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Notion à la une : intermodalité

Publié le 30/09/2014
Auteur(s) : Pierre Ageron, docteur, agrégé de géographie - Université de Strasbourg

Mode zen

L’intermodalité est un terme employé en géographie des transports et des mobilités pour désigner l’aptitude d’un système de transport à permettre l'utilisation successive d'au moins deux modes, intégrés dans une chaîne de déplacement.

Bibliographie | citer cet article

L’intermodalité se distingue de la plurimodalité, définie par l’existence d’un choix entre au moins deux modes de transport pour effectuer un déplacement. Elle diffère également de la multimodalité où le cheminement du voyageur n’est ni organisé ni balisé par les opérateurs, et où l’interconnexion n’est alors pas garantie.

L’intermodalité doit  garantir un cheminement « porte-à-porte », sans rupture entre les différents modes de transport utilisés au cours d’un même déplacement (voiture, tram, bus, vélo, train, avion, navette fluviale ou maritime). En Europe, l’intermodalité-voyageurs a d’abord été promue par l’échelon supra-national, depuis la signature du Traité de Rome [1] comme l'un des moyens de réaliser l’intégration des réseaux de transports européens. En revanche, en Asie orientale, elle est d’abord vue comme un marqueur de la compétition inter-métropolitaine. Et, en Amérique du Nord, elle est perçue comme une des applications effectives du Transit-Oriented Development [2] (Ageron P., 2013). Par contraste avec les voyageurs, la banalisation des conteneurs comme « boîtes » (Frémont A., 2007), liée à l’intensification et à la maritimisation des échanges mondiaux, a conduit les opérateurs à généraliser l’intermodalité-fret dès les années 1960, bien plus tôt que l’intermodalité-voyageurs qui ne s’impose que depuis les années 1990.

 

L’intermodalité-voyageurs ou comment organiser plus efficacement la mobilité à l’aide des différents matériels et réseaux déjà existants.
Le dispositif dans le Grand Lyon. Source : TCL (Transports en commun lyonnais)

 

Ce dispositif nécessite la mise en complémentarité sur les plans technique, organisationnel et informationnel, de réseaux différenciés, à plusieurs échelles et par une pluralité d’acteurs. Cela suppose des lieux d’interconnexion, ponctuels ou parfois linéaires. Le pôle d’échanges est par excellence le lieu de concentration, de dispersion des flux et de gestion de leur complexité : à la fois, « noeud de réseau » (Sander A., 2007, in Bourdin A., pp. 86-88) ou espace nodal circulatoire, et lieu de consommation et de sociabilité pour le voyageur. L’interconnexion est linéaire quand, grâce à l’interopérabilité, un même matériel circule tantôt comme tramway urbain, tantôt comme train interurbain : ainsi fonctionne le tram-train de Karlsruhe, mis en place en 1992.

L’intermodalité-voyageurs facilite le franchissement des échelles de mobilité, de l’urbain au régional dans le cas du tram-train mais aussi du local/régional au mondial pour les liaisons air-rail. Pour faciliter l'accès aux plates-formes aéroportuaires, l’intermodalité est en effet nécessaire. Ses objectifs sont triples : un meilleur service au passager pour le fidéliser, notamment grâce à la billettique combinée air-fer ; un avantage compétitif par rapport aux hubs et métropoles concurrents dans la desserte de l’hinterland ou aire de marché, et une minimisation de l’impact environnemental.  Ainsi, l’accès à l’aéroport offshore Chep Lak Kok de Hong Kong est structuré par l’Airport Express Line, qui relie la ville et l’aéroport par des stations urbaines, pensées comme des extensions de l’aéroport avec comptoirs d’enregistrement et informations sur les vols. Cette ligne est intégrée dans le réseau de transports MTR de Hong Kong (bus, tram, métro, ferry intra-urbain) via l’Octopus Card (carte de transport rechargeable).

 

 L’intermodalité air-fer : une seule réservation, un seul billet, un tarif conjoint, tel est le service TGVAir proposé par la SNCF et la compagnie Oman Air.
Source : avec l'aimable autorisation d'Oman Air

 

L’intermodalité-voyageurs est mise en place par les opérateurs de transports tant privés (compagnies ferroviaires, aériennes, maritimes) que publics (autorités organisatrices de mobilité durable dans le cadre de l'acte III de la décentralisation [3], autorités portuaires). L’interterritorialité (Vanier M., 2008) et la coopération émergent alors comme deux conditions indispensables pour la bonne marche de l’intermodalité-voyageurs. L’intermodalité-voyageurs pose ainsi la question de la pertinence des territoires de l’action publique.

L’intermodalité constitue l'une des réponses des acteurs du système de transports au double mouvement des mobilités multiscalaires contemporaines : la massification et l'individualisation, dans un contexte de limitation des impacts environnementaux.

 

[1] Traité de Rome, 2è partie, Titre IV

[2] Le concept américain de Transit-Oriented Development (TOD) vise à faire co-évoluer les infrastructures de transports et les pratiques des usagers dans les aménagements des nouveaux quartiers en situation suburbaine afin de réduire la dépendance à l'automobile.

[3] La loi relative à la modernisation de l'action publique territoriale et l'affirmation des métropoles, adoptée le 27 janvier 2014, acte l'avènement des autorités organisatrices de la mobilité, et le rôle de la région, chef de file de « l'intermodalité et de la complémentarité entre les modes de transports », chargée à ce titre de l’élaboration d’un schéma régional sur ce sujet en collaboration avec les autres autorités organisatrices. Voir le texte de loi.
 


Pour compléter :
Et en ligne :
 

 

Pierre AGERON,
docteur agrégé de géographie,
ATER Université de Strasbourg
Laboratoire Image, Ville et Environnement (LIVE), UMR 7362

Pour citer cet article :  

Pierre Ageron, « Notion à la une : intermodalité », Géoconfluences, septembre 2014.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/notion-a-la-une-intermodalite