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Hexagone

Publié le 16/09/2025
Auteur(s) : Vincent Capdepuy, docteur en géographie, professeur d'histoire-géographie - académie de La Réunion

Avec une majuscule, l’Hexagone sert à désigner le territoire continental de la France, et donc par synecdoque, la France en général. Ainsi est-ce un hexagone qu’on retrouve sur les médailles des Jeux olympiques de 2024. Mais la première formulation de ce constat – que la France aurait une forme hexagonale – daterait de la fin des années 1820. On en trouve la description dans le Dictionnaire de géographie universel rédigé par un collectif de géographes en 1828, à l’entrée « France » :

« Sa forme est à peu près celle d’un hexagone dont les sommets des angles se trouvent : au N. un peu au- delà de Dunkerque ; au N. E. à l’embouchure de la Lauter dans le Rhin ; au S. E. à l’embouchure du Var dans la Méditerranée ; au S. au cap de Cerbères ; au S. O. à l’embouchure de la Bidassoa, et à l’O. à la pointe de St. Mathieu. »

Dictionnaire géographique universel…, par une société de géographes, Paris, A.J. Kilian & Cr. Piquet, 1828, vol. 4, p. 89.

L’image est contestable sur le plan de la géométrie, car il faut une déformation et un peu d’imagination pour faire entrer le pays dans une figure régulière à six côtés – et faire peu de cas de la Corse. Elle a pourtant été amplement reprise dans les manuels scolaires de géographie, au point d’être considérée aujourd’hui comme un lieu de mémoire national (Weber, 1986). Élisée Reclus (1877) a bien proposé l’octogone, un peu plus précis, mais sans succès. Dans tous les cas, hexagone ou octogone, la figure géométrique, perçue comme une sorte d’accomplissement géographique, a permis d’exprimer une rhétorique de l’unité et de l’équilibre du territoire français. C’est sans doute là une des raisons de son succès en géographie scolaire (jusque dans les années 1990 avec son utilisation courante sous forme de chorème) et dans le domaine de l’aménagement du territoire. Ainsi, de 1961 à 1975, paraissent Les Cahiers de l'Hexagone, l’Hexagone en question étant une association fondée en 1959, le Centre d’échanges et de perfectionnement des cadres de l’action régionale. En 1975, le chanteur Renaud utilise le terme dans le titre et le refrain d’une chanson pour dénoncer une forme de chauvinisme national.

Cependant, c’est bien la décolonisation qui a donné une dimension plus politique à l’hexagone dès la fin des années 1950, et plus particulièrement la guerre d’Algérie. En 1956, dans Aimée et souffrante Algérie, Jacques Soustelle parle de la politique du « repli sur l’hexagone » comme d’« une folie, qui ferait d’une petite France la proie des grands empires de notre temps et la condamnerait à n’être plus qu’un satellite ». L’expression a été au centre d’un débat sur ce qu’on appelait alors parfois le « cartiérisme », par référence à l’article publié par Raymond Cartier dans Paris Match en août 1956.

La discussion sur la vocation impériale de la France n’est peut-être toujours pas apaisée. Ainsi, du point de vue des territoires d’outre-mer, le terme de métropole, hérité de la colonisation, continue de signifier la relation dyssymétrique avec la France continentale. De ce point de vue, celui d’Hexagone paraît beaucoup plus acceptable : la géométrie aurait des vertus neutralisantes. L’INSEE reconnaît d’ailleurs le terme (2023). Toutefois, l’hexagone, lorsqu’il devient le symbole de toute la France, éclipse précisément tous ces territoires au-delà des mers et des océans.

Vincent Capdepuy, septembre 2025.


Références citées
  • Coll. (1828), Dictionnaire géographique universel…, par une société de géographes, Paris, A.J. Kilian & Cr. Piquet, 1828, vol. 4, p. 89.
  • Élisée Reclus (1877), Nouvelle géographie universelle : la terre et les hommes, vol. 2, La France, Paris, Hachette & Cie.
  • INSEE (2023), « France métropolitaine (champ statistique) / Hexagone », INSEE Définitions, novembre 2023.
  • Robic Marie-Claire (1989), « Sur les formes de l’Hexagone », Mappemonde, n° 4, no. 89/4, p. 18–23.
  • Soustelle Jacques (1956), Aimée et souffrante Algérie, Paris, Plon, p. 241.
  • Weber Eugen (1986), « L’Hexagone », in : Pierre Nora (dir.), Lieux de mémoire, tome 2, La nation, Paris, Gallimard, 1986, volume 2, p. 97–116.
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