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Effet Bilbao ou effet Guggenheim

Publié le 22/03/2024
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L’« effet Bilbao » ou « effet Guggenheim » désigne la façon dont un équipement culturel majeur peut infléchir la trajectoire d’une ville et lui permettre de sortir d’une spirale du déclin par la culture et le tourisme.

Le musée Guggenheim est à l’origine un musée d’art moderne new-yorkais construit en 1959, connu pour la richesse de ses collections et dépassant le million de visiteurs annuels (quatrième musée de New York par le nombre de visiteurs). Avant Bilbao, la fondation Guggenheim avait déjà une succursale européenne à Venise. Dans sa version basque, le musée est une œuvre architecturale monumentale signée par Frank Gehry et inaugurée en 1998. Comme son homologue nord-américain, il dépasse le million de visites annuelles, dont deux tiers d’étrangers (Le Monde, 2013). Fer de lance d’une politique systémique de revitalisation urbaine beaucoup plus vaste, le musée a contribué à la reconversion de la ville, fortement touchée par la désindustrialisation, vers une économie du tourisme et des loisirs, dans le contexte très particulier (et difficilement reproductible ailleurs) du Pays basque espagnol.

En raison de son indéniable succès, l’exemple du musée Guggenheim de Bilbao a été très souvent imité par la suite, dans le but de provoquer un « effet Bilbao », avec des résultats très inégaux. Il s’agit, à chaque fois, de faire appel à un « starchitecte » (un grand nom de l’architecture) pour signer un grand projet culturel dans un contexte de reconversion urbaine. En Espagne, le Centre culturel international d’Avilés (Oscar Niemeyer, 2011) ou la Cité de la culture de Saint-Jacques-de-Compostelle (Peter Eisenman, 2011), sont des échecs relatifs ou complets, tandis que l’expérience du Centre Pompidou (Daniel Buren) à Malaga, pensée comme éphémère, a été prolongée. Hors d’Espagne, on peut citer le Musée de Demain à Rio de Janeiro (Santiago Calatrava Valls, 2015) ou le Centre Pompidou West Bund Museum dans un ancien district industriel de Shanghai (David Chipperfield, 2019).

En France, les tentatives de provoquer un « effet Bilbao », aussi désiré que difficile à atteindre sont nombreuses : centre Pompidou-Metz (Shigeru Ban, Jean de Gastines, Philip Gumuchdjian, 2010), Louvre-Lens (Kazuyo Sejima, 2012), Mucem à Marseille (Rudy Ricciotti, 2013), musée des Confluences à Lyon (Coop Himmelb(l)au, 2018), tour Luma à Arles (Frank Gehry, 2021)… Il est intéressant de noter que, mis à part le cas d’Arles qui est du même architecte, plusieurs de ces musées peinent à se démarquer visuellement du modèle original.

Dans certains cas, c’est la reconversion d’un bâtiment emblématique du passé industriel ou portuaire de la ville qui remplace la signature d’un « starchitecte », comme pour la Tate Liverpool sur les docks de la ville, ou du KANAL-centre Pompidou dans un ancien garage Citroën à Bruxelles.

La recherche d’un effet Bilbao s’inscrit dans plusieurs phénomènes contemporains majeurs qui fonctionnent ensemble : la reconquête des fronts d’eau (waterfronts) dans un très grand nombre de villes littorales ou fluviales ; la mise en concurrence des villes dans une course à l’attractivité, appuyée par les discours du marketing urbain ; la « festivalisation » ou « événementialisation » des politiques urbaines avec le recours aux biennales, aux labels tournants (capitale de la culture) et aux festivals, le tout résumé par la recherche d’une skyline à la fois identifiable et comparable aux autres. L’ensemble de ces tendances fonctionnent à toutes les échelles : qu’il s’agisse des villes mondiales ou des métropoles régionales (en France par exemple) voire, en taille réduite, dans les villes petites et moyennes.

La recherche de l’effet Bilbao repose sur un mythe, ou plutôt sur un malentendu originel que la science géographique a depuis longtemps réfuté : la croyance en des lois de l’espace permettant la reproductibilité des modèles spatiaux, sans tenir compte du contexte local, historique et géographique (voir >>> spatialisme). Or c’est seulement dans les cas où le contexte local de la situation reproduite est comparable avec la situation imitée que l’effet recherché peut être, au moins partiellement, atteint.

(JBB) mars 2022. Dernière modification : mars 2024.


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