Mémoires et frontières
Les rapports entre mémoire et frontière politique sont devenus un objet d’étude pour les historiens, les politologues mais aussi les géographes. En effet, les frontières d'État sont inscrites dans les paysages plus souvent qu'on ne le croit, comme le souligne l'examen des cartes et de l'imagerie satellite. Pour l'œil exercé, les frontières sont le plus souvent visibles d'avion. Ainsi, si la limite entre l’ex-RDA et l’ex-RFA vue du ciel reste encore perceptible, ce n'est pas du fait de la ligne autrefois fortifiée, mais en raison des contrastes des structures agraires, produit de deux systèmes socio-politiques différents.
Frontières et espaces frontaliers sont toujours des produits de l'histoire qui cristallisent particulièrement les mémoires d'une nation dans ses relations à l'autre à travers conflits, réconciliations et coopérations.
En Europe, dans le cadre de l’espace Schengen, les traces visibles de la frontière s’effacent peu à peu, ce dont témoignent par exemple les œuvres photographiques de Valerio Vincenzo, qui a documenté plus de 20 000 km de « frontières de paix » entre 2007 et 2019. Pourtant la mémoire de la frontière reste vivace, comme le révèlent le développement dans plusieurs pays de musées de la douane, mais aussi de façon plus concrète le « retour des frontières », entraînant parfois un rétablissement du contrôle aux frontières voire par une barriérisation.
Sur ce continent aux entités pourtant largement réconciliées, une labellisation de sites européens « hauts lieux de mémoire » et emblématiques de l’identité européenne, d'une Europe plusieurs fois divisée et en quête d'unité, est envisagée. D’anciens postes-frontières entre l’Ouest et l’Est de l’Europe pourraient faire partie de ce patrimoine européen. Un « itinéraire » des lieux de mémoire relierait ces lieux symboliques.
Au niveau mondial, la Liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO proposait, en 2022, 37 sites en lien avec la frontière dans 22 pays, et ce sur quatre continents.
(ST), dernière mise à jour (SB et CB) novembre 2022.
Références citées
- Foucher, Michel (2016). Le retour des frontières. CNRS Éditions, 2016
- Vincenzo, Valerio, projet Borderline. Les frontières de la paix (2007-2019).
Pour compléter avec Géoconfluences
- Louis Le Douarin, « Carte à la une. Déconstruire un récit impérial : le mythe Sykes-Picot », Géoconfluences, mai 2024.
- Anne-Laure Amilhat Szary et Sarah Mekdjian, « Carte à la une : les frontières vues du sol et du ciel, navigation dans un itinéraire migratoire », Géoconfluences, mars 2015.
Pour aller plus loin
- Nora Pierre (dir.), Les Lieux de mémoire, Gallimard, 1997.
- Les chemins de mémoire : www.cheminsdememoire.gouv.fr
- Le réseau des sites majeurs de Vauban constitué autour de la proposition, par la France, de l’inscription en 2008 de « l’Œuvre de Vauban » au patrimoine mondial de l’UNESCO : www.sites-vauban.org
- La liste des sites retenus à la candidature par l'UNESCO : http://whc.unesco.org/fr/listesindicatives/2096/
- Le musée national des douanes : www.musee-douanes.fr
