Pavillon (en navigation)
En droit maritime, le terme de pavillon est la nationalité de rattachement du navire, le pays dans lequel il est immatriculé et dont il relève juridiquement en haute mer. Le pavillon tire son nom de la pièce d’étoffe représentant le drapeau de ce pays, arboré à la poupe (à l’arrière) des navires.
Tout navire doit obligatoirement posséder un pavillon. C’est l’État dans lequel il est immatriculé qui le contrôle et lui impose ses règles fiscales, sociales, environnementales, pénales à appliquer hors de la mer territoriale (« droit du pavillon »).
Après la seconde guerre mondiale, l’organisation du transport maritime international a été profondément transformée par la pratique de la libre immatriculation des navires sous le pavillon de leur choix. Deux facteurs principaux en sont à l’origine : d'une part, les armateurs des États-Unis transfèrent une partie de l'immense flotte de transport maritime sous les pavillons de Panama ou du Libéria, très peu regardants quant à l’application des règlementations fiscales et sociales. Le registre libérien a été ouvert en janvier 1949, 5 navires étaient immatriculés sous ce pavillon en 1949, ils étaient 2 726 en 2010, faisant du Libéria le 8e pavillon mondial à cette date (Angelelli, 2012). D'autre part, la décolonisation fait perdre, en particulier à la France et au Royaume-Uni, la quasi-totalité de leurs territoires d’outre-mer et les trafics protégés qui y étaient associés. Parmi les nouveaux pays indépendants, certains créent leur propre marine qui vient concurrencer les anciennes puissances européennes. Pour abaisser leurs coûts, les transporteurs européens ont de plus en plus recours aux pavillons de complaisance, c’est ainsi que les Français utilisèrent le pavillon panaméen. La libre immatriculation des navires offre un exemple pionnier de délocalisation à l'échelle mondiale dans le secteur des transports.
L’expression pavillon de complaisance, née en 1954, s’est rapidement imposée. Toutefois les acteurs du monde maritime préfèrent l’expression de pavillon de registre ouvert, ou de libre-immatriculation. Pour les distinguer des paradis fiscaux, l’OCDE a dressé une liste de 6 caractéristiques communes aux pavillons de complaisance : pays d’immatriculation de « faible puissance », contrôle du navire par des non-résidents, accès facilité aux registres d’immatriculation, fiscalité peu élevée ou nulle, absence de contrôle par l’État sur les navires et possibilité d’employer un équipage de non-ressortissants. Quant à elle, l’International Transports Workers Federation (ITF) a proposé la définition suivante : « Sont considérés comme navires sous pavillon de complaisance les navires pour lesquels la propriété réelle et le contrôle se situent dans un pays autre que celui des pavillons sous lesquels ils sont immatriculés. » L’ITF a dressé une liste évolutive de pavillons de complaisance (certaine États en sont sortis, comme le Luxembourg en 1997). Il y a actuellement 32 pavillons de complaisance (ou FOC : Flag of Convenience) dans le monde.
Depuis les années 1970, après l’impact du naufrage du Torrey Canyon (1967) et de l’Amoco Cadiz (1978), pétroliers sous pavillon libérien, se sont multipliés les « pavillons bis ». Les États permettent ainsi aux armateurs d’employer jusqu’à 65 % de non-nationaux à bas coût, généralement des marins asiatiques (philippins, indiens). Depuis 1986, les armateurs français utilisaient le pavillon de Kerguelen, Port aux Français (TAAF) pour alléger leurs charges fiscales et sociales. En 2007, le pavillon des Kerguelen est remplacé par le Registre International français (RIF), créé en 2005. Au 1er janvier 2020, la France compte 182 navires inscrits au RIF, sensiblement le même nombre de navires que ceux immatriculés au registre générique. De la même façon, le Royaume-Uni utilise le pavillon bis de l’Île de Man.
Un pavillon bis est-il un pavillon de complaisance ? La question prête à controverse. L’ITF classe le RIF parmi les pavillons de complaisance, à la demande des syndicats français, en dépit des protestations du gouvernement français. À bord de ces navires, les réglementations internationales et nationales de sécurité sont appliquées mais les discriminations sociales entre l'équipage européen et non-européen (qui peut aller jusqu'aux trois-quarts de l'effectif) sont légalisées par le pavillon bis.
La flotte mondiale navigue sous 156 pavillons différents. La mondialisation du transport maritime s'est accompagnée d'une dissociation entre le pavillon du navire et la nationalité de l'armateur pour près de 60% du tonnage transporté. En 2020, parmi les dix premiers du classement de Review of Maritime Transport (CNUCED, 2021), cinq sont des pavillons de libre immatriculation ou de complaisance (Panama, Libéria, Îles Marshall, Malte, Bahamas) ; la seule République de Panama transporte 19 % du tonnage de la flotte mondiale.
(MCD, 2015), dernière mise à jour (SB et CB), mars 2022
Références citées
- Angelelli Pierre, « La libre immatriculation des navires : un gain pour les petites économies insulaires ? Étude à partir du cas d’États de la Caraïbe ». Économies et finances. Université des Antilles-Guyane, 2012.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Jean-Benoît Bouron, « L’accident de Baltimore révèle le gigantisme des porte-conteneurs », brève de Géoconfluences, avril 2024.
- Guy Baron, « Habiter les navires de commerce au long cours, avant-poste de la mondialisation », 2014, (avec une carte mondiale dans le complément 4 : les pavillons au vent de la mondialisation)
Liens externes
- CNUCED. Review of marine transport. 2021 (en français et en anglais). https://unctad.org/fr/node/35541 Fédération internationale des ouvriers du transport : campagne contre les pavillons de complaisance
- Le pavillon français. Décryptage. https://www.armateursdefrance.org/sites/default/files/decryptages/le_pavillon_francais_decryptage_adf.pdf en particulier, État de la flotte de commerce au 1er janvier 2014
- Anne Gallais-Bouchet, « Pavillon marchand et influence internationale », Note de Synthèse de l’ISEMAR n°110, décembre 2008, 4 p.