Ville internationale, image internationale : le cas de Montréal. Partie 1 : L’internationalité de Montréal par les aménagements urbains
Cet article est constitué de deux parties : Partie 1 : l'internationalité de Montréal par les aménagements urbains |
1. La porte de l'Amérique depuis l'Europe
2. De la relance urbaine par les événements internationaux...
3. ... à la difficulté de consolider le statut affiché de ville internationale
4. La communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pour penser la différenciation territoriale
Introduction générale
Les villes sont entrées dans la compétitivité mondiale, plus ou moins soutenues par les politiques publiques. En France, la DATAR invite en 1988 les villes françaises à poursuivre trois orientations pour tendre vers le statut de ville internationale : séduire par l'apparence avec les fonctions urbaines ; s'affirmer par la puissance avec les fonctions économiques ; s'imposer par l'audience avec les fonctions politiques et culturelles. Cette vision privilégie la sémantique de la notoriété et du prestige, donnant une place relative à l'économie, socle de la bonne marche de tout organisme. L'Urbain, l'Économie et la Culture forment ainsi le triptyque de la construction de l'image de la ville envisagée par les politiques publiques.
L'attractivité, terme qui se démocratise à la fin des années 1990, se complexifie et ne se suffit plus des critères spécifiquement économiques. Il faut désormais tenir compte de la recherche-développement, de l'enseignement supérieur, des services aux entreprises, du patrimoine et de la culture locale, du paysage… autant d'aménités urbaines qui montrent que "les sucres lents de la compétitivité prennent le dessus sur les sucres rapides" (Veltz, 1994). À partir du postulat que les villes dépendent plus "d'une organisation symbolique que d'une organisation fonctionnelle" (Lamizet, 2002, 37), les politiques d'aménagement peuvent être pensées comme composante d'image mais aussi de visibilité internationale. La dimension symbolique peut séduire et imposer, en faisant partie intégrante des politiques de développement urbain. M. Fabries-Verfaillie et P. Stragiotti (2000, p.35) énoncent quatre facteurs de compétitivité à l'origine de la croissance urbaine : la facilité des transports ; les activités porteuses ; la qualification des hommes ; l'image du territoire. Une ville comme Montréal mobilise fortement ce dernier facteur dans l'objectif d'être une ville internationale, à partir d'aménagements et d'événements urbains portés par les politiques publiques.
Il n'y a pas de label, décrété par les États, pour devenir une ville internationale mais c'est une reconnaissance sociale, acquise à partir d'éléments mesurables et de notoriété. On peut parler d'un lieu privilégié pour mener à bonnes fins des opérations intellectuelles, commerciales, technologiques, culturelles, politiques entre des partenaires de nations différentes et à condition que ces opérations soient à ce point répétitives et nombreuses qu'elles créent des échanges permanents d'hommes, d'idées, de produits de recherche devenant constitutifs d'une mission, d'une animation et presque une raison d'être. Un faible nombre de villes des pays riches occupent la tête de réseau en matière de financement et de diffusion de l'information (Sassen, 1996) mais plusieurs villes, capitales ou métropoles nationales, sont présentes dans les flux, bien qu'ayant un rôle mineur dans la globalisation. Les villes globales ne sont pas uniquement Londres, New York et Tokyo mais plusieurs villes bénéficient de fonctions globales de manière plus ou moins importante, des zones urbaines concentrent les connexions au monde, sans pour autant être entièrement des villes globales.
Ces réseaux urbains mondiaux sont complétés par des liens technologiques, institutionnels, culturels, des migrations globales, des foires internationales de l'art ou du design, des échanges religieux ou encore des mobilisations de la société civile à la faveur de causes planétaires ou de grands sommets politiques [2]. Une métropole qui rassemble des noyaux variés de réseaux a des possibilités d'interconnexion fortes avec les autres villes, ce qui peut lui conférer un rôle d'entraînement dans le système urbain mondial en plus d'une dimension symbolique mondiale. Il ne s'agit pas ici de mesurer l'intégration des villes dans le global network connectivity comme le font J. Gugler (2004) ou S. Sassen (1991), mais de s'intéresser à la capacité des villes à affirmer leur inscription dans ces réseaux. Toutes le font de manière parfois péremptoire, bien qu'à leur manière, elles tiennent bien une place dans la globalisation. Afin de dépasser les paradigmes économiques, les termes d'internationalisation ou de mondialisation pourraient être privilégiés au détriment de la globalisation, mais la manière dont plusieurs villes s'affichent comme internationales, repose bien sur leur compétitivité, dans un contexte de néolibéralisation de la ville. Le terme d'internationalité convient dans la mesure où est étudiée la manière dont les villes construisent leur symbolique métropolitaine aux yeux du monde.
Montréal, la métropole canadienne aujourd'hui détrônée par Toronto et dépassée par les grandes villes états-uniennes sur le plan démographique et économique, s'affirme comme métropole internationale en grande partie à travers son renouvellement urbain. À travers une lecture d'urbanisme et d'aménagement, deux textes, l'un porté sur la fabrication de l'internationalité et l'autre sur le renforcement symbolique de la centralité urbaine, décrivent la corrélation entre l'événementiel urbain et la redynamisation urbaine pour parvenir à produire une image internationale. Internationalité et centralité métropolitaine sont ici décrits en parallèle, en tant que dynamiques urbaines qui se consolident mutuellement et se font écho pour répondre aux enjeux de la compétitivité des villes.
L'internationalité de Montréal par les aménagements urbains
Les aspects qualitatifs de la dimension internationale d'une ville sont privilégiés pour le cas Montréalais. La différence Internationalisation/ Internationalité peut s'entendre par cette opposition quantitative/qualitative [3]. La dimension qualitative passe par l'étude des interactions entre les décideurs urbains autour de la construction du discours sur l'internationalité à Montréal. Les discours produits par les acteurs locaux, en vue de fabriquer une attractivité à dimension internationale, mettent en avant les aménagements, les événements, les aménités visibles de la cité.
Ces discours s'ajoutent à l'intégration dans les réseaux internationaux d'une ville qui propose une masse critique relativement pertinente pour être considérée comme internationale et essaie d'évoluer comme telle, notamment à partir de l'image qu'elle projette. Montréal est, depuis sa création, positionnée comme porte d'entrée de l'Amérique pour les Européens, plaque tournante des marchandises qui sont ensuite redistribuées dans le Canada. Centre d'affaires aujourd'hui supplanté, elle a accueilli, avec Québec plus en aval du fleuve Saint-Laurent, et comme New York et Boston, des migrants du monde entier qui voulaient vivre dans le nouveau monde.
La politique événementielle de Montréal lui a permis de prolonger son image internationale, la situant comme la seule ville du monde qui, depuis 1945, a accueilli à la fois une exposition universelle et les Jeux olympiques. Aujourd'hui, une nouvelle gouvernance essaie d'organiser un territoire pertinent à l'échelle métropolitaine pour qu'il puisse compter dans le monde. Mais le leadership semble manquer à la métropole québécoise qui est dans l'incapacité de créer un marketing urbain. Sa spécialisation territoriale n'est pas vraiment affirmée mais sa centralité historique peut être un levier pour son image internationale.
La porte de l'Amérique depuis l'Europe
Montréal naît en 1642 lorsque les colons français s'installent sur une rive de l'île de 482 km² et la ville se développe grâce à la traite des fourrures, exportées en Europe pour les besoins de la bourgeoisie. Deux siècles plus tard, la croissance de cette activité dessine une ville de 45 000 habitants qui devient, pour un temps, capitale du gouvernement en 1847. Au début du XIXe siècle, l'île de Montréal est composée de plusieurs villages autour de la ville-centre qui est le pôle de services.
Aspects de la morphologie de Montréal dans son proche environnement, quelques repères (Google Earth, 2010)
Pointeur sur l'image Google Earth, au niveau du mont Royal, 45°30'11.37"N / 73°36'1.05"O
Pour d'autres repérages : http://maps.google.fr
Sa situation de point de transbordement fluvial et de porte d'entrée obligatoire du Canada définit sa vocation pour les décennies de l'ère industrielle. Pendant les années 1830, Montréal supplante Québec [4] pour prendre la place de principal pôle de la colonie mais déjà Toronto déploie des activités commerciales avec l'Ouest-canadien. En 1851, grâce au dragage du lac Saint-Pierre, le port de Montréal devient, jusqu'à 1959, le port océanique du Canada. Pendant 70 ans, de 1860 à 1930, le Vieux Montréal est le centre économique le plus important du pays. La crise de 1929 marque la fin de cet âge d'or pour ses 820 000 habitants [5]. Alors que la ville a traversé le XIXe siècle sous le signe de l'essor, le soutien aux nombreux chômeurs implique des commandes publiques qui participent aujourd'hui à l'image de Montréal : le chalet du belvédère sur le mont Royal et le jardin botanique. Dans l'entre-deux-guerres, Montréal reste encore un peu le centre financier du Canada mais son image est ternie. Le Red Light District, quartier de la vie nocturne et de la prostitution, favorise une forme de tourisme qui n'avantage pas l'image de la ville.
Après la Seconde guerre mondiale, les transports évoluent, bouleversant les relations commerciales internationales. L'avion (aéroport Dorval inauguré en 1941) et la route dominent les échanges et supplantent le bateau et le train, moins adaptés aux déplacements continentaux et internationaux. Or Montréal a développé une centralité concentrée, grâce à l'acheminement des marchandises et des individus qui entraient et sortaient par le port et par la gare. En cela, l'espace central du Havre était le cœur de la cité. Le chantier du XIXe siècle qu'a été le chemin de fer transcontinental, laisse place à celui du XXe qu'est l'autoroute transcanadienne, symbole de l'unification nationale. La route, et plus encore l'avion, étalent Montréal. L'industrie se décentre et se standardise en étouffant l'artisanat, le commerce et l'industrie familiale au profit de chaînes de production et de leurs marques promues par les médias de masse. L'abandon du centre de Montréal est ponctuel puisque, parallèlement, les activités tertiaires explosent et transforment les espaces délaissés et donc peu coûteux. La construction de 150 000 m² de bureaux sur Place Ville-Marie dès la fin des années 1950, intéresse les investisseurs internationaux qui y voient un écho au quartier La Défense de Paris (imaginé au même moment et érigé quelques années plus tard) ou au Rockefeller Center de New York. La concentration immobilière rassure les enseignes qui aiment s'afficher auprès d'autres marques prestigieuses et ainsi faire une synergie de notoriété. Toronto emboîtera le pas avec le Centre Eaton. Montréal est toujours la ville la plus peuplée du Canada avec près de 1 200 000 habitants dans les années 1950, mais Toronto devient progressivement la véritable métropole économique, notamment avec l'ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent [6] qui, depuis 1959, va au-delà du port de Montréal. Les navires océaniques peuvent se rendre jusqu'aux Grands Lacs. Le Vieux port est alors peu à peu délaissé au profit des installations de l'est de l'île de Montréal qui utilisent la technologie des conteneurs. Le XXe siècle voit l'industrialisation du Québec qui tisse économiquement des relations fortes avec les États-Unis, au détriment de la Grande-Bretagne.
De la relance urbaine par les événements internationaux...
Dans les années 1960, l'urbanisation montréalaise déborde l'île au moment où l'immigration est plus diversifiée avec l'arrivée de populations grecques, portugaises, asiatiques et latino-américaines [7] et la mobilité internationale grandissante des capitaux alimente un changement d'échelle au centre de la ville. Ce déploiement ouvre le champ à une dynamique de renouvellement urbain sans précédent au cœur de la ville. Lorsque Place des Arts est inaugurée en 1963, Place Ville-Marie est alors le premier véritable gratte-ciel de la ville (cliché ci-dessous à droite) et le complexe d'édifices le plus imposant du Commonwealth. Une ville souterraine se construit et constitue des opportunités d'aménagement que la place Bonaventure et la place Victoria vont saisir pour créer une citadinité d'affaires.
Le renouvellement urbain des années 1960 à Montréal
Ces deux mégablocs sont traversés par le chemin de fer de la gare Centrale, ils sont composés d'une halle d'exposition, de bureaux, d'un hôtel de 400 chambres, de galeries commerciales, de restaurants et d'un jardin à ciel ouvert. Place Victoria est aussi un complexe boursier qui en 1965 devient la plus haute construction en béton du Commonwealth et le plus haut édifice de la métropole avec 47 étages. Le nouveau métro, ouvert en 1966, fait de cette centralité l'un des nœuds principaux de la ville. L'année 1967, date du 325e anniversaire de Montréal et du centenaire de la Confédération canadienne est l'année phare pour le rayonnement de Montréal couronnant ces actions urbanistiques. L'événementiel à vocation internationale diffuse au monde entier la nouvelle urbanité montréalaise.
"Regagnant Montréal dix-neuf ans après, à l'été 1967 (l'été de notre glorieuse Expo), au retour par avion de Londres la démodée via New York la délabrée, je fus frappé par la prospérité de la ville. […] J'y entrai par des autoroutes à voies superposées qui plongeaient ici, surgissaient là, débouchant sur un îlot de prospérité, un centre-ville hérissé d'immeubles de rapport et d'hôtels, ces derniers si neufs d'aspect qu'on les eût cru sortis de leurs caisses la nuit précédente. La place Ville-Marie. Le métro. L'île Notre-Dame. Habitat [67]. La place des Arts. Cette corne d'abondance ne pouvait être la ville où j'avais grandi et que j'avais désertée"
M. Richler, The Street (p. 5), Toronto, éd. McClelland & Stewart, 1969, cité chez Lortie, 2007
Cette métropolisation est en phase avec les prévisions démographiques pour la zone métropolitaine [8] et elle accompagne le succès de l'Exposition universelle de 1967 qui accueille plus de 50 millions de visiteurs. De nouvelles aménités comme la cité Concordia, le château Champlain, les édifices de CIL ou d'Hydro-Québec, le complexe Desjardins (cliché ci-dessous à gauche) ou encore le Palais de Justice, métamorphosent la ville en une métropole à l'architecture d'avant-garde. La maison de Radio-Canada et la Place Ville-Marie font naître une skyline, tandis que l'intrigante architecture d'Habitat 67 (cliché ci-dessous à droite) et l'Exposition universelle, en 1967, sont l'occasion de diffuser l'image de la ville à travers le monde grâce à la télévision.
Des architectures de la modernité nord-américaine des années 1960
Clichés : Ch. Ed. Houllier-Guibert, 2008 et 2009
- en haut à gauche: les trois tours de bureaux du complexe Desjardins qui comporte aussi un hôtel et une vaste galerie commerciale dont le jet d'eau jaillit toutes les heures,
- en bas à gauche : la tour Radio Canada,
- à droite, l'architecture audacieuse d'Habitat 67.
Le statut international de la ville est soutenu par un maire qui mise sur l'image. Ce volontarisme permet à la ville d'organiser les Jeux Olympiques d'été de 1976 et de bénéficier d'une équipe des ligues majeures de baseball. Ces symboles participent aussi au bien-être de la population à travers la fierté identitaire, tandis que le développement économique local grâce à l'événementiel urbain reste difficile à évaluer. Les événements restent des affichages ponctuels et peu structurants comparés aux aménagements urbains. Certains détracteurs accusent même les JO d'avoir endetté la ville pour 30 ans, faisant référence au dépassement énorme des coûts de construction du stade olympique et de son toit mécanique qui n'a jamais bien fonctionné, ce qui a marqué les esprits et les choix d'urbanisme et d'architecture ultérieurs.
Dans un contexte de globalisation, les perspectives économiques structurelles de Montréal sont aussi liées à sa singularité linguistique qui a un impact fort sur ses flux migratoires et sur ses communications. L'évolution de la structure industrielle et de la position concurrentielle de la métropole en Amérique du Nord reflète cette situation et parfois, les médias ou des chercheurs défendent l'habilité des entrepreneurs de Montréal à innover à partir de cette singularité linguistique. Pour autant, si sa dimension identitaire est indéniable, sa contribution économique est plus difficile à démontrer.
Depuis sa création, le Canada est importateur de capitaux provenant principalement de Grande-Bretagne jusque dans les années 1920, puis des États-Unis. Ces capitaux ont permis l'équipement d'un vaste pays malgré son faible peuplement, mais en accélérant sa dépendance économique. Les grandes entreprises montréalaises (et torontoises) sont pour l'essentiel sous domination états-unienne et rarement contrôlées par les francophones. Dans les années 1970, l'industrie légère et de consommation est dominée par les anglo-canadiens et l'industrie lourde est dominée par les états-uniens (Raynaud, 1974). L'accès progressif de la population francophone dans les sphères dirigeantes montréalaises, que ce soit sur les postes techniques ou politiques, accélère l'émancipation culturelle et internationale de la ville : les francophones veulent se montrer au monde comme les nouveaux maîtres d'une société bilingue. Ils imposent à la partie orientale de la ville un développement urbain qui est une "réponse socioculturelle canadienne française à la valorisation capitalistique de l'ouest, attribuée à la fraction anglophone de la société montréalaise" (Lortie, 2007). Mais l'Institut de technologie de Montréal et la place de la Confédération pensée autour d'un stade de 80 000 places n'ont pas été réalisés, montrant les limites de l'ambition francophone.
Bénéficiant de la "Révolution tranquille" [9] et de l'exode rural au fil des années 1950, la métropole québécoise accueille les sièges sociaux des plus grandes entreprises canadiennes. Selon l'armature mondiale des métropoles, d'après les travaux de J. Gottmann (1961), Montréal se situe alors parmi les grandes zones urbaines du monde, et refuse de croire au fléchissement de sa poussée démographique, encore peu perceptible lors du recensement de 1971. Mais les crises économiques mondiales qui suivent, l'accélération du déclin de Montréal par rapport à Toronto et les critiques de plus en plus fortes de la population sur les grands aménagements urbains, changent progressivement la donne. En effet, plusieurs quartiers entiers ont été rasés afin de placer l'autoroute entre, ou en périphérie, de la colline et du fleuve.
La situation devient donc moins propice au rayonnement international de la ville. Du point de vue des stratégies, le gouvernement fédéral canadien a, en 1970, pris des initiatives de gouvernance pour relancer Montréal en impliquant la société civile. Le rapport Higgins-Martin-Raynauld s'inscrit dans une vision nationale et pense la métropole comme l'espace d'entraînement du Québec. Un second rapport, en 1986, tient davantage compte des échelles continentales et internationales dans un contexte d'après crise pétrolière.
Il en ressort que les deux grands événements mondiaux n'ont pas eu les effets escomptés et le leadership des décideurs urbains est disséminé, contradictoire et conflictuel (Picard, 2002). Le manque de vision des pouvoirs locaux est fortement critiqué par l'opinion publique à travers la presse et la télévision locale. Il en découle la formulation par les pouvoirs publics d'une stratégie de développement reposant sur sept axes afin de relancer l'économie : activités internationales ; haute technologie ; finance et commerce international ; design ; industries culturelles ; tourisme ; transport. Ces axes préfigurent l'approche en termes de clusters [10]. Les TIC et les biotechnologies annoncent l'avenir mais l'impulsion directrice d'un leader et, derrière lui, l'expression d'un territoire unifié est toujours pointée comme une lacune pour le développement économique. Les sept axes soulignent la forte dimension internationale de Montréal en tant qu'espoir pour la dynamique québécoise.
... à la difficulté de consolider le statut affiché de ville internationale
Le déplacement de l'activité économique vers le centre puis l'est du continent affaiblissent Montréal dans les années 1970. Les retombées du Pacte de l'automobile de 1965 [11] entre les deux pays de l'Amérique du Nord ont essentiellement profité à la province de l'Ontario, simplement parce que les grands constructeurs installés à Détroit ont souhaité être proches de leurs filiales. Malgré le renouveau urbain montréalais impulsé par les deux événements mondiaux (Expo67 et JO de 1976), plusieurs sièges sociaux quittent le Québec, notamment lors de la victoire du parti indépendantiste en 1976, à l'échelle provinciale. La compagnie d'assurance Sun Life ou la Banque Royale du Canada sont désormais torontoises tandis que la Banque de Montréal y déplace la plupart de ces activités tout en gardant son siège social à Montréal - toponyme oblige. De l'après-guerre à 1973, 35 sièges du secteur financier sur 115 se déplacent à Toronto, représentant un actif de 400 millions d'USD sur 637.
La mondialisation et l'essoufflement du fordisme dans les années 1970 ont ralenti la croissance montréalaise et détrôné la manufacture comme pivot du système productif, au profit de domaines économiques encore mal définis autour des hautes technologies et de l'aéronautique. La triple production (textile, bonneterie et habillement, cuir) a perdu un tiers de son effectif entre 1970 et 2000 (Manzagol & Bryant, 1998). La reconversion industrielle est ralentie par l'échec de l'aéroport Mirabel qui relie mal la ville avec le reste du monde et le développement aéroportuaire n'est maîtrisé qu'au début des années 1990 (Le Sieur, 1991). Au sein des grandes villes du monde et des villes d'Amérique du Nord, Montréal est mal classée, malgré son rôle important dans l'économie canadienne.
Mais les turbulences économiques des années 1990 n'empêchent pas que la part montréalaise dans le PIB canadien reste forte (9,8% en 2001) et son poids dans le PIB québécois est supérieur à 50%. Environ 60% à 70% des investissements industriels du Québec prend assise dans la périphérie de Montréal où ils génèrent entre 15% et 25% de retombées directes dans la métropole ce qui offre un rôle clé à la périphérie. Enfin, la situation démographique métropolitaine [12] cache en partie la situation de ville en reconversion, beaucoup étudiée par les géographes, que ce soit à partir des espaces industriels désaffectés de Montréal à proximité du centre ville ou plus largement d'une comparaison avec d'autres territoires (Chaline, 1994 ; Vermeersch, 1997 ; Manzagol & Bryant, 1998 ; Sénécal & Saint-Laurent, 2000 ; Fontan & al., 2005).
En 2000, Montréal partage avec Toronto la direction de l'économie nationale. Montréal détient 16% des sièges bancaires, dont la première banque canadienne, et reste le premier port canadien. Mais Toronto accueille 53% des sièges bancaires et la bourse nationale. Montréal reste le siège d'Air Canada, d'Hydroquébec ou d'Alcan mais la ville est un pôle unique, là où Toronto alimente des pôles secondaires d'envergure au sein d'une armature urbaine forte en Ontario : Hamilton, Mississauga, Niagara Falls, London forment le Golden Horseshoe et ajouté à Windsor et Ottawa, aux extrémités provinciales, la primauté urbaine fait de l'Ontario la région forte du Canada. Alors que Toronto est aujourd'hui le nouveau centre économique du pays, Montréal doit conserver son rang pour éviter de lutter avec la troisième ville canadienne qu'est Vancouver, qui regroupe déjà 2 millions d'habitants.
Dans le contexte d'intégration internationale croissante, notamment depuis l'Accord de libre échange nord-américain (Aléna [13]), la 15e métropole nord-américaine (OCDE, 2006) a renforcé sa position dans des secteurs clés de l'économie de l'intelligence et a tiré parti du développement des échanges et de l'investissement qui ont dynamisé la croissance et l'emploi. Trois entreprises fabriquent des systèmes complets : Bombardier, Bell Helicopter et CAE (premier producteur mondial de simulateurs), incarnant le fleuron de l'image économique de Montréal. Mais parmi 65 villes comparables de l'OCDE, de plus de 2 millions d'habitants, Montréal n'est que 44e si l'on considère le PIB par habitant (OCDE, 2004 [14]), c'est-à-dire derrière l'ensemble des villes nord-américaines, ce qui s'explique pour l'essentiel par une faible productivité, compensée en partie par un fort taux d'activité.
Bien que Montréal dispose d'un grand nombre d'organismes de formation dont quatre universités, seuls 21% des habitants ont un diplôme de l'enseignement supérieur alors qu'ils sont 33% à Boston, 27% à Minneapolis Saint-Paul, 24% à Toronto et 23% à Vancouver. Cet écart perdure alors que Montréal est une ville qui accueille de prestigieuses universités : Mac Gill, l'UdeM et Polytechnique. En outre, depuis les années 1960, l'éducation est financièrement moins onéreuse au Québec que dans les autres territoires d'Amérique du Nord, notamment pour compenser le niveau initialement faible de scolarité des francophones. Le paradoxe est confirmé avec le 5e rang de Montréal en 1995 parmi treize autres métropoles nord-américaines, basé sur le taux d'emplois dans les secteurs du savoir qui regroupe notamment les TIC et l'aérospatial. Le critère du diplôme qui définit l'internationalisation d'une ville sert peu le développement économique de Montréal.
L'insertion de Montréal se fait essentiellement dans les réseaux économiques de l'Amérique du Nord, alors que ses investissements étrangers (IDE) proviennent pour plus de la moitié des États-Unis puis presque autant de l'Europe de l'ouest, lui conférant une inscription plus large dans l'économie des pays riches. Mais sur le plan des exportations, Montréal est davantage une métropole d'Amérique du Nord qu'une métropole mondiale [15].
Son emplacement sur le continent est un atout relatif. Certes elle est située dans une zone très dynamique qui lui offre un marché de 80 millions de consommateurs dans un rayon de 1 000 km (Québec, Boston, New York, Buffalo, Toronto…). Pour autant, la taille de son marché n'est que 22e sur les 26 plus grandes villes nord-américaines. Sa position reste excentrée, trop au nord, bien qu'elle demeure une plateforme importante pour les infrastructures de transport aussi bien maritimes (son port, l'un des plus proches de l'Europe, est la voie d'accès à l'Amérique du Nord par les Grands lacs), ferroviaires (Montréal est à la jonction de trois grands axes : le couloir transcanadien qui la relie à Vancouver ; le couloir Québec-Chicago où l'on attend, depuis longtemps, un TGV sur la partie canadienne ; le couloir nord-est des États-Unis) aériens (aéroports de Dorval et de Mirabel) et autoroutiers. |
Montréal dans son environnement régionalD'après l'atlas Rand McNally. Réal. : O. Millhaud |
Cette dépendance à l'égard des marchés nord-américains et de la volatilité des taux de change peut être nuisible. En 2001, la crise frappant les États-Unis a provoqué la baisse des exportations canadiennes et si, ces dernières années, elles ont pu être stimulées par la dépréciation de la monnaie nationale, ce n'est pas une stratégie sur le long terme.
Le rayonnement international de Montréal se limite donc à l'Amérique du Nord, voire à la Rust belt, au détriment du reste du Canada. Dans le profil qu'elle fait de Montréal, l'OCDE conseille de tisser des liens avec d'autres zones, comme le fait davantage la région québécoise. Une piste possible est la spécialisation sur les marchés de produits de haute technologie à forte valeur ajoutée. Ces recommandations ressemblent aux stratégies des autres métropoles des pays du Nord qui se tournent vers l'économie du savoir et de l'innovation, comme une fuite en avant qui n'occulte pas les difficultés sociales auxquelles elles sont confrontées.
La communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pour penser la différenciation territoriale
Dans les années 1990, deux rapports (Pichette en 1993 et Bédard en 1999), s'intéressant autant à l'économie qu'à la gouvernance, soulignent l'absence de vision de Montréal. La région métropolitaine montréalaise y est identifiée comme un espace pertinent pour faire collaborer les acteurs locaux et améliorer la compétitivité. L'une des principales recommandations des rapports est la création d'une instance métropolitaine chargée de la planification et de la coordination dans certains domaines stratégiques. La réflexion sur la gouvernance de la métropole a longtemps été entravée par l'absence d'une vision collective de son développement. L'enjeu est difficile pour une échelle métropolitaine qui tient le double rôle de visibilité mais aussi d'équilibre territorial. La fragmentation institutionnelle des régions métropolitaines rend difficile l'action publique nécessaire sur des espaces dépassant les frontières administratives. Mais en 2001, sur une forme d'injonction du gouvernement du Québec, le nouvel échelon de la communauté métropolitaine de Montréal (CMM) est créé. Le partage des compétences avec d'autres instances est flou (Boudreau & Collin, 2009) et pour beaucoup, les compétences sont redistributives. Toutefois, la CMM a l'exclusivité de la compétence sur les équipements, les infrastructures et les activités à caractère métropolitain ainsi que sur la promotion économique internationale. Avec ces missions stratégiques, ce niveau devient un levier d'action sur l'internationalisation et l'internationalité de Montréal.
En Amérique du Nord, la mode new-yorkaise, les activités de santé à Philadelphie, les sciences politiques à Washington, l'industrie du vin à Napa ou celle du jeu à Las Vegas, constituent des relais de croissance locaux dans une économie mondialisée, tout en orientant l'image de ces villes. En termes marketing, positionner une ville signifie la "mettre en valeur, de manière optimale, par ses avantages (réels ou perçus) les plus différenciateurs, par rapport aux collectivités définies comme concurrentes et à l'attention des publics pour lesquels cette différence est motivante" (Sperling, 1991). Le plus souvent, ces différences sont exprimées à travers les discours et plus rarement par des actions. À partir de différents documents stratégiques élaborés à la suite de la naissance de la CMM, trois domaines d'activités peuvent conférer une image de différenciation. Il en résulte la mise en place de grappes d'entreprises régionales (Porter, 2000), foyers d'innovation, sous forme de clusters : la haute technologie rassemble l'aérospatiale, les TIC, la biotechnologie et la biopharmaceutique en tant que socle d'image sur laquelle la ville repose ; les industries manufacturières encore puissantes par rapport aux autres villes nord-américaines correspondent à son ancrage historique ; le secteur de la culture et des spectacles, nouveau créneau, Montréal étant le cinquième centre de production du continent grâce à l'imagerie numérique, l'animation par ordinateur et les effets spéciaux. Mais Montréal n'est la place forte d'aucun des trois domaines qu'elle met en clusters. Pire, ces domaines sont parmi les plus partagés des technopôles de la Triade. Seul l'aérospatial est concentré sur quelques villes mais Montréal n'en est pas tête de réseau.
Dans le premier domaine d'activité (hautes technologies), le Canada n'est que le 16e pays de l'OCDE, sur 29 (2006), pour les dépenses intérieures brutes de R&D privées et publiques, même si le Québec dépasse la moyenne nationale. Pourtant, des réseaux de leaders de la haute technologie existent, comme Montréal Technovision, les activités R&D, bien qu'en déclin, sont correctement développées dans les universités de Montréal et le pari des hautes technologies s'exprime par l'existence des grappes d'entreprises.
Le second axe d'activités, les industries manufacturières, s'explique par l'histoire et par le faible coût de la main d'œuvre montréalaise à l'échelle nord-américaine. Si le salaire horaire moyen est plus élevé qu'à Toronto, il l'est moins qu'à Vancouver et surtout que dans la plupart des régions métropolitaines des États-Unis. Pour les salaires de certains métiers qualifiés au sein des 25 plus grandes villes nord-américaines, Montréal est dernière, ce qui constitue un handicap sur les critères de qualité de vie et d'attraction de la classe créative (Florida, 2002). Attirer durablement du personnel hautement qualifié avec des salaires faibles est délicat : les populations de classe sociale élevée sont nombreuses à voyager et à consommer à l'étranger, ce qui suppose un pouvoir d'achat que ne peut procurer Montréal. Par ailleurs, ce secteur des industries manufacturières est en contradiction avec l'image recherchée par Montréal... et par tant d'autres villes en quête d'innovation, d'avant-gardisme et de gages de modernité. Si cette piste est soutenue par l'action publique, ce sera plutôt de manière cachée. Mais dans une ville qui a déjà le plus fort taux de chômage et de pauvreté des Régions métropolitaines de recensement (RMR) canadiennes (Collin, Robertson & Charron, 2007, p.24), ce type d'activités relève plutôt d'un passé industriel révolu.
Place des Arts : une centralité culturelle et festive
Clichés : Ch. Ed. Houllier-Guibert, 2009
Deux vues de la place des Arts aménagée pour accueillir le festival du Jazz.
Le secteur de la culture et des spectacles rejoint les ambitions de métropole culturelle visées par Montréal depuis une décennie. Le sommet culturel de 2002 a fédéré les acteurs locaux et les services publics, actifs pour défendre Montréal métropole culturelle. Une fois de plus, la dialectique entre enjeux locaux et quête de visibilité internationale est posée dans ce projet dont la part de proximité est de plus en plus prégnante au fil des années. T. Werquin considère que les grands projets culturels sont une réponse économique au déclin industriel dès lors qu'ils s'inscrivent dans une stratégie plus large de développement urbain (2006). Le Quartier des spectacles peut apparaitre comme une vitrine : ce projet urbain est une centralité animée de Montréal, situé sur Place des Arts (clichés ci-dessus), reliant le quartier Latin et les commerces de la rue Sainte-Catherine. Se défendant d'être un nouveau Broadway tout en privilégiant un plan Lumière, cette destination culturelle internationale repose sur une convivialité attribuée à la densité culturelle et à la citadinité des lieux. Malgré une stratégie ambitieuse, le projet se heurte à une programmation pour l'essentiel francophone au sein d'un continent anglophone. Pour autant, la spécialisation de la région dans les activités culturelles contribue à améliorer et à développer des installations urbaines. C'est un facteur déterminant dans le pouvoir d'attraction qu'exerce une ville comme lieu de vie et de travail.
Avant son ouvrage célèbre (2002), R. Florida a mené une étude avec G. Gates (2001) qui souligne la diversité et la tolérance sociales de Montréal reliée à l'économie du savoir. La diversité ethnique, les choix de vie bohème et la tolérance sociale seraient les socles de la ville créative.
Le concept de 'classe créative' a été développé par Richard Florida qui désigne par là une population urbaine, mobile, qualifiée et connectée. Il a développé cette idée dans The Rise of the Creative Class (2002a). Sa réflexion repose sur l'analyse d'indicateurs et sur leurs corrélations autour des "trois T" de la croissance économique : talent, tolérance et technologie. La classe créative, composée d'individus talentueux et créatifs, contribuerait à doper la croissance en milieu urbain, et une corrélation entre la présence de la classe créative dans les grandes villes et un haut niveau de développement économique serait constatée. Voir en complément (nouvelle fenêtre) : Innovation et territoire, enjeu essentiel des politiques d'aménagement en Europe (J. Fache et M. Gobin) |
Montréal s'inscrit pleinement dans cette mouvance quand elle reçoit les premiers Outgames (événement sportif et culturel international ciblant les communautés homosexuelles) en 2006. Cette inscription dans le courant des métropoles branchées, bien classées dans les palmarès mondiaux (Anholt, 2007), notamment grâce à la douceur canadienne qui prévaut aussi à Vancouver et à Toronto, n'empêche pas que la volonté de différenciation à caractère innovant développe souvent des positionnements similaires à d'autres villes, ce qui est une aberration stratégique de marketing urbain (Babey & Giauque, 2005). L'avantage ultime de la métropole culturelle est qu'elle renforce la centralité (Burgel, 1993), atout montréalais par son historicité.
Conclusion
Parmi les composantes de l'internationalité de Montréal, les acteurs locaux se sont essayés au marketing urbain à vocation internationale à travers les différents projets urbains précités, les grands événements internationaux, la gouvernance métropolitaine impulsée, et aussi un city-branding qui peine à exister de manière fédérative. Le marketing urbain est bien cette manière de penser la ville de manière libérale, optimisée et objectivée, en considérant le territoire comme un produit, certes spécifique et empli de complexité, mais qui est comparable sur un marché. Sur le plan de la fabrication de l'image de marque, Montréal est aguerrie et fait figure de référence aux côtés d'autres villes qui se sont servies de ce levier pour espérer relancer le développement local (Sabot, 1997), comme l'ont fait Glasgow (Culture et régénération urbaine, le cas de Glasgow, un article de Fabien Jeannier, 2008) ou Bilbao.
La ville a tenté de se repositionner dans l'économie de la connaissance et dans la création avec ses quatre universités et avec des événements phares organisés en réaction à l'atténuation des avantages de sa situation géographique du fait des nouveaux modes de transport et de réseaux à l'échelle internationale. Désormais, Montréal, comme beaucoup d'autres, utilise les vecteurs de la culture et de l'événementiel pour rayonner (Gill, 2009), ce qui entraîne des projets urbains structurants (Gravari-Barbas & Jacquot, 2007) et une démarche de city-branding qui échoue aux portes de sa diffusion (Houllier-Guibert, à paraître).
En effet, depuis plusieurs années, différents services de la ville de Montréal, de l'Office du tourisme ou de la Chambre de commerce, ont entamé chacun leur tour et plus ou moins indépendamment une réflexion de city-branding [16] (stratégie, faisabilité) sans pour autant finaliser le processus par l'étape des plans d'action. Chaque service et chaque institution qui a eu pour mission, parfois officielle, de développer l'image de marque, a marché dans les pas de ces prédécesseurs en refaisant les mêmes études avec plus ou moins les mêmes méthodes (cabinets de consultant, entretiens semi-directifs, sondage d'opinion publique…). De nombreuses études sur l'image de marque ont été réalisées par des groupes d'acteurs qui ont rarement échangé leurs analyses au fil des années.
La dernière en date est l'élaboration de l'image de marque du Grand Montréal réalisée sous l'égide de la jeune Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) dans le cadre de sa stratégie de développement économique. Elle s'appuie sur une enquête auprès des leaders municipaux et socio-économiques de la région métropolitaine. Un comité de pilotage, composé de représentants de milieux économiques, culturels et touristiques, a contribué à enrichir le travail de réflexion et de création. C'est la première fois que le périmètre de l'institution porteuse couvre la city-region (région métropolitaine) de Montréal. La difficulté reposait sur la volonté des élus des municipalités d'accepter qu'une marque-parapluie concerne l'ensemble des villes de la CMM, en complémentarité de leur propre stratégie de marque, notamment celle de Laval et de Longueil, deux villes de plus de 100 000 habitants qui ont leur propre stratégie depuis longtemps, mais aussi celle de la municipalité de Montréal dont les équipes voient une concurrence entre les deux échelles. |
Le slogan donne l'occasion de décliner le city-branding par de nombreux messages, grâce à une charte graphique complète. Tout type de public est concerné mais le cœur de cible vise les talents et les investisseurs. |
Bien que la démarche ait été validée à chaque étape par le comité de pilotage, le slogan Montréalisez-vous (Montrealised you) n'a pas été utilisé comme outil, à cause, officiellement, d'un démêlé avec la presse locale qui a vivement attaqué la démarche marketing (Houllier-Guibert, 2010 [17]). La gouvernance trouve ici ces limites dans un jeu d'acteurs locaux qui parviennent difficilement à s'entendre pour émettre une image assumée auprès du monde entier.
La centralité, levier de l'image internationale des villes nord-américaines. L'exemple montréalais
Article complémentaire avec conclusion générale, bibliographie et ressources en ligne
Notes
[1] Charles-Edouard Houllier-Guibert a travaillé sur la fabrication de l'internationalité par les projets urbains lors de son post-doctorat à l'Observatoire SITQ du développement urbain et immobilier de l'Institut d'urbanisme de l'université de Montréal en 2009 et il est actuellement chercheur-associé à l'UMR ESO-Rennes.
Observatoire SITQ du développement urbain et immobilier, Institut d'urbanisme de l'université de Montréal - www.observatoire-sitq.umontreal.ca/pages/equipe.htm
www.sites.univ-rennes2.fr/reso/spip.php?rubrique66
[2] Sommets : de l'OMC à Seattle en 1999, du G7/G8 à Gênes en 2001, sur le changement climatique à Copenhague en 2009, de Davos en Suisse chaque année depuis 1971…
[3] Les quatre chercheurs de référence sur l'internationalisation des villes sont S. Sassen (1991), J. Friedmann (1995) P. J. Taylor (1995) et M. Castells (1996) qui ont cherché à quantifier la dimension internationale. En France, C. Gachelin, P. Soldatos, R. Brunet ou C. Rozenblat ont participé à la mesure de l'internationalisation des villes, en y injectant une dimension qualitative qui ne peut s'extraire du quantitatif dès qu'il faut répondre aux objectifs d'études comparatives.
[4] En 1831, les deux villes ont une population de 27 000 habitants tandis que les autres zones urbaines ne dépassent pas 5 000 habitants.
[5] L'évolution démographique est fulgurante, passant de 58 000 habitants en 1851, à 130 000 en 1871 et à 288 000 en 1901, tandis que Québec rassemble alors 68 000 habitants. S'ensuit une augmentation à 470 000 en 1911, 818 000 en 1931 et le dépassement des 2 millions en 1973 (2,8 millions pour la zone métropolitaine).
[6] La Voie maritime du Saint-Laurent, soit 306 km de voie navigable entre Montréal et le lac Ontario, a été ouverte à la navigation en eau profonde en 1959. Sept écluses ont été construites dans cette section, cinq canadiennes et deux américaines, pour élever les navires de 75 m au-dessus du niveau de la mer. Les dimensions maximum des navires autorisés à l'emprunter sont de : 225,5 m de long, 23,7 m de large, 8,08 m de tirant d´eau et 35,5 m de tirant dair.
La distance entre l'océan Atlantique et Duluth (Minnesota) sur le lac Supérieur est de 3 700 km nécessitant environ 8,5 jours de navigation. Cette voie navigable dessert directement l'Ontario et le Québec vers le nord, et vers le sud et l'ouest, l'Illinois, le Michigan, l'Ohio, l'Indiana, le Wisconsin, le Minnesota, la Pennsylvanie et l'État de New York. Près de 25% du trafic se fait à destination ou en provenance de ports d'outre-mer, surtout en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.
Depuis 2004, le réseau Grands Lacs-Voie maritime du Saint-Laurent a été dénommé d'"Autoroute H2O".
Voir : www.greatlakes-seaway.com/fr/index.html
[7] Comparativement à Vancouver et à Toronto, pour les années 1990 et 2000, les immigrants qui viennent à Montréal sont bien plus diversifiés sur le plan de la nationalité. Les deux autres métropoles attirent pour plus de la moitié des populations issues de cinq pays, tandis que Montréal attire des populations d'Afrique, des Caraïbes, d'Amériques Centrale et du Sud, d'Asie, tout en ayant un fort lien avec les espaces francophones.
[8] Dans les années 1960, la démographie est projetée en forte croissance : de 2,4 millions en 1960 à 4,8 millions en 1980 et plus de 7 millions en l'an 2000 dans la région montréalaise, ce qui s'avère inexact puisqu'il y a à peine 3,5 millions d'habitants en 2010.
[9] "Problème canadien français" ou bien "fait québécois" selon le point de vue adopté, la population de la province du Québec est à 80% catholique et parlant le français, dans un continent majoritairement protestant et parlant l'anglais. Depuis les années 1950-1960, la population québécoise veut rompre avec son statut de minorité et pour cela, elle privilégie la souveraineté d'un État québécois qui jouirait d'une certaine autonomie. Sur le plan sociétal, les populations francophones ont commencé à s'insurger de diverses manières dans les années 1950-60, face à la classe dominante qu'est la bourgeoisie anglophone. À la domination française, puis britannique, puis anglo-canadienne, puis américaine, correspond une affirmation québécoise. La souveraineté politique acquise au fil du temps par les francophones n'atténue pas pour autant la domination économique des anglophones.
[10] Les clusters, ou 'grappes industrielles' sont des formes de Systèmes productifs locaux (SPL) qui désignent une concentration géographique d'activités relevant d'un même secteur ou d'une même filière, ayant développé des liens de coopération et/ou de complémentarité entre elles. Cette forme d'organisation du système productif est plus efficace, plus compétitive et donne de ce fait un avantage comparatif aux villes et aux régions dans lesquelles elle se développe. Concrètement, un cluster peut regrouper des centres de recherche publics et/ou privés, des entreprises de tailles variées unies par des intérêts communs : moyens logistiques, brevets de fabrication, veille technologique et stratégies de promotion et d'expansion. Les pouvoirs publics y sont associés à des degrés variables.
[11] Depuis 1965, le Canada accorde un traitement de faveur à trois constructeurs automobiles américains (Ford, GM et Chrysler) qui peuvent importer des véhicules au Canada en profitant d'une exemption de 6% (tarif douanier) dès lors qu'une partie de la fabrication du produit automobile se fait au Canada, avec une proportion égale entre les véhicules vendus et produits au Canada. Cet accord de libre-échange signé entre le Canada et les États-Unis crée un marché nord-américain unique incluant les automobiles, les camions, les autocars, les pneus et les pièces automobiles.
[12] Malgré une forte croissance dans les années 1980, poursuivie par un taux correct la décennie suivante (6,8%), plus élevée qu'à Boston par exemple, Montréal n'a que la 27e croissance démographique sur les 65 villes de l'OCDE entre 1990 et 2000. C'est-à-dire bien en deçà de villes qui explosent comme Atlanta (+36,4%) ou Miami (+13,9%).
[13] L'Accord de libre-échange nord-américain (Aléna, en anglais North American Free Trade Agreement / Nafta) est un traité créant une zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, entré en vigueur le 1er janvier 1994. Il a pour but de favoriser l'accroissement des échanges commerciaux et des investissements entre les pays signataires par l'élimination des tarifs douaniers et la réduction des barrières non tarifaires sur le commerce à l'intérieur de la zone Aléna. Il précise également certaines règles pour faciliter la conduite des affaires dans le domaine des services, de la propriété intellectuelle, de la concurrence, entre autre.
[14] La plupart des chiffres qui suivent sont issus de cette étude à l'échelle de la Région métropolitaine de recensement (RMR) et aussi de la Conference Board du Canada (chiffres 2003 et 2008). La RMR est un centre urbain d'au moins 100 000 habitants auxquels sont ajoutées les municipalités voisines en fonction du trajet domicile-travail. Là où les aires urbaines françaises proposent les seuils de 40% et 20%, la RMR de Montréal est mesurée avec les seuils de 50% (au minimum 100 trajets) et 15%. La RMR de Montréal correspond à peu de chose près à l'instance politique Communauté métropolitaine de Montréal.
[15] En 2001, près de 85% des exportations internationales du Québec sont destinées aux États-Unis, contre 8,5% pour l'Europe et un peu plus de 3% pour l'Asie-Océanie.
[16] Le city-branding (Maynadier, 2009) est une manière de penser le marketing urbain en plaçant l'image de marque par dessus les autres leviers de marketing que sont les projets urbains, les événements, les actions culturelles, les politiques touristiques, les aides fiscales... La partie visible de l'iceberg est souvent un slogan accompagné d'un logo mais le city-branding est surtout une démarche stratégique et opérationnelle complexe qui implique les acteurs locaux vers une quête de cohérence de message entre tous, en direction de l'extérieur mais aussi de l'intérieur du territoire. Alors que les limites des définitions sont différentes outre-atlantique, en France, le city-branding peut être vu comme une nouvelle manière de relancer le marketing urbain depuis le milieu des années 2000.
[17] Pour plus de détails sur l'échec du marketing urbain de Montréal, se reporter à la communication de Ch.Ed. Houllier-Guibert, lors du colloque sur l'intelligence territoriale en mars 2010 à Rennes, à paraître aux PUR.
Charles-Edouard Houllier-Guibert,
Observatoire SITQ du développement urbain et immobilier,
Institut d'urbanisme de l'université de Montréal
pour Géoconfluences le 4 mai 2010
mise en page et réalisation web, compléments documentaires : Sylviane Tabarly
Mise à jour : 04-05-2010
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Pour citer cet article :
Charles-Edouard Houllier-Guibert, « Ville internationale, image internationale : le cas de Montréal. Partie 1 : L’internationalité de Montréal par les aménagements urbains », Géoconfluences, mai 2010.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/urb1/MetropScient8a.htm