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De villes en métropoles

Istanbul : de la mégapole à la métropole mondiale

Publié le 05/11/2010
Auteur(s) : Antoine Fleury - UMR CNRS 8504 Géographie-cités

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1. La construction d'une mégapole

2. Istanbul et la mondialisation

3. Un espace en recomposition

Avec près de 12,6 millions d'habitants en 2007 sur une surface de 5 000 km², Istanbul est aujourd'hui l'une des grandes mégapoles (très grandes villes de 10 millions d'habitants et au-delà, correspondant aux megacities de l'ONU) de la planète. En vingt ans, la ville s'est ouverte sur l'étranger de manière spectaculaire. Capitale économique et culturelle de la Turquie, elle est aussi devenue un relais régional de la mondialisation, attirant à la fois des populations de tous horizons – touristes, migrants internationaux ou hommes d'affaires – et les investissements d'entreprises étrangères. Il en découle des recompositions importantes en termes d'organisation spatiale ainsi qu'un accroissement important des inégalités et de la ségrégation socio-spatiale.

À partir des études récentes sur Istanbul, cet article présente les composantes et les formes de la croissance d'Istanbul depuis les années 1950, avant d'envisager son insertion récente dans la mondialisation et d'interroger son statut de métropole mondiale en devenir.

La construction d'une mégapole

Capitale de l'Empire romain d'Orient puis de l'Empire byzantin, Constantinople reste capitale d'Empire après sa conquête par les Ottomans en 1453 (Mantran, 1996). Mais après la proclamation de la République en 1923, c'est Ankara qui devient la capitale de la Turquie moderne. Cette perte des fonctions administratives, gouvernementales et financières s'accompagne d'un déclin démographique. En 1932, Istanbul n'a plus que 690 000 habitants, contre un million avant la guerre. Il faut attendre les années 1950 pour qu'elle retrouve ce niveau de population, la ville redevenant alors le centre de gravité du pays, avec le développement de l'industrie et du commerce.

Croissance démographique et expansion urbaine

À partir des années 1950, la population d'Istanbul a considérablement augmenté, essentiellement en raison de l'exode rural. Comme de nombreux pays dit "en voie de développement", le pays a en effet été confronté, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à des bouleversements majeurs : révolution sanitaire, mécanisation de l'agriculture puis industrialisation. Le réseau urbain existant a dû progressivement absorber une grande partie du surplus démographique des campagnes, en lien avec l'accroissement général de la population. Ainsi, entre 1950 et 2000, la population urbaine est multipliée par neuf, tandis que celle d'Istanbul est multipliée par dix. En 1950, la ville regroupait 5,5% de la population du pays, elle en concentre environ 15% en 2000 (Yérasimos, 2001).

La croissance démographique d'Istanbul et les migrations intérieures

Source : www.ibb.gov.tr. Adaptation : S. Tabarly


Réalisations : Antoine Fleury

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D'après le recensement de 1997, moins de 30% des habitants de l'agglomération stambouliote à cette date y étaient nés. La ville, qui est restée la véritable capitale économique, financière et culturelle du pays, recrute sa population dans l'ensemble du territoire. Elle possède toutefois ses propres bassins de recrutement, dont les origines remontent au XIXe siècle : il s'agit des départements du littoral de la mer Noire et d'Anatolie orientale (Yérasimos, 1997a). Près du quart de la population stambouliote est né dans cette région. Au début des années 2000, Sivas tenait le premier rang avec plus de 375 000 Stambouliotes natifs de ce département, suivi du département de Kastamonu (264 000 personnes). Si le département de Diyarbakır, le plus peuplé de la région du Sud-Est, ne se trouvait qu'au quinzième rang (avec 80 743 personnes) en 2000, le nombre de natifs du Sud-Est ne cesse cependant d'augmenter, avec l'arrivée des Kurdes chassés de leurs villages par la guerre civile [2].

Cette explosion démographique s'est accompagnée d'une expansion spatiale considérable et d'importantes recompositions internes. La formation de l'agglomération actuelle présente un cas classique de développement en tache d'huile structuré par les axes routiers, même si ce schéma est rendu plus complexe du fait du site particulier de la ville, fragmentée par deux bras de mer, la Corne d'Or et le Bosphore (Yérasimos, 1997b). À partir des années 1950, alors que la ville héritée [3] est profondément remaniée, sous l'impulsion du Premier ministre Menderes (percées et élargissements de voies, démolitions et nouvelles constructions en grand nombre), les périphéries s'étendent considérablement, en particulier le long des deux seules routes menant respectivement vers l'Europe et vers l'Asie. En 1954 débute la "décentralisation" des entreprises industrielles vers les périphéries. Soutenu par les autorités publiques, ce déplacement des activités conduit au développement de l'urbanisation et à la constitution d'une nouvelle couronne, d'habitat précaire principalement, tout autour de la ville historique. Dans les années 1970, le développement des activités tertiaires et la construction de nouvelles infrastructures de transport sur la rive européenne poussent plus loin encore vers le nord un certain nombre d'habitants et d'activités fuyant un centre désormais saturé dont le bâti se dégrade. La construction d'un premier pont sur le Bosphore en 1973 amorce également le développement de la rive asiatique. Une vingtaine d'années plus tard, un second ouvrage de franchissement vient renforcer ce mouvement.

Espaces bâtis et découpages administratifs à Istanbul

Réalisations : Antoine Fleury

Dans les années 2000, l'urbanisation se poursuit toujours plus loin, au niveau de ce que J.-F. Pérouse appelle les "marges suractives de l'aire urbaine" (Pérouse, 2001). Ces nouvelles périphéries s'urbanisent en discontinuité avec les espaces déjà construits, auxquels elles ne sont reliées que par des routes et autoroutes qui traversent de nombreux no man's land. La dynamique urbaine a aujourd'hui tendance à se diffuser dans les départements limitrophes, de part et d'autre du département d'Istanbul. Ainsi, par l'intermédiaire du très dynamique arrondissement de Gebze (dans le département de Kocaeli), la mégapole tend à englober fonctionnellement l'agglomération d'Izmit, principal port de Turquie et reste particulièrement attractive pour les capitaux étrangers. On a désormais affaire à une "région urbanisée d'amples dimensions (qu'on pourrait aussi appeler le Grand Istanbul)" qui est aussi dénommée "mégapole eurasienne (Avrasya Megapolü)" (Pérouse, 1999).

Les formes urbaines de la mégapole

Ainsi s'est constituée une immense périphérie urbaine qui mêle, de manière relativement anarchique, habitat collectif et constructions individuelles souvent illégales (appelées "gecekondu" [4], le terme signifiant littéralement "construit en une nuit"), fonction résidentielle et fonctions de production. Si l'aménagement de quelques secteurs a été planifié par les pouvoirs publics, notamment pour la construction de logements collectifs [5], l'urbanisation s'est faite principalement dans un contexte marqué par l'absence d'infrastructures et de terrains viabilisés, aussi bien pour l'habitat que pour l'industrie. En conséquence, comme le rappelle J.-F. Pérouse (2001), Istanbul "vit le règne quasi-exclusif du secteur spéculatif, privé".

Avec l'avancée du front d'urbanisation, les vieux quartiers auto-construits finissent en général par être légalisés grâce au jeu politico-électoral. Ils se densifient pour se transformer en quartiers urbains, certes mal équipés et souvent mal desservis, mais appréciés par des néo-citadins en mal d'ascension sociale et particulièrement dynamiques sur le plan commercial et artisanal. Zeytinburnu, dans la continuité de la Péninsule historique, en constitue un bon exemple. Ainsi donc, "si dans les années 1960-1985 les formes dominantes de bâti nées de la migration étaient effectivement les gecekondu, ce n'est plus le cas aujourd'hui" (Pérouse, 2004b). La construction illégale demeure certes dominante mais revêt, dans la majorité des cas, la forme de l'apartkondu (immeuble à étages auto-construits) ou du villakondu (habitation individuelle autoconstruite). Ces bâtiments sont d'ailleurs de plus en plus construits par des groupes ou coopératives de construction [6]. Aujourd'hui, ce sont en fait principalement les migrants les plus pauvres, souvent en provenance du Sud-Est, qui bâtissent encore des gecekondu (à Sarıyer, Gaziosmanpaşa, Ikitelli ou encore Pendik). Ces derniers constituent donc un habitat social de fait pour des populations qui n'ont pas les moyens d'accéder au marché légal (loyers, prix des terrains).

Les formes urbaines de la mégapole

Une rue de l'arrondissement de Gaziosmanpaşa

Cliché : A. Fleury/Observatoire urbain d'Istanbul, 2002

Pointeur kmz sur l'image Google Earth ci-dessus : 41° 6'12.33"N / 28°53'39.91"E

Une rue du quartier de Katip Kasım (Eminönü)

Cliché :
A. Fleury/Observatoire urbain d'Istanbul, 2002

Pointeur kmz sur l'image Google Earth ci-dessus :41° 0'20.05"N / 28°57'21.67"E

Cliché du haut : Dans l'arrondissement de Gaziosmanpaşa, situé sur le front d'urbanisation au nord-ouest d'Istanbul, se côtoyaient encore, au début des années 2000, deux formes d'habitat : le gecekondu (au premier plan) et l'apartkondu (au second plan).

Cliché du bas : Situé entre le quartier d'Aksaray et la mer de Marmara, dans l'arrondissement d'Eminönü, le quartier de Katip Kasım conserve des maisons en bois typiques de l'ancien Istanbul. Le quartier, à proximité duquel subsistent de nombreuses activités requérant une main d'œuvre peu qualifiée, reste un lieu de résidence privilégié pour les classes populaires.

Parallèlement, depuis les années 1950, le vieux centre et les quartiers résidentiels de la fin du XIXe et du début du XXe se sont progressivement dépeuplés, la fonction résidentielle cédant la place aux activités commerciales et/ou touristiques et les bureaux. Les arrondissements centraux, notamment Beyoğlu, comprennent ainsi de nombreux logements vacants. Cette évolution s'explique aussi par le départ des populations les plus aisées et par une forte dégradation du bâti ancien, produit de pratiques spéculatives. Ainsi les quartiers anciens se sont-ils paupérisés, accueillant de plus en plus de primo-arrivants dans un habitat précaire. Les quartiers de Tarlabaşı, Yenikapı ou Aksaray en témoignent, attirant ces travailleurs pauvres grâce aux nombreux ateliers plus ou moins clandestins qui s'y sont développés. Depuis une décennie se dessine cependant une nouvelle tendance que l'on pourrait qualifier de retour au centre. L'activité touristique s'y est en effet développée, s'accompagnant de réhabilitations ponctuelles, et on a pu constater récemment un début de retour des populations plus aisées dans les vieux immeubles de rapport de la ville européenne, notamment à Cihangir et à Galata (Uzun, 2001).

Dans cette mégapole au centre paupérisé et aux périphéries populaires en expansion, les littoraux se distinguent, que ce soit sur les rives de la Mer de Marmara ou sur celles du Bosphore, par leur habitat plus haut de gamme. Il faut dire que les rivages de la ville bénéficient d'aménités considérables, en termes de paysage naturel comme de patrimoine historique. Ils bénéficient également à la fois d'une bonne accessibilité (par voie terrestre ou maritime) et d'une forte valorisation symbolique. Ainsi, à partir des Beaux quartiers traditionnels – comme Nişantaşı – ou des anciens lieux de villégiature et de leurs célèbres yal (demeures traditionnelles en bois des bords du Bosphore) – comme Moda, Yeniköy ou Bebek – se sont développés, sur une bande littorale large d'à peine quelques kilomètres, de nouveaux quartiers pour les classes moyennes supérieures et la bourgeoisie.

Istanbul et la mondialisation

Depuis les années 1980, les effets d'une nouvelle donne en termes de politique économique (à l'échelon national) et de géopolitique (à l'échelon régional) se sont additionnés pour placer Istanbul au cœur de la mondialisation des échanges, que ce soit les échanges économiques ou les flux migratoires.

La nouvelle donne des années 1980-1990

La chute du rideau de fer et l'effondrement du bloc soviétique ont permis à la Turquie de retrouver sa position de carrefour entre l'Europe et l'Asie. Cette nouvelle donne géopolitique a également permis à la Turquie de redécouvrir le monde turc. La dislocation d'une partie de l'empire russe en 1991 a en effet conduit à l'indépendance d'États en partie turcophones, dont le poids démographique est comparable à celui de la Turquie. Bien que la Russie continue à y jouer un rôle important, l'Asie centrale turcophone est devenue un marché et un espace d'influence pour la Turquie au cours des années 1990 (Yérasimos, 2001).

À cette nouvelle donne géopolitique s'ajoutent les effets d'un nouveau contexte politique et économique en Turquie même (Pérouse, 2004c). Suite aux événements violents ayant opposé militants d'extrême gauche et d'extrême droite dans les années 1970, l'année 1980 a en effet été marquée par le coup d'État militaire du 12 septembre 1980. Mais, alors que la vie politique turque reste fortement contrôlée par l'armée durant cette période, le nouveau premier ministre Türgüt Özal met en place une politique de libéralisation de l'économie du pays, avec le soutien de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Cette politique s'inscrit en rupture avec les mesures protectionnistes des décennies précédentes, caractérisées notamment par l'existence du modèle de substitution aux importations. Elle implique un important retrait de l'État appelé à intervenir principalement par la construction d'infrastructures. Dans ce contexte de libéralisation économique, c'est Istanbul qui cristallise les principales transformations de l'économie turque.

Les mutations de l'économie stambouliote

Depuis les années 1980, Istanbul s'est progressivement imposée comme le centre industriel, financier et logistique du pays, renforçant par là même sa situation sur le marché mondial. En 2008 elle concentre près de 27% du PIB national, 38% de la production industrielle totale et plus de 50% des services. Elle génère 40% des recettes fiscales et son PIB par habitant excède la moyenne nationale de plus de 70% (OECD, 2008). Sans surprise, Istanbul a donc su drainer les marchés et les capitaux mondiaux, attirant plus de la moitié des investissements directs étrangers (Eraydin, 2008).

À la croisée de nombreuses routes internationales, à la fois terrestres, maritimes et aéroportuaires, la ville a considérablement développé son secteur logistique. Istanbul est depuis longtemps le point nodal des couloirs de transport international de la Turquie : 60% de l'ensemble des échanges commerciaux du pays transitent par la ville. La fin de la Guerre froide n'a fait que renforcer cette position (Keyder, 1999 ; Yérasimos, 2001).

Les autoroutes qui traversent Istanbul servent certes au trafic intra-urbain mais aussi au commerce international. Elles s'inscrivent désormais dans de grands projets transnationaux, notamment dans le cadre de partenariats avec l'Union européenne (UE). Même si l'accroissement du trafic international est surtout lié au transport du pétrole et du gaz des pays du pourtour de la mer Caspienne et que les ports d'Istanbul ne retiennent qu'une faible partie de ce trafic faute d'infrastructures portuaires et de connexions aux réseaux terrestres suffisantes, le Bosphore a retrouvé son statut de voie maritime internationale. Quant à la présence de deux aéroports internationaux, elle renforce ce rôle de carrefour régional et accentue la fonction de redistribution de la ville vers la Russie, l'Asie centrale et le Moyen-Orient.

Les infrastructures à Istanbul

Mais le phénomène le plus flagrant est le passage d'une économie fortement marquée par l'industrie à une économie fondée sur des activités à plus forte valeur ajoutée (Keyder, Önçu, 1999). Ainsi, le poids des services financiers, du secteur de la publicité ou des industries civiles les plus avancées sur le plan technologique s'est nettement renforcé depuis trente ans (voir tableau ci-dessous). L'économie turque a d'ailleurs été marquée par la constitution de grands holdings financiers tels que Koç ou Sabancı, dont les sièges sociaux sont situés à Istanbul.

Bon nombre de banques et d'entreprises étrangères – nord-américaines, sud-coréennes ou japonaises notamment – y ont aussi implanté leur base régionale. Cependant, malgré une évolution structurelle importante, un secteur manufacturier à faible valeur ajoutée et à forte intensité de main-d'œuvre s'est maintenu, essentiellement dans le textile et sa chaîne d'approvisionnement. Ce secteur représente près d'un tiers de la population active (voir tableau ci-dessous), 26% du PIB et environ 80% de l'ensemble des exportations de la ville (OECD, 2008). Récemment, une spécialisation dans certaines activités à forte valeur ajoutée se dessine (industrie pharmaceutique et électronique notamment), mais le processus reste lent. Quant au secteur manufacturier à faible valeur ajoutée, il souffre de la concurrence croissante des pays à main-d'œuvre bon marché comme la Chine.

Population et économie stambouliotes : quelques caractéristiques

Réalisations : Antoine Fleury

Le poids du tourisme dans l'économie stambouliote n'a cessé de se renforcer depuis les années 1980. La ville a renforcé sa capacité hôtelière haut de gamme et les infrastructures permettant l'organisation de grands événements (foires, congrès, expositions, etc.). Avec 10% de la capacité d'accueil du pays, la région d'Istanbul se place au deuxième rang, après la région d'Antalya (Mallet, 2007).

Sa nomination en tant que Capitale européenne de la culture 2010 a donné lieu à toute une série de projets de rénovation et de restauration assortis d'incitations financières, en vue d'accroître les capacités des hôtels, musées et autres équipements culturels. Mais plus qu'une métropole touristique, Istanbul s'affirme aussi de plus en plus comme une métropole culturelle, en s'appuyant à la fois sur son riche héritage culturel – la ville demeure un lieu-référence de l'Islam sunnite – et sur des échanges croissants avec le reste du monde. La ville comprend de nombreuses institutions culturelles, d'enseignement supérieur et de recherche (dont 15 universités privées) [7]. Elle est aussi le siège des grands médias, des grands organes et de presse et de la plupart des éditeurs turcs. Quant à l'industrie du cinéma – regroupant compagnies de production, compagnies de casting et de modèles, associations professionnelles, etc. – elle joue un rôle croissant dans l'économie urbaine.

Ainsi donc, si l'on consulte les classements des villes mondiales menés par le GaWC, Istanbul se situait, selon les travaux de Beaverstock et al. (1999), dans la catégorie des "Gamma World Cities (Minor World Cities)" [8] et, plus précisément, dans le deuxième tiers du classement en termes de services juridiques comme de publicité, ainsi que dans le troisième tiers du classement en termes de services bancaires. Dans une autre étude (Taylor, 2001), Istanbul était classée à la 36ème place parmi les villes mondiales ou prétendant à ce statut. La même étude indique que la ville possède des fonctions globales et se place parmi les villes mondiales en termes de services aux entreprises, de banque et de finance, de publicité et de services juridiques, même si elle est moins bien placée en termes de médias et de services non-gouvernementaux. Plus récemment, Istanbul est remontée à la 29ème place et apparaît dans la catégorie "Alpha –" (2008).

Une plaque tournante des mobilités, des circulations et des migrations internationales

Dans les années 1990, Istanbul est devenue une plaque tournante – à la fois "comptoir, sas et hub" pour reprendre les termes de M. Ashan et J.-F. Pérouse (2003) – dans le système des mobilités, des circulations et des migrations internationales. C'est un autre aspect de l'insertion d'Istanbul dans la mondialisation. Trois types de populations mobiles peuvent ici être retenus : les migrants, les navetteurs et les touristes.

Istanbul tend à devenir une plaque tournante de l'immigration clandestine en direction de l'UE, notamment des côtes grecques ou italiennes. Les deux frontières terrestres avec l'Union européenne (Grèce et Bulgarie), situées à moins de trois heures de route d'Istanbul, attirent des migrants aux origines diverses. Cinq principales filières peuvent être identifiées, en fonction des provenances et de l'encadrement (Ashan, Pérouse, 2003) : nord-irakienne (qui se décompose en filières turkmène, kurde et assyro-chaldéenne), iranienne (gérée par des Iraniens, des Kurdes et des Turcs, qui assure le passage d'une multitude de migrants, des Chinois aux Afghans), syro-libanaise (assurant le transit de migrants venus du Maghreb et d'Afrique sub-saharienne), russe et russo-ukrainienne et enfin caucasienne. Par ces filières transitent aussi bien des étrangers que des citoyens turcs, le plus souvent d'origine kurde. Le parcours migratoire de ces migrants illégaux peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années, ce qui les place souvent dans une situation d'extrême précarité [9]. Dans l'attente de leur départ, les uns et les autres vivent dans les meublés d'Eminönü ou de Fatih (Yérasimos, 2001).

Parmi les circulations migratoires dont Istanbul est devenue un pôle, on trouve aussi les navetteurs qui pratiquent le "commerce à la valise". Ces derniers constituent un flux non négligeable même si difficilement quantifiable. Ce mode d'échange économique, qui s'est particulièrement développé depuis la fin de la Guerre froide [10], repose sur des trajets d'individus qui viennent à Istanbul pour vendre et/ou acheter des marchandises en petite quantité, qu'ils transportent comme simple bagage, en bus ou en avion. À la fin des années 1980 sont apparus les Polonais, suivis des Roumains (Gangloff, Pérouse, 2001). Au cours des années 1990, de nombreux ressortissants de l'ex-URSS se sont inscrits dans leur sillage. En 1995, la Turquie était la première destination des voyageurs russes venus chercher de la confection à bon marché en tissu ou en cuir (950 000 sorties). Cet afflux d'acheteurs a entraîné le développement d'une industrie ad hoc, ainsi que d'un quartier d'affaires, avec hôtels, restaurants et agences de voyage : Laleli (Pérouse, 2002).  La diversification du marché russe puis la crise de 1998 ont conduit à une réduction de cette activité. D'autres échanges ont pris le relai : si la ville continue d'attirer Balkaniques et Caucasiens (De Rapper, 2000 ; Pérouse, 2008), elle est ainsi devenue un centre d'approvisionnement pour nombre de Maghrébins (Pérouse, 2007c).

Les touristes internationaux sont évalués à sept millions pour la seule ville d'Istanbul en 2008, avec une croissance de 9,2 % par rapport à l'année 2007 [11]. Si une partie de ces touristes sont des "touristes à la valise", force est de constater que le patrimoine historique de la ville – dont la valeur est reconnue par son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco en 1985 – ainsi que la vie culturelle et festive qui s'y développe lui permettent progressivement de rivaliser avec les métropoles européennes pour les courts séjours européens (Allemands, Espagnols, Français en particulier) et tendent même à l'inscrire dans le circuit des lieux incontournables pour les longs séjours internationaux (Américains, Japonais, Australiens, Russes notamment). Grâce au coût relativement faible de l'hôtellerie, aux aménités de son site et à son patrimoine, Istanbul tend également à devenir une des grandes places mondiales de congrès. À ces flux de participants aux congrès, s'ajoutent les hommes d'affaires attirés par le pôle économique stambouliote. Enfin, le tourisme médical est aujourd'hui en plein essor, pour des interventions chirurgicales diverses (Mallet, 2007).

Une politique de grands projets au service d'une ambition métropolitaine

Depuis les années 1980, les pouvoirs publics, que ce soit au niveau national ou au niveau local, ont mis tout en œuvre pour faire accéder Istanbul au rang de métropole mondiale. Créée en 1984 par le gouvernement central qui l'a dotée d'une certaine marge d'autonomie et de ressources financières conséquentes, la Mairie métropolitaine a été le fer de lance de cette politique. Ainsi, dans les années 1980, la mise en place de politiques néo-libérales s'est accompagnée de nombreux investissements publics. La Mairie a développé une politique de grands projets marquée par "l'obsession de la mise aux normes et de la mise en marque (markalaşma) de la ville" (Pérouse, 2007a). Outre les infrastructures de transport ont donc été mis en œuvre de nombreux aménagements de prestige qui ont une visée à court terme et demeurent très localisés (Uzun, 2007) : réhabilitation de la Corne d'Or, construction du second pont sur le Bosphore, extension du quartier des affaires et divers projets de modernisation. Au final, ces projets s'inscrivent plutôt dans une politique de marketing urbain que dans une vision d'ensemble de la ville.

En pop-up : Gouverner Istanbul

La région métropolitaine d'Istanbul est gérée par la "Municipalité métropolitaine" (Istanbul Büyükşehir Belediyesi). Depuis 2004, les limites administratives de la Mairie métropolitaine coïncident avec celles du département d'Istanbul dont les contours ont été revus en 1996, avec la transformation d'un ancien arrondissement (Yalova, sur la rive sud du Golfe d'Izmit) en département. Plusieurs échelons de gouvernement se partagent la gestion et l'aménagement de ce territoire de 5 343 km². .../

.... à suivre

Ce choix politique, qui a bénéficié le plus souvent du soutien de l'État, n'a pas vraiment été remis en cause par la suite. Dans les années 1990, même si les politiques mises en œuvre dans les années 1990 ont réorienté une partie des investissements publics vers les quartiers d'habitat précaire (infrastructures, services sociaux), ce sont les grands projets qui continuent de l'emporter. Le plan d'aménagement général de 1995 en témoigne : avec pour objectifs de faire d'Istanbul un centre de congrès international, d'accroître son potentiel touristique ou encore de développer les infrastructures permettant d'accueillir de grands événements sportifs ou culturels, il affiche principalement des grands projets dont les effets sur la ville importent autant – voire moins – que les effets sur son image et son attractivité [12].

Dans les années 2000, cette politique s'est même encore renforcée, avec un nombre important de projets d'aménagement et une multiplication des grands événements (Karaman, 2008 ; Pérouse 2007a). Il faut dire que le gouvernement et la Mairie métropolitaine sont aux mains du même parti, qu'ils travaillent de manière relativement coordonnée. Les réformes législatives menées par le premier dans les années 2004-2005 ont d'ailleurs considérablement élargi les compétences de la seconde en même temps qu'elle voyait son périmètre étendu aux limites du département. Les projets mis en œuvre – y compris dans le domaine des transports, malgré plusieurs réalisations importantes [13] – visent plus des objectifs de marketing urbain qu'ils ne traduisent un projet d'ensemble pour la mégapole. Dans ce contexte, le marché immobilier a connu un boom sans précédent, avec des valeurs foncières qui ont triplé entre 2001 et 2008 (Karaman, 2008).

Vers une privatisation de la ville ?

La mairie travaille désormais en étroite collaboration avec des organismes internationaux (comme l'OCDE), des instances nationales (comme l'Agence nationale de planification, Devlet Planlama Teşkilatı) et une multitude de nouveaux acteurs : entreprises privées, universités, organisations non-gouvernementales ou encore agences parapubliques. Ce mode de gouvernance demeure cependant particulièrement complexe et se caractérise par un morcellement de la décision.

De plus, les projets sont principalement développés dans le cadre de partenariats public/privé, notamment pour la réhabilitation de certaines portions de quartiers anciens, la reconversion d'anciens sites industriels, la construction de complexes immobiliers et commerciaux. Certes, la Mairie métropolitaine demeure un acteur majeur dans ce mode de production renouvelé, avec un pouvoir d'impulsion et de contrôle, de même que les municipalités d'arrondissement, même si c'est en moindre mesure. Mais il s'agit bien d'une privatisation croissante de la ville. Ce processus se lit également dans les projets actuels de privatisation de certaines grandes agences de services proches de la Mairie métropolitaine (gaz, transports).

Quant à l'affirmation d'Istanbul comme métropole culturelle, elle est principalement promue par des structures privées, en l'occurrence, le plus souvent, par des fondations associées à de grands groupes privés, à qui l'on doit plusieurs nouveaux musées [14] et qui président à l'organisation de certains grands événements. La concertation et la participation demeurent d'ailleurs très limitées, malgré l'instauration récente des conseils de ville : les pouvoirs publics y sont largement représentés et les membres de la société civile restent très proches de ces derniers ou des milieux économiques locaux. Les acteurs les plus critiques à l'égard des politiques menées et du processus de privatisation évoqué ci-dessus restent à l'inverse peu associés (chambres professionnelles, associations de quartier, etc.). Et l'ensemble de ces projets sont étroitement dépendants d'une culture politique où le clientélisme – en lien avec la domination électorale des grands partis – et la corruption demeurent monnaie courante.

Sources : Karaman, 2008 ; Pérouse, 2007a ; Seni, 2009.

Un espace en recomposition

L'insertion d'Istanbul dans la mondialisation a entraîné des changements de taille dans l'organisation d'une mégapole qui se mue progressivement en métropole mondiale.

Les quartiers historiques comme vitrines de la métropole

Le centre historique d'Istanbul continue à concentrer de fortes densités de population, d'emplois et de commerce (Çiraci, Kerimoğlu, 2006). Il est néanmoins en cours de recomposition. Avec son site exceptionnel et son patrimoine multimillénaire, il constitue à la fois la vitrine de cette métropole en devenir qu'est Istanbul et l'un des lieux les plus attractifs pour les investisseurs privés comme pour les touristes. C'est aussi à ce titre qu'il a été placé au cœur des interventions publiques dès les années 1980. Plusieurs opérations d'aménagement sont alors réalisées, notamment le long de la Corne d'Or où l'activité industrielle a pratiquement disparu, libérant de grands espaces et de nombreux bâtiments. Le long des berges, le tissu ancien fait de petits immeubles, d'ateliers et d'usines a été en grande partie détruit pendant cette décennie, laissant place à de nouvelles voies et à des espaces verts (Fleury, 2005).

La mise en valeur des quartiers historiques par des opérations de rénovation et d'aménagement

Istiklal Caddesi, artère commerçante de l'arrondissement de Beyoğlu

Cliché : A. Fleury, 2006

Pointeur kmz sur l'image Google Earth ci-dessous : 41° 2'0.56"N / 28°58'38.40"E

Située au cœur de l'hypercentre d'Istanbul, Istiklal Caddesi (rue de l'Indépendance) est une rue piétonne bordée de boutiques de prêt-à-porter, de restaurants, de librairies et de cinémas. Tout comme les rues adjacentes, qui concentrent de nombreux cafés, restaurants et boîtes de nuit, elle est fréquentée de jour comme de nuit par une foule impressionnante de Stambouliotes.

Sur l'image Google Earth ci-dessus à droite : Istiklal Caddesi est la rue qui traverse les tissus urbains denses du sud au nord-est ; elle fait un coude au niveau de la place Galatasaray, au centre de l'image, à proximité de laquelle a été prise la photo.

De nombreuses opérations de réhabilitation du patrimoine historique ont également été réalisées depuis lors, toujours ponctuelles et privilégiant le bâti monumental par rapport au bâti résidentiel, de même que plusieurs tentatives de transfert des dernières activités de production vers la périphérie [15]. Dès les années 1980 sont également lancées des opérations d'aménagement d'espaces publics, notamment des plateaux piétonniers à Sultanahmet et à Beyoğlu (autour de l'avenue Istiklal), ainsi que des requalifications de places (Beyazıt, Beşiskaş) (Fleury, 2008). Ces opérations de réhabilitation et d'aménagement ont accompagné un processus de gentrification commerciale de certains quartiers, notamment l'avenue Istiklal et les rues adjacentes, auxquelles il faut désormais ajouter une partie du quartier de Galata. Ainsi cette partie de Beyoğlu est-elle (re)devenue une centralité culturelle et ludique majeure dans l'espace stambouliote. Cafés et restaurants, librairies et cinémas, ainsi que boîtes de nuit en font un quartier où l'on sort, animé de jour comme de nuit.

Le processus de transformation du centre-ville s'est accéléré depuis la fin des années 1990. En 2004, la mairie a lancé un grand projet dénommé "Istanbul-Musée", en collaboration avec le ministère de la Culture et du Tourisme et les organisations professionnelles du secteur touristique. L'objectif est de mieux valoriser le patrimoine et de mieux exploiter son potentiel touristique, en accélérant les restaurations dans les quartiers historiques de la Péninsule historique et de Beyoğlu [16]. Il s'agit d'une part de favoriser la redistribution stricte des fonctions, la priorité étant explicitement donnée au tourisme, en réactivant le "plan d'aménagement de la péninsule historique en vue de sa protection" mis en place précédemment et qui vise à transférer vers la périphérie des activités encombrantes et polluantes, en particulier des ateliers de production. Il s'agit d'autre part d'intervenir sur l'habitat informel, par le biais "d'opérations de résorption des étages illégaux et autres extensions inconsidérées" (Pérouse, 2007a), ce qui conduit progressivement à l'éviction des habitants les plus pauvres du centre de la ville. Il s'agit enfin, par toute une série de lois et de dispositions adoptées au niveau national durant l'été 2004, de "créer les conditions pour un transfert de propriété et d'usufruit des innombrables biens fonciers du domaine public" (Pérouse, 2007a), en grande partie au profit des investisseurs privés. À ces diverses interventions s'ajoutent des aménagements prestigieux d'espaces publics et un renforcement du contrôle de ces derniers, aux dépens notamment des marchands ambulants et des marchés informels (Fleury, 2009). En définitive, c'est un vaste nettoyage physique et fonctionnel qui est cours, dont l'objectif est de mettre aux normes internationales et de mettre en tourisme des quartiers historiques qui doivent (re)devenir la vitrine de la métropole stambouliote (Karaman, 2008 ; Pérouse, 2007a).

Istanbul, métropole culturelle ?

Comme dans de nombreuses métropoles, la création de nouveaux équipements culturels, le plus souvent par des acteurs privés, constitue désormais un moteur pour les transformations du centre historique, en particulier le long de la Corne d'Or et du Bosphore. Le quartier de Karaköy constitue l'un des secteurs où s'exprime le mieux l'ambition métropolitaine de la ville. En 2004, l'entrepôt n°4 a été reconverti en musée d'art contemporain. Baptisé Istanbul Modern, ce musée a pour ambition de devenir la référence turque en matière d'art contemporain. L'institution symbolise à elle seule à la fois le tournant pris par Istanbul dans le domaine culturel et le rôle majeur du secteur privé dans cette évolution. Il s'inscrit dans le grand projet "Galata International Port" qui vise à transformer cet ancien quartier portuaire en zone d'accueil commerciale et hôtelière pour les paquebots de luxe, avec de nombreux équipements et programmes immobiliers de prestige (Öğut Erbil, Erbil, 2001). Un autre secteur, la Corne d'Or, est aussi placé au cœur de cette ambition métropolitaine (Bezmez, 2008). Au fond de la Corne d'Or, le site d'une ancienne centrale thermique a été récemment transformé en centre d'art contemporain et en campus universitaire (université privée de Bilgi). Avec le musée Koç (ouvert en 1994 dans un ancien atelier de fonte d'ancres) et le café Pyerloti sur les hauteurs, désormais directement relié par un téléphérique, cette opération, nommée Santralistanbul, doit devenir une vitrine culturelle et touristique de la ville.

Toutes ces transformations ont, entre autres, permis à la ville d'être désignée en 2006 "capitale européenne de la culture" pour l'année 2010, un titre désormais convoité.

- Istanbul 2010, capitale européenne de la culture, www.istanbul2010.org/index.htm et
www.en.istanbul2010.org/index.htm

- Sur ces questions, voir aussi :
> en corpus documentaire de ce dossier,
Des villes en compétition : quelle place pour la culture ?
> un autre article de Fabien Jeannier,
Culture et régénération urbaine : le cas de Glasgow

 

Vers une région urbaine de plus en plus polycentrique

Les quartiers d'affaires situés au nord de Beyoğlu, qui se sont développés depuis les années 1970, continuent à jouer un rôle économique important. Sur la rive européenne, les alentours de la place Taksim et une partie de l'arrondissement de Şişli, dans la continuité de cette dernière, concentrent de nombreux bureaux, ainsi que des hôtels haut de gamme. Les commerces de luxe s'y sont considérablement développés, si bien qu'on y retrouve désormais toutes les grandes marques internationales. Le cadre de vie, qui était déjà de bonne qualité (avec notamment des espaces verts, denrée rare à Istanbul), a été encore un peu plus amélioré, grâce à la requalification de certains axes comme l'avenue Cumhuriyet dont la Mairie d'arrondissement veut faire une vitrine, à la manière des Champs Elysées (Fleury, 2007). Sur la rive asiatique, on retrouve le même type de quartiers, avec des évolutions similaires, dans l'arrondissement de Kadiköy, en particulier autour de l'avenue de Bagdad.

Nouvelles centralités, nouvelles formes urbaines

1) La rive européenne d'Istanbul vue depuis la colline de Çamlıça (rive asiatique)

Cliché : A. Fleury, 2004

2) Le quartier d'affaires de Levent

Cliché : A. Fleury, 2006

3) Le centre commercial "Kanyon" dans le quartier de Levent


Cliché : A. Fleury, 2006

Pointeur kmz sur le Kanyon Shopping Mall, quartier du Levent, 41° 4'20.76"N / 29° 1'0.31"E

Pointeur kmz sur l'image Google Earth ci-dessous : 41° 2'15.97"N / 29° 3'14.01"E

Pointeur kmz sur l'image Google Earth ci-dessous : 41° 5'6.01"N / 29° 0'36.52"E

Sabancı Center, quartier de Levent : on remarque l'ombre portée des tours du quartier d'affaires.

Commentaires des photographies

1) Au premier plan, les quartiers de Küplüce et Beylerbeyi puis le Pont du Bosphore, construit dans les années 1970 et sur lequel passe le premier périphérique. Sur l'autre rive, le quartier d'Ortaköy, ancien village de pêcheurs devenu un pôle de loisirs et de consommation (restaurants, cafés et diverses boutiques) et en arrière, les tours des nouvelles centralités qui ont émergé le long des axes de communication. Au loin, la forêt de Belgrade.

2) Le long d'une grande avenue à huit voies ont été érigés de nombreux gratte-ciel, sièges des banques ou des grandes holdings qui se sont développées dans les années 1990. À la fois desservi par les autoroutes périphériques et le métro qui le relie au centre d'Istanbul, le quartier accueille chaque jour plus de 500 000 personnes, qui viennent y travailler et/ou y consommer.

3) Ouvert en juin 2006, il rassemble près de 160 boutiques sur 37 500 m². Il s'inscrit dans un ensemble immobilier comprend aussi une tour de bureaux de 30 étages et un immeuble d'habitation de 22 étages (179 logements).

Malgré tout, l'organisation de l'espace stambouliote est désormais largement polycentrique (Dökmeci, Berköz, 1994 ; Çiraci, Kundak, 2000). La redistribution des activités de services et des commerces le long des autoroutes (Çiraci, Kerimoğlu, 2006) a en effet entraîné l'émergence de centralités secondaires en périphérie. Sur la rive européenne, l'axe Levent-Maşlak, le long du boulevard Büyükdere, concentre de nombreux sièges sociaux d'entreprises à dimension internationale et tend ainsi à devenir le pôle financier de la ville. Ces nouveaux quartiers redessinent la skyline de la ville, qui rappelle désormais celle des villes nord-américaines. La rive asiatique n'est pas en reste, notamment dans les arrondissements de Kadiköy et d'Üsküdar (quartier d'Altunizade, à la sortie du Pont sur le Bosphore) ; la construction du deuxième pont sur le Bosphore a également permis l'émergence d'un nouveau pôle, plus au nord, à Kavacık. Depuis les années 1990, la multiplication des centres commerciaux à Istanbul est venue renforcer ces centralités secondaires. On peut citer les plus grands : Akmerkez, Metro City ou plus récemment Kanyon. Fruits à la fois de l'investissement de firmes multinationales européennes ou américaines (en joint-venture avec des entreprises nationales) et de l'évolution des modes de vie – qui fait de ces lieux des espaces publics de la "modernité" (Erkip, 2003) – ces centres commerciaux témoignent bien de l'inscription de la capitale turque dans la globalisation. Enfin, de nouvelles centralités se développent le long du littoral, en périphérie, que ce soit aux alentours de l'aéroport Atatürk sur la rive européenne ou sous la forme de technopôles [17] associant industries de pointe et institutions universitaires de recherche, comme c'est le cas à Gebze, sur la rive asiatique (Çiraci, Kerimoğlu, 2006).

Des processus de gentrification et de ségrégation socio-spatiale

Les disparités de revenus se sont fortement aggravées depuis les années 1980. À côté des travailleurs faiblement qualifiés et peu rémunérés, travaillant dans des secteurs concurrencés par les pays à main-d'œuvre bon marché, voire dans le secteur informel, a émergé une nouvelle catégorie, hautement qualifiée et bien rémunérée, travaillant pour les activités de pointe ou le secteur tertiaire (Eraydin, 2008). Comment cela s'est-il traduit dans l'espace social d'Istanbul (carte ci-dessous) ?

Celui-ci oppose depuis les années 1980 des périphéries situées au nord de l'axe autoroutier Est-Ouest, avec des logements de relative mauvaise qualité et souffrant d'un manque d'accessibilité et/ou de moyens de transport insuffisants rendant les déplacements particulièrement pénibles, à des quartiers aisés localisés sur le littoral, plutôt bien reliés, bénéficiant d'aménités nombreuses et d'un habitat de bonne qualité. Cette très forte dualité se maintient encore aujourd'hui. Ainsi, "entre les quartiers de Ulu ou Yeniköy, où les prix de l'immobilier dépassent ceux de Paris, et les quartiers 'spontanés', il y a un véritable abîme que franchissent rarement les habitants des quartiers huppés" (Pérouse, 2001, p. 107). Certes certains secteurs ont évolué vers plus de mixité sociale (Eraydin, 2008), mais c'est au prix d'une ségrégation plus locale qui rend les inégalités plus criantes encore [18], voire de processus d'exclusion. Et globalement, les processus de ségrégation socio-spatiale n'ont cessé de se renforcer, fruit de deux décennies de politiques néo-libérales (Bartu Candan, Kolluoğlu, 2008).

Les divisions socio-spatiales à Istanbul

Réalisation : A. Fleury

Dans les quartiers historiques, le processus de gentrification, engagé dans les années 1980, tend à s'accélérer ces dernières années (Uzun, 2001 ; Coskun, Yalcin, 2007). De nombreux immeubles sont rachetés, réhabilités et revendus soit par des petits investisseurs, soit par des groupes immobiliers. Après les quartiers de Cihangir, d'Ortaköy (sur la rive européenne) et de Kuzguncuk (sur la rive asiatique), le processus s'étend aujourd'hui dans l'arrondissement de Beyoğlu aux quartiers de Galata et de Tophane et, plus ponctuellement, à certains quartiers de la Péninsule historique comme Fener et Balat (arrondissement de Fatih). Il s'accompagne de l'installation de nouveaux types de commerces s'adressant cette fois-ci à la population résidante. Dans cette évolution, le rôle des artistes et des intellectuels est important. Ainsi, plusieurs galeries d'art ont ouvert dans le quartier de Tophane, tandis que Péra accueille beaucoup d'artistes, notamment étrangers. Le programme dit de "transformation urbaine" (Kentsel Dönüşüm) est venu récemment amplifier le processus, non seulement dans les quartiers historiques mais aussi, de plus en plus, dans certains arrondissements périphériques. Même si des résistances populaires se font jour, cette politique s'accompagne de l'éviction des populations d'origine et des activités traditionnelles – usines et ateliers, commerces populaires et marchands ambulants (Meissonnier, 2006) – au profit de populations plus aisées et d'activités tertiaires à plus forte valeur ajoutée.

En pop-up : "Transformation urbaine", évictions et résistances

La politique de "transformation urbaine" de la Mairie métropolitaine consiste en des "interventions lourdes sur le tissu urbain" selon des procédures de délégation au secteur privé et "vise à rendre la ville plus viable et moderne" (Pérouse, 2007a). Dans de nombreux secteurs, les pouvoirs publics cherchent en fait à détruire des quartiers auto-construits pour y développer de nouveaux projets de construction et de nouvelles zones d'activité tertiaire qui conduisent à l'éviction des habitants.    
.... à suivre

Notes :
- Un article de Guillaume Perrier, pour le quotidien Le Monde daté du 30 septembre 2010 et intitulé "L'agression de galeries d'art à Istanbul révèle les fractures de la société turque" évoquait des incidents qui ont accompagné le vernissage de "Tophane Art Walk", une série d'expositions d'art contemporain organisée dans le quartier Tophane (arrondissement de Beyoğlu).. Quelques dizaines d'hommes, visiblement des habitants du quartier, armés de bâtons, couteaux et bombes lacrymogènes, ont fait fuir les invités et les "étrangers qui boivent de l'alcool". Selon le journaliste, "cette attaque traduit un choc des cultures qui se joue en plein centre-ville." Si elle est "créative et dynamique, la scène artistique ne concerne, au mieux, qu'une petite élite occidentalisée. Les expositions d'Istanbul 2010 restent invisibles pour l'immense majorité de la population de la ville. En 2008, la galerie Outlet a pris la place d'un restaurant de boulettes de viande où venaient se rassasier les ouvriers. Le loyer a quadruplé. La pression immobilière chasse un à un les petits commerces et menace les locataires."
Source : www.lemonde.fr/.../2010/09/.../les-fractures-de-la-societe-turque/....html

- Voir également "Casseurs contre bobos à Istanbul", une revue de la presse turque par le Courrier International du 27 septembre 2010 :
www.courrierinternational.com/.../2010/09/27/casseurs-contre-bobos-a-istanbul
 

Des phénomènes ségrégatifs de plus en plus visibles se développent également sur le front d'urbanisation. D'un côté, des processus de relégation peuvent s'observer où les habitants, mis à distance de la ville et vivant dans des conditions d'extrême précarité, s'enfoncent dans "une nouvelle forme de marginalité urbaine marquée par l'exclusion sociale et les tensions ethniques" (Bartu Candan, Kolluoğlu, 2008). C'est dans ce type de marge que continuent à se construire des gecekondu et où s'installent une grande partie des migrants récents.

Des processus de gentrification et de ségrégation

Entrée d'une "gated community" à Kemerburgaz, au cœur de la Forêt de Belgrade

Cliché : A. Fleury / Observatoire urbain d'Istanbul, 2002.
Il s'agit d'une opération immobilière nommée "Néo-vista" dont on peut consulter le site Internet : www.neo-vista.com

Le quartier de Cihangir à Beyoğlu : un quartier travaillé par le processus de gentrification

Cliché : A. Fleury, 2004.

Les immeubles de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle ont été réhabilités, les espaces publics réaménagés et végétalisés.

Pointeur kmz sur l'image Google Earth ci-dessous : 41°10'37.20"N / 28°53'56.40"E

On distingue bien, ci-dessus, les ensembles résidentiels enclavés et/ou fermés, dont le plus important, Kemer Country, à l'ouest duquel se trouve le site pris en photo ci-contre.

Pointeur kmz sur l'image Google Earth ci-dessous :41° 2'1.07"N / 28°59'4.99"E

D'un autre côté, les promoteurs ont en réussi à susciter des stratégies résidentielles nouvelles parmi les classes moyennes et aisées en développant des "cités privées" sur les franges de la ville, parfois même à grande distance du centre (Baycan Levent, Cülümser, 2004 et 2007 ; Pérouse, 2003). Les arrondissements concernés sont sans surprise ceux qui présentent des qualités environnementales (proximité avec la mer, surfaces boisées) et une bonne accessibilité. Si la superficie et le type de logement (villas ou petits immeubles) varient largement d'une opération à une autre, il existe certains points communs : le rôle des architectes occidentaux et européens, le rôle des promoteurs américains et californiens, la fermeture et les méthodes de prévention situationnelle, ou encore l'intervention de sociétés privée de sécurité très prospères.

 

Conclusion

Par bien des aspects, Istanbul est aujourd'hui touchée par le processus de métropolisation. La fin de la Guerre froide a permis à la ville de rayonner sur un vaste espace qui va de l'Europe orientale jusqu'à l'Asie centrale. Relais de la mondialisation et interface avec l'Union européenne, sa place dans le système des villes mondiales s'est largement renforcée. Cette mégapole à la croissance naguère exponentielle alimentée par l'exode rural est devenue une plaque tournante des migrations et des mobilités internationales. Si les activités industrielles n'ont pas disparu, la capitale économique de la Turquie s'est tertiarisée au point de (re)devenir une place financière incontournable et un haut lieu du tourisme international. Ce faisant, l'espace urbain s'est profondément restructuré et Istanbul constitue aujourd'hui une vaste région urbaine polycentrique.

Si cette évolution a bénéficié d'un héritage politique et culturel multiséculaire, ainsi que de sa position géographique, elle a en fait été largement impulsée par des politiques néo-libérales qui ont fortement investi dans les infrastructures et laissé le champ libre aux investisseurs privés dans la production de l'urbain. La "transformation urbaine" et l'organisation de grands événements constituent les derniers avatars de politiques qui privilégient l'attractivité et le développement économique. Or cela se fait bel et bien aux dépens de la cohérence territoriale de l'agglomération. Aujourd'hui, les inégalités sociales continuent à se creuser et la ségrégation socio-spatiale s'accentue dans une mégapole qui, pour autant, demeure une métropole incomplète.

Notes

[1] Antoine Fleury, chargé de recherche au CNRS, UMR 8504 Géographie-cités (CNRS, Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne, Université Paris Diderot - Paris 7). Chercheur associé à l'Observatoire urbain d'Istanbul (Institut français d'études anatoliennes). Page perso : www.parisgeo.cnrs.fr/index.php?page=fiche&id_membre=44&langue=fr

[2] On compte quelque 15 millions de Kurdes en Turquie (24% de la population du pays), principalement dans les départements du Sud-Est. Plusieurs rébellions se sont succédé au XXe siècle, notamment depuis les années 1960. En 1989, le gouvernement a imposé dans toute la région kurde un "régime d'exception" par lequel les militaires se sont vu octroyer des pouvoirs extraordinaires (détentions sans procès, déplacements de civils, recours à la torture, suspension de la liberté de presse, etc.). Officiellement, les combats entre les Kurdes et les forces armées turques auraient fait au moins 27 000 morts depuis 1984, dont 10 000 parmi les militaires turcs. Trois mille villages kurdes auraient été détruits.

[3] Au cours du XIXe et de la première moitié du XXe siècle, l'urbanisation s'était déjà développée au nord de la Corne d'Or et autour des lignes de chemin de fer parallèles à la mer de Marmara. Par la suite, ce sont les implantations industrielles le long de la voie ferrée européenne, immédiatement à l'extérieur des murailles terrestres byzantines, ainsi qu'au fond de la Corne d'or, qui avaient déterminé la construction des premiers quartiers d'habitat précaire après 1947. Tout au long de cette période, la péninsule historique, qui concentre les monuments prestigieux (Sainte-Sophie, Mosquée Bleue, palais de Topkapı notamment), avait en partie conservé son aspect traditionnel tout comme le quartier des bazars à proximité, tandis que Galata et Péra, accueillant bureaux, commerces ainsi que nouveaux résidants aisés, étaient profondément remodelés à l'européenne.

[4] On peut définir le gecekondu selon une approche architecturale, comme une construction basse et précaire, fruit d'un processus d'auto-construction, indépendamment du statut du sol et de son mode d'accaparement.

[5] Ces quartiers d'habitat dit social, construits par l'Administration du logement social (TKI), s'adressent de fait aux classes moyennes.

[6] Avec la libéralisation de l'économie, le développement des promoteurs privés et des coopératives de construction a supplanté l'ancien modèle de constitution de l'espace résidentiel, qui reposait notamment sur la logique "construction-vente" de petits propriétaires des classes moyennes. La part des groupes et des coopératives de construction dans la production du logement est passée de 10,9% dans la période 1975-1980 à 21,1% dans la période 1980-1985, pour atteindre 31,2% entre 1985-1990 (Pérouse, 2001).

[7] Les universités d'Istanbul, publiques et privées, accueillaient en 2002 quelque 200 000 étudiants au total (Béhar, 2002).

[8] Voir, en corpus documentaire : "Hiérarchies, classifications et typologies : de l'échelle globale à celle de la cité". Rappelons que cette catégorie Gamma vient après celles de "Alpha World Cities (full service world cities)" et de "Beta World Cities (major world cities)".

[9] Sur Géoconfluences, l'Europe des flux migratoires (nouvelle fenêtre)

[10] Sur Géoconfluences, L'élargissement de l'Union européenne à l'Est : Bruxelles au défi des relations transfrontalières (nouvelle fenêtre)

[11] Source: Istanbul Kultur ve Turizm Müdürlügü www.turizmdebusabah.com/images/0712009_Aralik_2008.doc

[12] Il existe même, au sein de la Municipalité du Grand Istanbul, un Département spécial « projets » qui a un fonctionnement autonome par rapport au Département de la planification et de l'aménagement.

[13] En 2010, Istanbul dispose de deux lignes de train de banlieue héritées du XIXe siècle, d'une ancienne ligne de tramway remise en service à des fins essentiellement touristiques (avenue Istiklal) et de deux autres reliant les banlieues Ouest au centre (inaugurées dans les années 2000), d'une ligne de métro léger (entre la Péninsule historique et l'aéroport Atatürk) et d'une ligne de métro classique (desservant les quartiers d'affaires au Nord) ainsi que de deux funiculaires (l'un datant de 1875 et l'autre inauguré dans les années 2000). Ces différents segments tardent à être connectés et articulés. Les travaux sont en cours depuis plusieurs années pour connecter les différentes lignes de métro et pour construire un tunnel sous le Bosphore qui devrait relier les deux réseaux de trains de banlieue (la construction du tunnel s'est achevée en avril 2009 mais la voie ferrée doit être mise en service en 2012 ou en 2013).

[14] Musée Koç (ouvert en 1994 le long de la Corne d'Or), musée Sabancı (ouvert en 2002 dans un yali à Emirgan), Istanbul Modern (ouvert en 2004, financé par l'entrepreneur Eczacibasi et sponsorisé entre autres par Avea et Hedef Alliance) et musée de Péra (ouvert en 2005 dans un ancien hôtel de Beyoğlu pour accueillir la collection des époux Kiraç).

[15] Les infrastructures pour accueillir ces activités sont en place depuis les années 1980, notamment dans la zone industrielle d'Ikitelli, sur la rive européenne.

[16] Les quartiers de Zeyrek et Süleymaniye, pour lesquels des projets de restauration existent depuis les années 1960, sont au premier chef concernés.

[17] L'adoption en juin 2001 d'une loi sur les "zones de développement technologiques" a créé un cadre juridique incitatif et avantageux, favorable à la multiplication de ces opérations. "Cette loi fait de l'aménagement de ces zones une priorité du développement national et charge le ministère de l'Industrie de superviser leur réalisation, en coordination avec université, institutions publiques et surtout entreprises privées" (Pérouse, 2007a).

[18] Ainsi, sur les hauteurs du Bosphore se mêlent lotissements de luxe et quartiers autoconstruits.

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  • YERASIMOS S. - "Istanbul : approche géopolitique d'une mégapole", Hérodote, n°103/4, pp. 102-117, 2001 [www.cairn.info/revue-herodote-2001-4-page-102.htm]

 

Webographie
  • On pourra trouver des éléments comparatifs avec d'autres grandes villes ou mégapoles dans le monde à partir de cette sélection d'articles sur Géoconfluences :

> Marie-Noëlle Carré, Buenos Aires, ou les territoires de la récupér-action, novembre 2008 (nouvelle fenêtre)
> Virginie Baby-Collin et Emiliano Zapata, Caracas, entre métropolisation et fragmentation urbaine juin 2006
> Samuel Rufat,  Mexico, au risque de son développement, avril 2006 (nouvelle fenêtre)

Ressources scientifiques, expertises

> les dossiers de l'IFEA (dont la série "Turquie contemporaine") et surtout les pages de l'Observatoire Urbain d'Istanbul (voir rubrique "Ville") : www.ifea-istanbul.net/website_2/index.php?option=com_/...
> nombreux documents en ligne sur Istanbul : bibliographie, rapports, photographies, ElectrOUI (2000-2007, n°0-29), littérature grise (mémoires de stage, articles, etc.).
> conférences en ligne : www.ifea-istanbul.net/website_2/index.php? Jean-François Pérouse :
> "La gestion d'Istanbul" [www.ifea-istanbul.net/website_2/seminaire-ovipot-perouse/.../lang=fr]
>"Autour d'Istanbul 2010 : acteurs locaux émergents et compétitivité urbaine": www.ifea-istanbul.net/website_2/index.php?/.../24052010-perouse&catid/.../lang=fr

  • Urban Age, Ricky Burdett, Alfred Herrhausen, "Istanbul, city of intersections" :

www.urban-age.net/conferences/istanbul
> City profiles (New York, Shanghai, London, Mexico City, Johannesburg, Berlin) :
www.urban-age.net/publications/cityProfiles  
> Données : www.urban-age.net/cities/istanbul/data/2009

  • Des références sur le site de l'ONU, UN Habitat : www.unhabitat.org et la place d'Istanbul parmi les megacities mondiales.

> The world 's megacities , 2007 and 2025, Graphs, Diagrams and Maps. Growth and more urban growth.
www.unhabitat.org/downloads/docs/presskitsowc2008/Growth%20and%20more.pdf

 

  • Globalization and World Cities Research Network (GaWC)

> Megacities in the Geography of Global Economic Governance, GaWC Research Bulletin 323, 2009
www.lboro.ac.uk/gawc/rb/rb323.html
> Atlas of Hinterworlds, Istanbul : www.lboro.ac.uk/gawc/visual/hw_is.html

www.planbleu.org/publications/Mobilite_urbaine/Istanbul/Istanbul_FinalReport_full.pdf

> De Tapia S. - "Turquie et Turkestans d'Asie centrale : le "monde turc", une alternative à l'Europe pour la Turquie ?", 2009, www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1737
> Montabone B., "Istanbul, ville européenne ?", 2009, www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1844

Institutions et collectivités
  • Le site d'Istanbul, Capitale européenne de la culture 2010 (en turc, en anglais et en français) :

www.istanbul2010.org/index.htm ; www.en.istanbul2010.org/index.htm
> la rubrique urban projects :
www.en.istanbul2010.org/PROJELERVEBASVURULAR/projearama/index.htm?kategori=KENTPROJE

  • La Mairie métropolitaine d'Istanbul (en turc, avec quelques pages traduites en anglais ; documents sur les politiques, organigrammes, cartes, etc.) : www.ibb.gov.tr

> Bulletins de la Mairie métropolitaine : Istanbul Bülteni, 1994-2002

Divers (professionnels, médias)


Antoine Fleury, CNRS, UMR 8504 Géographie-cités

pour Géoconfluences le 5 novembre 2010

réalisation de la page web et compléments documentaires : Sylviane Tabarly

Mise à jour :  05-11-2010

 

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Pour citer cet article :  

Antoine Fleury, « Istanbul : de la mégapole à la métropole mondiale », Géoconfluences, novembre 2010.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/urb1/MetropScient9.htm