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Villes et frontières

Publié le 13/12/2022
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Associer villes et frontières revient à articuler deux concepts clés de la géographie aux multiples acceptions. La ville avec sa forte charge historique, l’importance du brassage socio-culturel et sa position de cible de choix lors des conflits apparaît comme lieu condensateur des phénomènes frontaliers. La frontière entre les États a des répercussions multiples sur la forme et les fonctions urbaines et on peut ainsi distinguer plusieurs types d'articulation entre ville et frontière en se fondant sur le degré d'ouverture et l'étendue des fonctions de la frontière :

- La ville-frontière renvoie à la ville disputée par au moins deux collectivités et qui est coupée par la frontière. La frontière est encore active (Tijuana au Mexique, Nicosie à Chypre) et fait barrière ou bien elle est un héritage de l'histoire et marque encore la forme de la ville par la discontinuité du tissu urbain qu'elle a engendrée (Berlin en Allemagne). Cette fragmentation de la ville se fait souvent par une frontière visible et matérialisée, mais elle peut aussi être le fait d’une « frontière fantôme » (Von Hirschhausen, 2012) intériorisée et perceptible dans les pratiques quotidiennes. Il y a souvent dédoublement des équipements et des fonctions urbaines de part et d'autre de la ligne séparatrice.

- La ville frontalière jouxte la frontière. Sa forme en est modifiée notamment dans ses capacités d'extension spatiale (Gorizia en Italie), et les fonctions qu'elle exerce sont en relation étroite avec la fonction de contrôle et de transit notamment (La Valette à Malte). Elle joue souvent le rôle de sas d’entrée dans un État et dispose d’une fonction filtrante.

- Les villes-doublons (ou villes-jumelles ou twin-cities en anglais) constituent deux organismes urbains (les villes de la frontière germano-polonaise en sont l'archétype) qui se sont développés séparément pour répondre aux logiques d'organisation spatiale interne de chaque État. Le devenir des villes-doublons change dès lors que les frontières s'ouvrent aux flux et qu'elles perdent certaines fonctions (de contrôle notamment). Dans certains cas comme à la frontière États-Unis – Mexique, les villes doublons doivent leur développement au différentiel frontalier et fonctionnent en forte interdépendance.

- L'agglomération transfrontalière résulte de la coalescence de plusieurs communes situées dans des États différents. Elles forment un vaste organisme urbain qui se développe grâce à l'effacement de la frontière. Si la forme de la ville n'est pas fondamentalement modifiée par la frontière, ses fonctions sont souvent fortement influencées par la présence de cette dernière (Genève, ville internationale ou Bâle, ville de foire). L’agglomération transfrontalière se caractérise par l’importance des échanges, des concertations et la mise en place d’une gouvernance ainsi que d’équipements communs. À Bâle, par exemple, une ligne de tramway dessert les communes françaises de l’agglomération suisse (Woessner, 2020).

- La ville « post-frontière » (Dear et Leclerc, 2003 ; Malaquais, 2006 ; Spire, 2009) est une ville fondée d’une part par les échanges transfrontaliers et d’autre part par la banalité de la transgression de la frontière qui remet en cause la fonction de bornage. Les multiples mobilités de part et d’autre de la frontière sont constitutives d’une hybridation identitaire et d’un double ancrage des populations.

Par extension, les relations entre villes et frontières concernent toutes les villes qui accueillent des populations migrantes et deviennent des points d'accès aux territoires des États par leurs nœuds de transit (gares, aéroports, ports…). On peut aussi y ranger les zones franches urbaines, lieu d'un différentiel fiscal et/ou économique.

(ST), en partie réécrit (LF) en décembre 2020.


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