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Mafia

Publié le 04/12/2025
Auteur(s) : Laurent Carroué, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, directeur de Recherche à l’IFG - université Paris VIII
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D’origine italienne, le terme de mafia désigne aujourd’hui une organisation criminelle secrète, d’envergure, bien structurée par une direction collégiale et les codes et règles internes suivis par ses membres. Géographiquement, une mafia se développe à partir d’un enracinement ancien et profond dans un berceau historique d’échelle au moins régionale (Maccaglia, 2014), qu’elle contrôle par l’intimidation, la contrainte et la violence criminelle. Elle y déploie des activités illégales (vol, racket et chantage, extorsion de fonds, prostitution, trafics d’armes ou de drogue, assassinats...) tout en infiltrant, parfois jusqu’à les noyauter lorsqu’elle le peut, les institutions étatiques (police, justice...), politiques et sociales (partis, élus, associations...), économiques et financières (entreprises et secteurs d’activités). Elle cherche ainsi à disposer de moyens légaux pour blanchir les énormes revenus tirés de ses activités, par exemple dans le bâtiment et l’immobilier, la gestion des déchets, les transports, la grande distribution, les jeux...

On peut distinguer dans le monde un certain nombre de mafias, avec chacune leurs caractéristiques propres. En en fournissant l’archétype historique, l’Italie connait quatre grandes mafias : Cosa Nostra en Sicile, Camorra à Naples et en Campanie, ‘Ndrangheta en Calabre et Sacra Corona Unita dans les Pouilles. Avec l’arrivée massive de migrants italiens aux XIXe et au début du XXe siècle, les mafias italiennes se sont largement implantées aux États-Unis. On trouve dans le monde d’autres modèles mafieux tels la mafia albanophone au Kosovo et en Albanie, la maffya turque, les Triades chinoises (Hong Kong, Canton, Shanghai...), les Yakusas japonais et les différents « Cartels » latino-américains très puissants au Mexique, en Colombie ou en Amérique centrale. 

Les mafias plus puissantes ont pu jouer un rôle historique important. En Chine, les Triades participent directement aux conflits entre Japonais, nationalistes du Guomindang et communistes, entre 1930 et 1949. En Italie, la mafia apporte une aide directe au débarquement des troupes américaines en 1943 puis scelle une alliance durable avec la Démocratie chrétienne de Giulio Andreotti contre la montée du Parti communiste italien dans les décennies 1950–1980. Aux États-Unis, la mafia participe aux côtés de la CIA à la lutte contre le régime de Fidel Castro à Cuba, lequel les avait privées de leurs juteuses activités (jeux, casinos, prostitution) après sa prise de pouvoir, et elle dispose d’importants relais d’influence jusqu’à la Maison-Blanche, par exemple jusqu'au père du président John F. Kennedy (Gayraud, 2023).  

Aujourd’hui, les mafias se sont profondément transformées en devenant des « organisations criminelles entrepreneuriales » (Giorgio Toschi, commandant général de la Guardia di Finanza, la police douanière et financière italienne). Elles sont parfois des acteurs économiques et financiers de premier plan grâce à la bienveillance ou la complicité d’une partie des élites des pays dans lesquelles elles sont implantées. Dans bien des cas, les anciens « parrains » sont aussi devenus des patrons et les « hommes d’honneur » des « hommes d’affaires », ou des criminels en col blanc. La « mappatura », la carte du crime organisé établie par les autorités italiennes, estime ainsi à 100 000 les entreprises infiltrées par la mafia, y compris désormais dans le Nord du pays. Elles sont aussi devenues des actrices de la mondialisation criminelle en tissant entre elles des liens à l’échelle du globe, tout en mobilisant cabinets d’avocats, financiers ou experts en droit international pour gérer et défendre leurs activités.   

Dans le paysage culturel (cinéma, BD, mangas, jeux vidéos...), les mafias bénéficient parfois dans certaines publications d’une image de marque positive, voire valorisante (le « rebelle », l’ « homme d’honneur »...) liée notamment à des films comme Le Parrain. Elles peuvent être tentées d’encourager elles-mêmes ce processus, par exemple sur les réseaux sociaux, afin de banaliser leur présence, voire de faciliter leurs recrutements. D’autres œuvres de fiction parviennent toutefois à déconstruire l’imaginaire mafieux, comme les séries Gomorra et Suburra (Canto, 2025).

Laurent Carroué, décembre 2025. Dernière modification (JBB), décembre 2025.


Références citées
  • Canto Anne-Sophie (2025), « Déconstruire l’imaginaire mafieux : les séries Gomorra et Suburra », La Clé des Langues, décembre 2025.
  • Gayraud Jean-François (2023), La mafia et la Maison Blanche, Plon, Paris, 2023.
  • Maccaglia Fabrizio (2014), Atlas des mafias. Acteurs, trafics et marchés criminels dans le monde, Autrement, coll. Atlas, Paris, 2014.
Pour compléter avec Géoconfluences
Pour aller plus loin
  • Clotilde Champeyrache, Géopolitique des mafias. Entre expansion économique et conquête territoriale, Le Cavalier bleu, Paris, 2022, 192 p.
  • Jean-François Gayraud, Les sociétés du silence. L’invisibilité du crime organisé, Fayard, Paris, 2025.
  • Jean-François Gayraud, Le monde des mafias. Géopolitique du crime organisé, Odile Jacob, Paris, 2008.
  • Roberto Saviano, Gomorra. Dans l’empire de la camora, Folio, Paris, 2018.
  • Antonio Talia : 'Ndrangheta: Sur les routes secrètes de la mafia la plus puissante au monde, Grasset, Paris, 2020.
Un roman
  • Roberto Saviano : Giovanni Falcone, Gallimard, Paris, 2025
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