très touristiques (Tokyo, Mexico, Paris et Rome) et font donc généralement l’objet d’une visite parmi beaucoup d’autres. La place de ces monuments dans le classement révèle qu’ils sont incontournables dans l’offre touristique. Le sanctuaire de Lourdes, si l’on s’en tient à l’estimation de 6 millions de visiteurs, n’arrive pas loin derrière les derniers monuments de ce classement.
Ce capital touristique est bien perçu par les autorités locales. L’office du tourisme de Lourdes réalise un important travail de promotion, centrant précisément son discours sur les sanctuaires. À la question de savoir s’il n’est pas difficile de sortir la ville de son image de ville de pèlerinage, l’office du tourisme répond : « Mais on ne veut pas sortir de l’image ! Sur certains marchés au contraire, on l’intensifie ! Sur le Brésil, les Philippines, tous les pays catholiques, Lourdes : c’est le sanctuaire. Le seul pays où on va peut-être un peu l’atténuer, mais tout en gardant quand même notre ADN, c’est le marché français ». Cette remarque met en exergue l’ambigüité des lieux de pèlerinage en France : avantage comparatif sur les marchés fortement catholiques (tels que les pays d’Amérique latine ou la Pologne par exemple, où la sécularisation de la société est beaucoup moins forte), leur renommée est bien souvent un handicap sur le marché national. Lourdes étant uniquement associée au pèlerinage dans l’imaginaire collectif, une partie des touristes français s'en détourne. C’est du moins ce que ressentent les acteurs du tourisme à Lourdes et ce qu’ils essaient de contrecarrer en mettant en valeur, pour les visiteurs français, d’autres activités qui peuvent être pratiquées à partir de Lourdes comme les visites du patrimoine et les circuits de randonnée pédestre et cycliste. L’office de tourisme travaille avec les acteurs locaux pour favoriser la diversification touristique : une promotion est par exemple faite autour des randonnées à vélo, en lien avec certains hôtels de Lourdes adaptés pour l'accueil d'une clientèle de cyclistes (mise à disposition de garages à vélo et de matériel de réparation, préparation de pique-nique pour les randonneurs…). Il travaille également avec le sanctuaire pour proposer aux pèlerins différentes destinations d’excursions dans les environs, afin de découvrir le patrimoine culturel (visite d’abbayes, de châteaux), gastronomique (visite de caves) et naturel (visite de grottes, excursions vers les grands sites pyrénéens tels que Gavarnie). C’est sur des marchés étrangers bien précis que la dimension religieuse de la ville est mise en valeur, plus particulièrement sur les marchés brésiliens et indiens, qui prennent une importance notable ces dernières années.
Ce travail de promotion se fait en collaboration avec d’autres villes françaises, au sein du réseau des villes-sanctuaires. Du fait de sa forte fréquentation et des moyens conséquents mis en œuvre conjointement par le sanctuaire et par la municipalité, Lourdes est un moteur de ce réseau. Celui-ci exige de ses adhérents une collaboration préalable entre le sanctuaire et l’office de tourisme. Les conditions étaient, à l’origine, que l’office du tourisme soit classé au moins deux étoiles et que le sanctuaire ait une direction des pèlerinages et accueille au moins 500 000 pèlerins. L’idée était alors de développer les partenariats locaux entre offices du tourisme et sanctuaires afin de mieux accueillir les visiteurs, ainsi que de constituer un réseau à l’échelle nationale qui permette l’échange d’expériences et de compétences, ainsi qu’une meilleure visibilité. Il s’agit donc de collaborer pour que les pratiques spatiales des pèlerins et des touristes puissent avoir lieu sans gêne (garantir le silence pour permettre la prière et permettre la libre-circulation des touristes pour qu’ils puissent découvrir le lieu), mais également de renforcer l’ancrage des sanctuaires dans leur territoire local, afin de susciter aussi de la curiosité pour les autres sites touristiques voisins à caractère non sacré. En effet, les offices de tourisme de villes telles que Lisieux, Lourdes ou Rocamadour ont longtemps vu la foule des pèlerins leur échapper, ceux-ci ne poussant la porte de l’office de tourisme que pour s’informer sur le sanctuaire. Enfin, grâce au travail en réseau, des opérations de démarchage sur des marchés étrangers peuvent être réalisées en commun, bénéficiant ainsi à de petits sanctuaires qui, seuls, n’en auraient pas eu les moyens. À travers la collaboration dans le réseau des villes-sanctuaires, il est possible de jouer sur la mince frontière entre tourisme et pèlerinage et de transformer momentanément tant le touriste en pèlerin que le pèlerin en touriste. Ce réseau français est intégré, via les principaux sanctuaires à des réseaux à plus petite échelle comme le réseau marial européen, qui met en relation les principaux sanctuaires dédiés à la Vierge en Europe. |
Le réseau des villes-sanctuaires, sous l’égide d’Atout France
Né en 1994 suite à la rencontre de plusieurs directeurs d’office de tourisme de villes concernées par des pèlerinages, le réseau est aujourd’hui composé de quinze membres libres d’entrer et sortir à tout moment. |
La ville de Lourdes s’est ainsi développée grâce aux mobilités religieuses de pèlerinage qui ont permis de créer un véritable marché (hôtels, commerces, services bien spécifiques au pèlerinage) et qui assurent l’arrivée chaque année de millions de visiteurs. La ville de pèlerinage constitue une destination spécifique qui attire une clientèle de pélerins qui se distingue encore de la clientèle touristique. Néanmoins, les mobilités religieuses se confondent de plus en plus avec les mobilités touristiques, notamment dans les pays où les sociétés sont les plus sécularisées. Le déplacement au sanctuaire de Lourdes est de plus en plus l’occasion de découvrir le patrimoine régional, tendance favorisée par les efforts de l’office de tourisme et soutenus par les sanctuaires de Lourdes eux-mêmes.
Conclusion
La ville de Lourdes est un cas exemplaire de développement urbain et économique appuyé sur le pèlerinage. Le contexte dans lequel les apparitions ont été reconnues a joué un grand rôle : si le pèlerinage s’est diffusé aussi largement sur le territoire national et international, c’est en partie grâce au développement du chemin de fer, contemporain du fait de Lourdes. Cependant, si le chemin de fer dessert précisément la ville de Lourdes, c’est certainement grâce à l’attraction qu’exerce le sanctuaire. Pèlerinage et développement urbain se soutiennent donc l’un l’autre, sans qu’il soit toujours facile de déterminer lequel des deux est l’origine.
Lourdes est aussi un exemple des implications des pèlerinages à toutes les échelles : pèlerinage national des catholiques français, il est également devenu le pèlerinage national des catholiques italiens, britanniques, allemands ou encore de nombreux pays africains. Mais ces pèlerinages à longue distance permettent paradoxalement un renforcement de l’attachement au territoire local car ils sont une occasion de cimenter la communauté des croyants en mobilisant voire en réactivant l’iconographie locale.
Malgré la sécularisation des sociétés occidentales, le déclin de la pratique religieuse en Europe et les répercussions de la crise économique, Lourdes reste l’une des principales destinations touristiques françaises. Le sacré, en effet, se faisant plus rare dans l’espace public, les sanctuaires apparaissent comme des lieux de ressourcement pour les croyants : la mobilité religieuse a pour but spécifique de renforcer la foi de ceux qui la pratiquent. Mais, sous l’effet de la sécularisation, les sanctuaires, suscitent également davantage la curiosité des non-croyants. Les marqueurs du sacré étant de moins en moins visibles dans l’espace public, les sanctuaires jouent quelque peu le rôle de « conservatoire » du patrimoine et des pratiques sacrées. Ce n’est pas seulement les lieux que viennent voir les visiteurs non-croyants, mais également des pratiques, comme l’ont mis en évidence les chercheurs canadiens Luc Noppen et Lucie K. Morisset (2003). Les lieux de pèlerinage sont ainsi la fois des lieux éminemment publics où les croyants expriment aux yeux de tous et mettent en scène une foi habituellement cantonnée à la sphère privée et des lieux propices au contraire à l’intériorité et au retour sur soi, favorisés par l’arrachement à la sphère du quotidien.
Les sites religieux, plus largement, se font de plus en plus présents dans l’offre touristique internationale. Si le grand lieu de pèlerinage de l’islam, La Mecque, reste encore inaccessible aux non-musulmans, beaucoup de mosquées ouvrent avec succès leurs portes aux touristes dans les pays du Maghreb ou encore en Turquie. Néanmoins, il s’agit ici d’une offre de tourisme culturel qui ponctue un séjour touristique et non d’une forme de mobilité spécifique comme l’est le pèlerinage à Lourdes. La ville sainte de l’islam reste le lieu non-chrétien le plus comparable à Lourdes : elle aussi doit son développement au pèlerinage qui a suscité la mise en place de grandes infrastructures de transport. Il lui a aussi conféré un poids symbolique fort. Dans toutes les religions où le pèlerinage existe, les sanctuaires jouent un rôle important dans le maillage du territoire, particulièrement dans le contexte actuel de mondialisation où ils constituent de véritables points de repère et d’ancrage identitaire.
Notes
[1] Source : "En Inde, la Kumbh Mela à Nashik attire des millions de pèlerins", La Croix, 14 juilllet 2015.
[2] Source : Insigne y Nacional Basilica de Guadalupe.
[3] Source : "Islam : le pèlerinage de La Mecque en 9 chiffres", Jeune Afrique, 27 août 2015.
[4] Source : OMT. Voir le site dédié au premier congrès international de l’OMT sur le tourisme et les pèlerinages qui s’est tenu du 17 au 20 septembre 2014 à Saint-Jacques de Compostelle : 1st UNWTO International Congress on Tourism & Pilgrimages (en anglais et espagnol).
[5] Voir à ce sujet les travaux de Pierre-Yves Trouillet sur l’hindouisme. Un bon exemple est également fourni par Julie Picard dans son article « (Re)penser la géographie des migrations au prisme du religieux : le cas des Africains chrétiens au Caire » in L’Information géographique, 2016/1, vol. 80.
[7] L’Association Ave Maria s’occupe de la restauration et de l’hébergement au Village des jeunes et à l’Accueil Notre-Dame depuis 1974. La SARL du sanctuaire s’occupe de l’hébergement des malades depuis 1996. L’EURL Basilique du Rosaire est en charge des activités commerciales (librairie, édition, médailles, audioguides… le sanctuaire ne possède qu’un seul magasin-librairie) depuis 2000 et l’Association patrimoine s’occupe de la gestion des bâtiments (Source : Organisation juridique des sanctuaires, Lourdes-Infos.com
[9] Source : site de la mairie de Lourdes.
[16] Le site du sanctuaire met à la disposition de tous le calendrier des pèlerinages.
[18] Source : Sanctuaire Notre-Dame-de-Lourdes.
[20] Entretien du 26 avril 2016.
Pour compléter :
Ressources bibliographiques
- Bruneau Michel, 2000, « De l’icône à l’iconographie, du religieux au politique, réflexions sur l’origine byzantine d’un concept gottmanien », Annales de Géographie, n°616, pp. 563-579
- Chadefaud Michel, 1981, Lourdes : un pèlerinage, une ville, Aix-en-Provence, Edisud, 123 p.
- Chélini Jean (dir.), Branthomme Henry (dir.), 1982, Les chemins de Dieu : histoire des pèlerinages chrétiens des origines à nos jours, Paris, Hachette, 493 p.
- Chevrier Marie-Hélène, 2013, « Pèlerinage et pratiques spatiales à Mexico et à Lourdes. Entre familiarité et altérité », Carnets de géographes, n°6
- Chevrier Marie-Hélène, 2016, « Le pèlerinage à l’heure de la sécularisation : dilution ou cristallisation du sacré dans l’espace ? », L'Information géographique n°1, vol. 80, p. 105-129.
- Gottmann Jean, 1995, La politique des États et leur géographie, Paris, Armand Coin, 228 p.
- Huysmans Joris-Karl, 1906, Les foules de Lourdes, Paris, P.-V. Stock, 314 p.
- Lacoste Jean-Yves, 1998, Dictionnaire critique de théologie, Paris, Presses Universitaires de France, coll. Quadrige, 1587 p.
- Lasserre Henri, 1869, Notre-Dame de Lourdes, Paris, V. Palmé, 468 p.
- Noppen Luc, Morisset Lucie K., 2005, « Nouveau regard sur une triade ancienne : le tourisme peut-il soutenir la religion ? La religion sauvera-t-elle le patrimoine ? Ou est-ce le tourisme ? Et que dire alors des églises ? », Teoros, 24-2|2005
- Morisset Lucie K., Noppen Luc, 2003, « Le tourisme religieux et le patrimoine », Teoros, 22-2|2003
- Plan Local d’Urbanisme de Tarbes, 2014, Rapport de présentation, 287 p.
- Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes, 2010, « Lourdes lève le voile », dossier de présentation.
- SNCF, « SNCF, RFF, les organisations de pèlerinage et les sanctuaires de Lourdes signent les accords de Lourdes 2013-2017 », communiqué de presse du 3 mai 2012.
- Thual François, 2003, « La mondialisation des religions, toujours recommencée ? », Hérodote, 2003/1, n°108, pp.189-205.
- Trouillet Pierre-Yves, 2006, « Mondialisation et territoires religieux dans les espaces tropicaux », Cahiers d’Outre-Mer, 2006/4, n°236, pp.481-498.
Ressources webographiques
- Sanctuaire Notre-Dame-de-Lourdes, le site officiel
- Villes sanctuaires en France, le site de l’association
- L’Office de tourisme de Lourdes
- Pyrenia, le site du syndicat mixte de la zone aéroportuaire de Tarbes-Lourdes-Pyrénées
- Tarbes-Lourdes-Pyrénées, le site de l'aéroport
- Aerospace Valley, le site du pôle de compétitivité mondial
- Le dessous des cartes, Les pèlerinages, phénomènes mondiaux, novembre 2013. Pratique millénaire, les pèlerinages connaissent un succès grandissant. Comment expliquer cet engouement ? À quoi ressemblent les pèlerinages du XXIe siècle ? L'émission tente de répondre à ces questions à travers plusieurs exemples comme La Mecque, Lourdes et Amarnath.
- France 3, Lourdes : seconde ville hôtelière après Paris, 13 août 2015, Vidéo 3'35.
- France 3 Midi-Pyrénées, Le business de Lourdes, 16 août 2015, Vidéo 3'24.
et dans Géoconfluences, Le pèlerinage à La Mecque, un regard géographique, Veille, 24 septembre 2015
Marie-Hélène CHEVRIER,
doctorante en géographie, ENS de Lyon, Université Lyon 2, UMR EVS 2600
Conception et réalisation de la page web : Marie-Christine Doceul,
pour Géoconfluences, le 19 octobre 2016
Pour citer cet article :
Marie-Hélène Chevrier, « Pèlerinage, développement urbain et mondialisation : l'exemple de Lourdes », Géoconfluences, octobre 2016.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/fait-religieux-et-construction-de-l-espace/corpus-documentaire/pelerinage-lourdes