Vous êtes ici : Accueil / Actualités / Veille / Brèves / La désertification médicale en France, l'exemple du département de l'Orne

La désertification médicale en France, l'exemple du département de l'Orne

Publié le 08/06/2023
Auteur(s) : Marie Vernin, étudiante licence 3 de géographie - université Lumière-Lyon 2
En France, l'Assurance maladie comptabilise plus de 700 000 patients atteints d'une maladie chronique et dépourvus de médecin. Mais la pénurie est loin d’être uniforme sur le territoire, avec des espaces bien dotés et d’autres en déficit, en particulier dans certains départements ruraux. L'exemple de l'Orne, en Normandie, montre que le départ ou la retraite d'un seul médecin peut faire basculer un bassin de vie dans la désertification médicale.

Bibliographie | citer cette brève

En plus d’une densité médicale (nombre de médecins par rapport à la population) légèrement inférieure à ses voisins, la France connaît une mauvaise répartition de ses médecins. Certains territoires ruraux sont en effet beaucoup plus touchés par la désertification médicale que les villes. Selon les chiffres de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), à l’échelle des bassins de vie, le rural représente 30 % de la population mais seulement 25 % des médecins généralistes. Deux bassins de vie sur trois se situent en dessous de la moyenne nationale de densité médicale. Si atteindre cette moyenne sur tous les territoires peut être un premier objectif, il manquerait encore plus de 6 000 médecins généralistes dans les bassins de vie ruraux pour atteindre un objectif souhaitable d’un médecin généraliste pour 1 000 habitants.

Une présence médicale très inégale sur le territoire français

Selon Emmanuel Vigneron (pour l’Association des maires ruraux de France), la désertification est également importante dans la médecine spécialisée, parfois plus fortement encore qu’en médecine générale : les habitants du Gers ou de la Haute-Saône ont accès à moins de 3 cardiologues pour 100 000 habitants dans leur département quand la moyenne nationale dépasse 10 pour 100 000. On trouve 1,3 gynécologue en Mayenne pour 100 000 habitants, contre 8 en moyenne dans le pays. Le même auteur y voit la marque du « phénomène de métropolisation » : les spécialistes comme les généralistes se concentrent dans les métropoles. Celles du sud et de l’ouest de la France sont particulièrement attractives. Si les trois quarts des 101 départements se trouvent confrontés à des densités médicales inférieures à la moyenne, les départements des métropoles (Paris, Rhône, Gironde) et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) demeurent à un niveau supérieur à la densité moyenne. On trouve ainsi 13,9 cardiologues pour 100 000 habitants en Île-de-France et 14,8 en région PACA (source). Dans les bassins de vie ruraux, 1 médecin généraliste couvre en moyenne 30 km², contre 5 km² dans les bassins de vie urbains. L’accessibilité à la présence médicale est 6 fois plus faible en milieu rural qu’en ville. Alors qu’il manque 3 388 médecins généralistes dans les bassins de vie ruraux déficitaires, on trouverait au total 2 266 généralistes excédentaires (toujours par rapport à la moyenne) dans les bassins de vie urbains. 31 % des bassins de vie urbains atteignent l’objectif de 1 généraliste pour 1 000 habitants contre seulement 18 % des bassins de vie ruraux. Les territoires ruraux les plus touchés par le vieillissement sont confrontés à une double peine : le vieillissement de la population entraîne un besoin croissant d'accès aux soins, tandis que le vieillissement de la population médicale soulève le problème de son renouvellement (document 1).

>>> Sur le vieillissement des médecins dans les espaces ruraux, lire : Virginie Chasles, Alice Denoyel et Clément Vincent, « La démographie médicale en France, le risque des déserts médicaux. L'exemple de la Montagne ardéchoise », Géoconfluences, mars 2013.
Document 1. Affiche sur la porte d’un cabinet médical à Alençon (Orne), février 2023

Médecin non remplacé

Photographie libre de droits. Géoconfluences, 2023.

 

Un exemple représentatif de la désertification médicale : le département de l’Orne

L’Orne est le 6e département de France métropolitaine où le pourcentage de médecins manquants est le plus élevé : on atteint les –42 %. Il manque donc presque la moitié des effectifs actuels pour atteindre la moyenne nationale. L’absence de centre hospitalier régional attractif expliquerait un déficit accentué de spécialistes, mais l’urgence se situe surtout au niveau des médecins généralistes : alors qu’il y a aujourd’hui 264 médecins généralistes dans le département, il en faudrait 66 de plus pour être à la moyenne nationale de 0,83 médecins pour 1 000 habitants.

Ce qui est caractéristique dans le département, c’est qu’aucun bassin n’est excédentaire : il n’y a donc pas de solution de recours pour les habitants dans un bassin de vie voisin. La seule exception est le bassin de vie de la petite station thermale de Bagnoles de l'Orne, qui compte un médecin de plus que la moyenne.

Document 2. Nombre de médecins généralistes manquants par bassin de vie de l’Orne pour arriver à 1 pour 1 000 habitants

carte orne médecins

Données AMRF, 2023. Réalisation : Marie Vernin et J.-B. Bouron, Géoconfluences, 2023.

 

S’il manque seulement 4 médecins dans le bassin de vie d’Alençon, sur 50 actuellement, les polarités secondaires sont dans une situation critique avec 9 médecins manquants dans le bassin de vie de l’Aigle ou dans celui d’Argentan, et jusqu’à 13 médecins manquants dans celui de Flers. En pourcentage, ce sont les bassins de vie ruraux de Longny les Villages (–50%) et de la Ferté-Macé (–75%) qui sont les plus désertifiés, et surtout de Vimoutiers (–100 %) où on compte 3 médecins généralistes alors qu’il en faudrait 6 pour atteindre la moyenne de 0,83 médecins pour 1000 habitants dans ce bassin de vie rural de près de 8 000 habitants.

La lutte contre les déserts médicaux passerait par le recrutement des jeunes médecins. Certains départements mettent en place des stratégies pour les attirer : l’organisation d’évènements loisirs pour les étudiants en médecine a permis à l’Aveyron de conserver 9 % de ses internes contre 1 % en moyenne pour les autres territoires ruraux.


Sources
Pour compléter avec Géoconfluences

 

Marie VERNIN

Étudiante en licence 3 de géographie, université Lumière-Lyon 2, stagiaire à Géoconfluences

 

 

Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron

Pour citer cet article :  

Marie Vernin, « La désertification médicale en France, l'exemple du département de l'Orne », brève de Géoconfluences, juin 2023.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/deserts-medicaux-france-orne