Ménagement
En géographie et en urbanisme, le ménagement désigne une réaction aux excès de l’aménagement. Le parallèle entre des deux termes permet un jeu de mots facile, « à ménager, aménager », et il est ancien (par exemple, dans un titre de Roger Brunet en 1994). Mais les usages plus récents vont au-delà : pour Thierry Paquot (2021, cité par Lussault, 2024, p. 188), « le ménagement en architecture, urbanisme, paysagisme, design, se doit de pratiquer le cas par cas, le sur-mesure et le avec les habitants et le vivant. Les trois simultanément. Les trois qui s’enrichissent mutuellement ». Dans le même texte, Thierry Paquot insiste sur l’antinomie entre ménagement et aménagement : le premier serait le contraire de l’autre, voire son antidote. Michel Lussault ajoute : « appliquer un tel programme ne conduirait rien de moins qu’à s’émanciper de la démarche de l’aménagement et de l’urbanisme "scientifiques et rationnels", standards qui règnent aujourd’hui en maîtres. »
Il est donc dommage de n’y voir qu’un jeu de mots ou un prétexte à faire des titres, alors que le terme propose non seulement une critique des pratiques existantes dans l’aménagement de l’espace (verticalité, vaste échelle, consommation d’espace), mais invite aussi à repenser ces pratiques de façon constructive, à travers l’angle de l’attention, du soin (care), de la sobriété, d’une façon plus horizontale. Roger Brunet (1996) écrit, à propos de la géographie cette fois :
« Ménager peut se lire au plus court : c’est alors prendre soin. Au plus profond, c’est aussi géer et promouvoir, entre ménage à faire et management à assurer. « À » est ici tout ensemble actif et passif. Par « géographie à ménager » l’on peut entendre qu’il la faut, en effet, faire servir, mais en la respectant. Et qu’à ce prix, en retour, elle peut mieux servir à « ménager » : ménager le territoire, l’entreprise, la communauté, le globe même. Or la géographie sous cet angle n’est pas toujours assez éclairée, ni bien estimée, ni d’ailleurs exempte de dangers. »
Roger Brunet (1996). « Géographie à Ménager ». Le Débat, 92(5), p. 78–86.
(JBB), avril 2025.
Références citées
- Brunet Roger (1994), La France, un territoire à ménager, Édition n°1, Paris, 1994, 327 pages.
- Brunet Roger (1996). « Géographie à Ménager ». Le Débat, 92(5), p. 78–86.
- Lussault Michel (2024), Cohabitons ! Pour une nouvelle urbanité terrestre, Seuil, coll. « La couleur des idées », octobre 2024.
- Paquot Thierry (2021), « Ménager le ménagement », revue Topophile, juin 2021.