L’accident de Baltimore illustre le gigantisme des porte-conteneurs
Bibliographie | citer cet article
Lors de l’échouage d’un navire dans le canal de Suez, en mars 2021, c’était l’ensemble des échanges maritimes mondiaux qui avaient été ralentis voire paralysés pendant un mois. Les attaques houthistes en mer rouge rappellent depuis l’automne 2023 combien ce passage est stratégique.
Cette fois, le pont écroulé en travers de l’estuaire de la Patapsco, à Baltimore, ne bloque pas un point de passage maritime stratégique (choke point) à l’échelle mondiale. Toutefois, le pont écroulé empêche l’accès à la majorité des installations portuaires de la ville. L’une des synapses littorales du territoire américain est donc en partie bloquée, piégeant les navires qui y stationnaient (document 1). Or, le principe d’un navire porte-conteneurs est de rester le moins longtemps possible à quai, car chaque heure d’immobilisation coûte des milliers d’euros, compte-tenu de la valeur des cargaisons. Ainsi, l’accident de Baltimore implique de nombreuses compagnies maritimes et paralyse une (toute petite) partie des échanges maritimes mondiaux. Il va surtout coûter très cher aux assureurs : une estimation avance le chiffre de trois milliards de dollars (source). Dix jours après l’accident, le Dali est toujours bloqué dans le port de Baltimore (VesselFinder). Comme lors de l’accident de l’Ever Given en 2021, il est difficile et très long de dégager un navire de cette taille lorsqu’il est échoué ou accidenté.
Document 1. Le pont Francis Scott Key, écroulé, bloque l’accès à une partie du port de Baltimore
Source : U.S. Department of Transportation, Bureau of Transportation Statistics. |
Le navire ayant percuté le pont, le MV Dali, est un porte-conteneurs néopanamax immatriculé à Singapour et enregistré aux Îles Marshall. Il doit son nom au peintre Salvador Dalí (il a été lancé en même temps qu’un navire jumeau, le Cézanne). Depuis mars 2024, le navire est affrété par Maersk et géré et exploité par Synergy Marine Group (source).
Le gigantisme croissant des navires est une source d’inquiétude en raison des risques qu’ils font peser aux infrastructures. La capacité moyenne de ces derniers est passée, de 1992 à aujourd’hui, d’environ 1 500 EVP à environ 4 500 EVP. Mais cette moyenne tient compte d’un grand nombre de porte-conteneurs anciens qui continuent de circuler (Frémont, 2019). Ainsi, la capacité du plus grand porte-conteneurs du monde est passée d’environ 4 500 EVP en 1992 (soit la capacité moyenne actuelle) à 24 000 EVP aujourd’hui (document 2).
Document 2. La course au gigantisme des porte-conteneurs (1992-2024)
Ainsi, si la capacité du Dali (10 000 EVP) est deux fois plus grande que celle de la moyenne des porte-conteneurs, elle est plus de deux fois plus petite que celle des plus grands navires actuels (qui sont des postpanamax).
Le porte-conteneurs ayant la plus grande capacité est en 2024 l’Irina, de la compagnie italo-suisse MSC (Mediterranean Shipping Company), battant pavillon libérien (document 3). Pour l’instant ! Puisque le record est battu de quelques EVP chaque année, avec un nouveau navire sortant des chantiers navals chinois.
Document 3. Le MSC Irina, le plus grand porte-conteneurs du monde (en 2024)
Sources et références citées
- Antoine Frémont, « Le transport maritime depuis 1945 : facteur clé de la mondialisation », Entreprises et histoire, vol. 94, no. 1, 2019, p. 16-29.
- Le fil de Sylvain Genevois sur Cartographie(s) numérique(s), mars et avril 2024.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Le dossier « Océans et mondialisation »
- Clara Loïzzo, « La crise en mer Rouge, révélatrice de la vulnérabilité des grandes routes maritimes mondiales », Géoconfluences, janvier 2024.
- « Un porte-conteneurs en travers du canal de Suez, révélateur de la maritimisation des échanges », brève de 2021.
- Marie-Christine Doceul et Sylviane Tabarly, « Le canal de Suez, les nouvelles dimensions d’une voie de passage stratégique », Géoconfluences, mars 2018.
Jean-Benoît BOURON
Agrégé de géographie, responsable éditorial de Géoconfluences
Pour citer cette brève :
Jean-Benoît Bouron, « L’accident de Baltimore illustre le gigantisme des porte-conteneurs », brève de Géoconfluences, avril 2024.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/pont-baltimore