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Notion en débat : shrinking city

Publié le 16/11/2016
Auteur(s) : Daniel Florentin, maître-assistant à l'École des Mines Paris Tech - École des Mines Paris Tech, Institut Supérieur d'Ingénierie et de Gestion de l'Environnement.

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La traduction de « ville rétrécissante » rend mal compte du phénomène de déclin urbain. En effet, les shrinking cities peuvent perdre des habitants mais continuer de s'étaler. Les processus de déclin urbain se caractérisent en fait par une série de spirales négatives, qui forcent à repenser l'aménagement urbain, pour imaginer de nouveaux usages et politiques publiques dans un contexte qui est celui d'un urbanisme sous contrainte.

Bibliographie | citer cet article | français | Deutsch

Le regard des enseignants
 

Rue de Liverpool au crépuscule.
Cliché : D. Florentin, 2008.

 

La shrinking city fait partie de ces notions au nom trompeur, dont la traduction stricte en ville rétrécissante ne colle souvent pas à la réalité observée. Si une shrinking city connaît une contraction, celle-ci est rarement spatiale : une shrinking city peut continuer à s’étaler. La ville de Leipzig, dans le Land de Saxe en Allemagne de l'Est, en donne un exemple saisissant : sa population actuelle est la même que celle de 1918, mais elle s’étend sur quatre fois la surface antérieure.

La ville de Leipzig 1918-2016 : le même nombre d’habitants, un fort étalement
  carte Leipzig perte population mais etalement urbain  

 

La face sombre de la mondialisation et les spirales du déclin

Le terme désigne en fait une conjonction de processus relativement connus, mais qui ont connu une acuité nouvelle depuis une vingtaine d’années. Il correspond d’une certaine façon à la face sombre de la mondialisation et de la métropolisation, celle des territoires laissés relativement en marge. Une shrinking city est une ville où s’accumulent, avec plus ou moins d’ampleur mais sur un temps relativement long, des processus de déprise démographique, de déclin économique, auxquels s’ajoute souvent une crise des finances publiques locales. Cette conjonction de processus en fait souvent des villes aux services diminués.

Le phénomène est particulièrement saisissant dans la plupart des villes de l’Est de l’Europe, qui ont été marquées par les effets souvent très durs de la transition post-socialiste, et où ces différents processus se sont combinés et auto-alimentés, formant une sorte de spirale du déclin. Cette boucle de rétroaction a touché de grandes villes comme Bucarest en Roumanie ou Brno en République Tchèque, mais a été encore plus intense pour les villes petites et moyennes. Dans l’Est de l’Allemagne, certaines villes ont perdu plus du tiers de leur population en quelques années, comme Francfort sur l’Oder, à la frontière polonaise, qui est passée de 88 000 à 58 000 habitants depuis 1990. Les populations restantes sont souvent les plus âgées ou les moins mobiles, ce qui renforce les disparités sociales et générationnelles entre les shrinking cities et les villes en croissance. L’Europe du vieillissement a aussi sa géographie, et les shrinking cities sont souvent un exemple de ces villes des têtes grises où les personnes âgées connaissent une relative surreprésentation.

Les spirales du déclin, un processus pérenne
  spirales du déclin boucle de rétroaction cercle vicieux shrinking city florentin  

Une traduction de ce processus dans les paysages urbains

L’accumulation de ces dynamiques régressives n’est pas sans conséquence sur l’espace urbain, avec le développement de friches industrielles ou urbaines, la croissance du nombre de logements vacants, qui sont autant de trous dans la structure urbaine et que certains aménageurs sont allés jusqu’à qualifier de « perforation urbaine ». Une shrinking city propose ainsi un paysage particulier, des formes urbaines qui lui sont propres. Dans certains quartiers de Liverpool, proches du mythique stade d’Anfield, il n’est pas rare de trouver des rues en partie abandonnées, où l’on trouve de petites maisons ouvrières, certaines habitées, d’autres en bon état mais pourtant murées, et sur lesquelles sont inscrits à la peinture noire : « gas off, electricity off » (gaz et électricité coupés).

Maisons abandonnées dans une rue de Liverpool au crépuscule

photographie Liverpool maisons murées

Maisons murées

Rue de Liverpool photographie

Enfilade de maisons murées à Liverpool.
Clichés : D. Florentin, 2008

photo Liverpool gas off elec off

« gas off, elec off »

Moins visibles, d’autres processus liés aux shrinking cities déstabilisent le fonctionnement normal d’un certain nombre d’infrastructures, comme les réseaux d’eau ou certains réseaux d’énergie, devenus surdimensionnés par rapport à la population desservie. Cela implique de nouvelles dépenses pour les opérateurs de services urbains pour maintenir le réseau, et fait reporter des coûts du service en augmentation sur un nombre moins grand d’usagers.

Pour autant, le déclin d’une ville la touche de façon sélective, et, dans une shrinking city, il est parfaitement imaginable d’avoir certains quartiers très attractifs, comme par exemple dans les alentours de la Tate à Liverpool, où les autorités municipales ont développé avec succès un projet d’aménagement de récupération d’un front d’eau autour d’un monument porte-drapeau, la galerie d’art de la Tate.

 
La Tate Liverpool Gallery

tate gallery photographie source geograph.org.uk

Ce musée a ouvert en 1988 après la réhabilitation d'anciens entrepôts situés sur le front d'eau de Liverpool. Jusqu'en 2003, il s'agissait de la plus grande galerie d'art moderne et contemporain du Royaume-Uni hors de Londres.
Source : geograph.org.uk

 

 

Des formes de gestion de l’urbain à créer

Une partie des recherches sur les shrinking cities a pu montrer que, si ces processus de déclin urbain ne sont nullement nouveaux, la caractéristique de ce mouvement récent tient à son caractère pérenne. Le processus n’est pas une simple parenthèse dans une trajectoire urbaine de croissance continue, mais bien une réalité de long terme, qui nécessite ainsi d’adapter la façon de produire la ville et de transformer certaines politiques publiques pour les ajuster à ce contexte. Certaines villes, dont les exemples les plus connus sont notamment à Berlin, ont ainsi décidé de faire de cette réalité une « chance », en promouvant de nouveaux usages urbains, liés par exemple à des utilisations alternatives (artistiques, culturales, solidaires, etc.) de friches, que ces projets soient portés directement par les pouvoirs publics ou par la société civile. 

 

Bibliographie de référence
Ressources complémentaires

 

Daniel FLORENTIN,
Maître-assistant à l'École des Mines Paris Tech, Institut supérieur d'ingénierie et de gestion de l'environnement.
Page personnelle

 

Mise en web : Jean-Benoît Bouron.

 

Pour citer cet article :
Daniel Florentin, « Shrinking city », notion en débat sur Géoconfluences, novembre 2016.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/notion-shrinking-city

 

Pour citer cet article :  

Daniel Florentin, « Notion en débat : shrinking city », Géoconfluences, novembre 2016.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/notion-shrinking-city