Transition économique des anciens États socialistes
Dans les anciens pays à économie dirigée du bloc soviétique, la transition économique désigne le passage d’un système économique étatique planifié à un système capitaliste d’économie de marché, par le biais notamment de la privatisation des propriétés de l’État, engagé en 1991. Ce texte examine particulièrement le cas de la Russie, de 1991 à 2004.
Boris Eltsine, président de la Fédération de Russie entre 1991 et 1999, avait promis à ses compatriotes que les réformes leur apporteraient la prospérité. Néanmoins, nombre d'entre eux éprouvent le sentiment d'avoir été lésés par les privatisations. Elles auraient dû permettre une redistribution démocratique des biens détenus collectivement mais elles ont été détournées au profit d'un petit nombre, en particulier de ceux qui vont être qualifiés d'oligarques.
L'interférence entre les affaires et le monde politique reste une donnée fondamentale du paysage économique russe et la transition économique et politique des années 1990 ne s'est pas traduite, de ce point de vue, par de grands changements par rapport à la période antérieure. Cette amertume et ces frustrations expliquent la popularité de la croisade anti-oligarques menée ensuite par Vladimir Poutine.
La Cour des comptes de la Fédération a remis en 2004 un rapport à la Douma (chambre basse de l’Assemblée fédérale) sur les dix années de privatisations de 1993 à 2003 : basé sur l'étude des cas de 54 entreprises (dont Loukoïl, Magnitogorsk Metal, Sibir Airlines, Slavneft, etc.), le rapport établit que nombre de ces privatisations étaient douteuses, accompagnées de « nombreuses violations » conduisant « à des cessions illégales de biens d'État, y compris d'importance stratégique, à des russes et à des étrangers, à des prix trop bas ». Le plan « dette contre actions » avait permis à Mikhaïl Khodorkovski d'acquérir Ioukos pour une somme dérisoire. Le gouvernement Poutine a pu s'appuyer sur ce rapport pour réclamer aux groupes incriminés des arriérés d'impôts compensatoires qui ont pu les mettre en difficulté ou les pousser à la faillite (comme dans le cas de Ioukos), mais aussi pour justifier les poursuites judiciaires contre les oligarques qui ne sont pas proches du pouvoir et pour arrêter certains de ceux qui n'ont pas fui à l'étranger, tel que Mikhaïl Khodorkovski en 2003. En juillet 2007, Mikhaïl Goutseriev a été contraint de quitter son poste à la tête du groupe pétrolier Roussneft. En fuite à l'étranger, il fait l'objet d'un mandat d'arrêt parallèlement au gel des actions de l'entreprise qui pourrait revenir au major du pétrole russe, Rosneft, société d'État aux mains d'oligarques proches du Kremlin (le « clan des Petersbourgeois »).
En effet, depuis 2003-2004, un net infléchissement a été apporté aux mécanismes de la privatisation. Désormais le Kremlin s'efforce de réaffirmer sa suprématie en posant les fondations d'un nouveau capitalisme d'État russe. Ainsi, en 2006, l'État a porté sa participation dans Gazprom de 38 % à 50,1 %, ce qui lui redonne le contrôle sur l'exploitation gazière, hautement symbolique de l'économie et de la géostratégie russes. En matière pétrolière, l'entreprise publique Rosneft a récupéré une part importante de Ioukos après l'arrestation de Mikhaïl Khodorkovski et Moscou contrôlait en 2007 le quart de la production pétrolière russe contre 10 % en 1999. Toujours dans le domaine de l'exploitation des ressources énergétiques, on observe que les accords de partage de production (APP / PSA) conclus avec des firmes étrangères sont systématiquement négociés ou renégociés dans le sens d'une participation majoritaire des compagnies publiques russes.
Ainsi le Kremlin affirme-t-il sa volonté de contrôler les secteurs de l'économie jugés stratégiques. Selon les propos d’Arkadi Dvorkovitch, chef du groupe d'experts auprès de Vladimir Poutine, à des investisseurs à Moscou en 2006, « il ne s'agit pas d'un capitalisme d'État, mais de la formation de grandes compagnies que l'on va soutenir, notamment à l'étranger. Elles seront sous contrôle de l'État pendant une période de transition mais doivent se comporter comme des compagnies privées ». Dans ce contexte, en 2004, l'OCDE estimait que la Russie doit « offrir des règles du jeu équitables, de sorte que les sociétés étrangères puissent concurrencer les entreprises nationales dans le processus de privatisation des entreprises publiques ». Et, si les privatisations des monopoles d'État ont donné surtout naissance à des grands groupes, le tissu des PME reste encore insuffisant : elles ne représentent que 10 à 15 % du PIB, contre 30 à 50% dans la plupart des pays en transition d'Europe médiane et orientale.
Enfin, concernant les activités agricoles, la Douma d’État a adopté, en juillet 2002, la loi sur le transfert des terres agricoles, autorisant les particuliers et les personnes morales à acheter ou vendre légalement des terres agricoles à compter de 2003. Toutefois, de nombreux obstacles ont dû être surmontés avant qu’un marché des exploitations agricoles pratique et fonctionnel ait pu s'épanouir.
>> Voir aussi : transition
(ST), septembre 2007. Dernière relecture (LF) 2021.
Pour aller plus loin
- Alexandre Bertin et Clément Matthieu, « Pauvreté, pénurie et transition en Russie : de l’économie soviétique à l’économie de marché », Revue d’études comparatives Est-Ouest, Vol. 39, n° 1, 2008, p. 179-202.