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Beau

Publié le 09/12/2025
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Beau est un qualificatif peu utilisé en géographie, si ce n’est, jusqu’aux années 1970 par la géographie classique ou, de nos jours, en analyse des paysages, dans le cadre d’une géographie des représentations. Les notions de « beau » mais aussi de « laid », « d’esthétique » ou « d’inesthétique » sont donc avant tout la résultante de celui qui perçoit le paysage et se le représente. Par définition subjectives, elles sont suspectes dans la langue scientifique. Françoise Berdot écrit, au propos du rapport des sciences sociales au documentaire d’auteur :

« Or la quête du beau et la quête du bien s’effectuent souvent en transgressant certains principes scientifiques qui s’exercent notamment au plan des techniques d’entretien, du choix des témoins, du traitement du temps et de l’espace. » Texte de Françoise Berdot sur le documentaire d’auteur et les sciences sociales.

Françoise Berdot (2006). « Le documentaire d’auteur et les sciences sociales » . Communications, 80, 2006. « Filmer, chercher », sous la direction de Daniel Friedmann, p. 163–174.

Roger Brunet (1993) suggère de relire le Dictionnaire philosophique, Voltaire : « Il conclut, après bien des réflexions, que le beau est très relatif, comme ce qui est décent au Japon est indécent à Rome, et ce qui est de mode à Paris ne l'est pas à Pékin ; et il s'épargna de composer un long traité sur le beau ». Cette représentation d’un paysage, ce jugement porté sur sa valeur varie donc dans l’espace et dépend de la culture dominante. Elle évolue également en fonction des temporalités et tel paysage sera jugé de manière fort différente en fonction de l’époque. Le cas de la mer et de la montagne, longtemps qualifiées de « méchants pays », de terres hostiles, et souvent désertées, est assez révélateur. C’est ce que notait le philosophe Alain Roger en 2009 : « Si la montagne et la mer étaient naturellement belles, on se demande bien pourquoi il aurait fallu attendre le XVIIIe siècle pour les juger telles... »

On pourra donc juger beau certains paysages de la production industrielle ou énergétique (de la raffinerie à l'éolienne), les paysages de l'échange (aéroports, terminaux portuaires par exemple), etc. Jacques Lacarrière nous invitait à partager certains de ses enthousiasmes à l'égard des pylônes Beaubourg et autres raffineries dans Ce bel aujourd'hui.

On remarquera que ce qui fait la valeur d'un paysage, d'un site, est variable dans le temps et dépendant des usages socio-économiques, des pratiques culturelles de ceux qui y vivent ou de ceux qui le visitent et le découvrent. Celle valeur est inscrite dans les rapports de force et de domination au sein d’une société donnée : ce sont souvent les dominants qui dictent les canons esthétiques. Le laid est alors ce qui évoque aux dominants les dominés, leurs lieux de vie et de travail, leur habitat. Ce n’est qu’après la fermeture des mines et des usines que les paysages ouvriers ont commencé à faire l’objet d’études paysagères et d’une patrimonialisation.

(ST) 2008, réécriture partielle (SB, CB et JBB) décembre 2025.


Références citées
  • Berdot Françoise (2006). « Le documentaire d’auteur et les sciences sociales » . Communications, 80, 2006. « Filmer, chercher », sous la direction de Daniel Friedmann, p. 163–174.
  • Brunet Roger (1993), « Beau », in Brunet Roger, Ferras Robert et Théry Hervé (dir.), Les mots de la géographie. Dictionnaire critique. Reclus, La Documentation française (2e éd., 1992 pour la 1re éd.).
  • Jacques Lacarrière. Ce bel aujourd’hui. Lattès. 1989
  • Roger Alain (dir., 2009). La théorie du paysage en France (1974-1994). Champ Vallon.
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