Zoreil, zoreille, zorey
En créole réunionnais, le mot zoreil désigne un métropolitain. L’orthographe varie (zoreil, zoreille ou encore zorey), selon qu’on rapproche le mot du français ou qu’on fasse le choix d’une graphie « phonologique ». Les étymologies souvent proposées restent assez farfelues, et il vaut mieux tenir l’origine comme incertaine. Tout au plus peut-on faire le constat que le mot n’a guère plus d’un siècle. On en trouve la trace dans la presse réunionnaise et malgache dans les années 1920, ainsi que dans la presse calédonienne sous la forme « man zoreille », trace d’une circulation entre ces trois colonies. Le mot a une connotation assez négative, exprimant une forme de rejet face à l’arrogance, réelle ou supposée, des métropolitains.
« Est-ce qu’ils sont simples ces “zoreilles” qui arrivent aux colonies avec des airs supérieurs et semblent tout découvrir ! »
Le Madécasse, 5 décembre 1931.
« Une “zoreille” en maillot baleiné soupire : “Ça ne vaut pas tout à fait l’Algérie, mais le climat est agréable, et puis, évidemment, on est bien payé !” Elle regrette un peu l’indolence de ses élèves créoles et les difficultés à se faire servir : “Ils se plaignent du chômage, mais allez trouver un jardinier…”, dit-elle avec humeur. »
Le Monde, 10 mars 1975.
Aujourd’hui, on peut trouver ici et là quelques graffitis hostiles : « Zoreils dehors », mais le sentiment est surtout diffus. Il s’explique en partie par le taux de chômage important, aux alentours de 17 % de la population active, et le sentiment que les emplois sont pris par les métropolitains. De fait, d’après l’INSEE, près d’un quart des personnes habitant à La Réunion et nées dans l’Hexagone occupent un poste de cadre, soit 4 fois plus que les personnes nées à La Réunion ayant fait un long séjour hors de l’île, et 8 fois plus que les personnes nées à La Réunion et n’ayant fait que de courts séjours hors de l’île (Effertz, 2025). Cependant, le pouvoir politique et économique local est bien détenu par des Réunionnais.
Par ailleurs, rappelons que zoreil, en créole, ne désigne pas les « Blancs ». Dans la population composite de La Réunion, où différents noms sont utilisés pour désigner des groupes plus ou moins identifiables, en fonction de traits physiques, de la religion ou de l’origine, il y a les « Gros Blancs », héritiers des grandes familles propriétaires, et les « Petits Blancs » qui ne sont pas tous des Yabs, des Petits Blancs des Hauts.
Vincent Capdepuy, septembre 2025.
Référence citée
- Effertz Orégane (2025), « Retours à La Réunion et insertion professionnelle : le niveau de formation avant tout », INSEE Analyses Réunion, no 98, avril 2025.







