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Plan vert (Guyane)

Publié le 03/12/2024
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Le Plan vert est un ambitieux projet de développement du territoire de la Guyane proposé en aout 1975 par Olivier Stirn, le secrétaire d’État aux DOM-TOM et approuvé par le président de la République Valéry Giscard d’Estaing. Il vise à permettre le décollage économique du département en exploitant les ressources du territoire au niveau de la forêt, des terres disponibles, de la mer ou du sous-sol.

Dans les années 1970, la Guyane connait un profond retard économique : elle n’exporte aucun produit, à l’exception de l’or. Pourtant, le BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières) a répertorié un certain nombre de minerais exploitables, comme la bauxite dans la région de Kaw (nord-est du département). Les géologues estiment alors que ce gisement peut être rentable et promettent une production de 1,5 million de tonnes par an pendant vingt ans. Dans le domaine de l’agriculture, seules des cultures traditionnelles, vivrières, extensives et sur brûlis occupent une superficie modeste estimée à 3 400 hectares dans un département qui s’étend sur 830 000 hectares. Les Amérindiens et les Bushi-Nenge (descendants des esclaves noirs qui ont fui les plantations pendant la période coloniale) utilisent le système peu productif de l’abattis.  Ils vendent leurs faibles surplus (bananes, manioc, citrons verts…) sur les marchés proches. Mais la production locale ne suffit pas à nourrir les Guyanais et il faut donc importer des aliments des pays voisins ou de la métropole. Le bois, quoique omniprésent dans le milieu, est très peu exploité. Les contraintes liées à la dispersion des essences à forte valeur ajoutée comme l’Angélique rendent la forêt guyanaise peu rentable en comparaison des bois d'Afrique ou d'Asie.

Ainsi, le Plan Vert envisage le développement de l’exploitation du bois en lien avec deux groupes nord-américains qui ont exprimé le souhait d’installer des usines de pâte à papier en Guyane pour répondre à la demande des États-Unis. Pour cela le gouvernement français prévoit d’accorder des permis d’exploitation pour 300 000 hectares de forêt domaniale.  L’agriculture et l’élevage constituent aussi l’épine dorsale du plan en s’appuyant sur la faible densité de population qui offre une grande disponibilité de foncier. Ainsi, le Plan vert prévoit l’installation de 250 exploitations agricoles de 150 à 250 hectares qui devront être précédées de fermes expérimentales. Il est prévu de produire de la canne à sucre, du soja et du riz. En ce qui concerne le cheptel, le Plan Vert envisage de porter le nombre de bovins à 30 000 afin d’assurer la production de 1 000 tonnes de viande par an. Le projet suppose de construire des infrastructures routières et portuaires destinées à la circulation des productions, que ce soit à l’intérieur de la Guyane ou vers l’extérieur pour les exportations en direction de la métropole. Le plan envisage la création de 5 000 emplois.

Le Plan Vert suscite d’abord un grand enthousiasme. Le gouvernement lance un appel aux volontaires dans l’Hexagone et aux Antilles afin de les inciter à s’installer en Guyane. Près de 30 000 personnes proposent leurs services et se déclarent prêtes à partir dans la forêt guyanaise. Dépassés par ce succès inattendu, les pouvoirs publics freinent alors les ardeurs en fixant des conditions de compétences dans le domaine agricole.

En outre, la mise en route du plan bénéficie d’une aubaine : un afflux de réfugiés en provenance d’Asie du sud-est (Laos et Vietnam) et qui fuient les régimes communistes en 1975. Les autorités françaises y voient une chance de peupler un territoire qui ne compte alors que 55 000 habitants. Les Hmongs maîtrisent les techniques agricoles du milieu tropical et apparaissent par conséquent comme un atout pour la réussite du plan. L’État français organise donc leur transfert vers la Guyane.

En revanche, les acteurs locaux sont beaucoup plus circonspects. Après la surprise (ni les élus, ni les personnalités guyanaises n’ont été consultés) vient une période de doute, d’inquiétude et puis de colère. Les élus locaux craignent le risque d’une submersion de la société guyanaise par une population allogène d’origine européenne ou asiatique. Les Indépendantistes dénoncent une tentative néocoloniale de la France, à contre-courant des évolutions politiques et sociales de cette fin du XXe siècle. Même la bourgeoisie créole cayennaise craint de perdre sa position de classe dominante dans le territoire, au profit d’une nouvelle élite blanche.

Le bilan du Plan vert apparait très maigre, ce qui fait rapidement parler d’échec. Seules que dizaines d’exploitations agricoles voient le jour. Le cheptel n’a atteint, en 1986, que 16 000 têtes fournissant 400 tonnes de viande, avant de diminuer par la suite. Quant à la production de bois, elle atteint un volume de 120 000 m3 dans les années 1980, puis baisse. L’usine de pâte à papier ne verra jamais le jour. La seule production ayant atteint une ampleur importante est celle du riz, suite à de grands travaux de poldérisation dans la région de Mana, avant de s’effondrer à son tour au début des années 2000.

Patrick Blancodini, décembre 2024.


Sources
  • Jean Octobre, « Le plan de développement de la Guyane : grands projets, petites réalisations », Le Monde, 3 août 1977.
  • Jean-Émile Vié (ancien secrétaire général pour l'administration des départements d'outre-mer), « L’échec du Plan Vert en Guyane », Le Monde, 1er juillet 1977.
  • Jacques Barret (dir.), Atlas illustré de la Guyane, Publications guyanaises, 2002.
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