Nappes phréatiques françaises : gouvernance territoriale et leviers pédagogiques pour une sobriété durable

Bibliographie | citer cet article

En France, environ 65 % de l’eau potable provient des nappes souterraines (aquifères de faible profondeur). Le tiers restant provient des eaux de surface : rivières, fleuves, lacs et réservoirs. Or la recharge des nappes, lente et saisonnière, est fragilisée par : la succession de quatre années déficitaires en pluie hivernale (2021–2025) ; le réchauffement climatique de + 1,9 °C depuis 1961 qui majore l’évapotranspiration ; la pression des prélèvements (+ 9 % entre 2010 et 2023, selon le service des données et études statistiques, le SDES). Face à ces contraintes, l’État a inscrit dans le Plan Eau en mars 2023 un objectif de ‑10 % de prélèvements à l’horizon 2030, et plusieurs métropoles ont lancé des politiques ambitieuses de sobriété et/ou de réutilisation. Parallèlement, on observe une montée en puissance du retour en régie publique locale (ou en société publique locale) pour la production et la distribution d’eau, afin de renforcer la maîtrise collective du service (gouvernance, investissements antifuites, tarification) et d’aligner plus directement la gestion sur les objectifs de durabilité.

1. Point de situation hydrogéologique au 1^er septembre 2025

Carte nationale des nappes au 1ᵉʳ septembre 2025, source : BRGM. Du bleu (niveaux très hauts) au rouge (très bas), de nombreux secteurs — notamment au nord-est, sur le Massif central et vers le Roussillon — restent sous la normale, avec une tendance générale à la baisse (flèches vers le bas), d’après le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Le BRGM précise :

• 38 % des points d’observation sont sous les normales mensuelles et 33 % au-dessus (le reste proche des normales).
• En août, les niveaux sont majoritairement en baisse (77 %) ; quelques pluies ont atténué la vidange sans l’inverser.

La vidange estivale, amorcée dès février dans les nappes réactives puis généralisée en juin, se poursuit : en août, 77 % des niveaux restent orientés à la baisse. Les nappes inertielles du Bassin parisien demeurent plutôt satisfaisantes, tandis que plusieurs nappes réactives de l’Est, du Massif central et du Roussillon restent préoccupantes.

Le BRGM publie à intervalles réguliers — le plus souvent chaque mois — des points de situation sur les nappes, faciles à retrouver et à lire (cartes, tendances, commentaires régionaux). C’est un support très efficace en classe : les élèves confrontent leur ressenti météorologique (« il a fait sec / il a beaucoup plu ») à des indicateurs objectivés et voient comment ce ressenti se traduit concrètement sur l’état de la ressource à l’échelle régionale. Ils comprennent aussi que la réponse des nappes peut être décalée dans le temps et variable selon les aquifères (nappes réactives versus inertielles). À partir de là, on peut discuter des saisons de recharge/vidange, des usages locaux et des gestes de sobriété qui font sens.

2. Politiques locales de sobriété : panorama national

Campagne #ProtègeTaNappe (Bordeaux Métropole, 2024‑2025) : l’eau que nous buvons vient des nappes souterraines, économisons‑la. Une carafe d’eau versée sur une table transformée en coupe d’aquifère illustre que chaque verre que nous buvons provient directement des nappes souterraines qu’il faut préserver.

Le tableau ci-dessous synthétise quelques dispositifs locaux de sobriété menés par des métropoles françaises, en lien direct avec la gestion des nappes. À l’échelle communale et intercommunale, les collectivités communiquent largement (magazines distribués aux habitants, sites dédiés, application, affichages dans l’espace public, etc.). La ressource en eau y revient fréquemment — par exemple dans le magazine de la Métropole de Lyon. Ces actions concrétisent l’obligation de « gestion équilibrée et durable de la ressource » (art. L.211-1 du Code de l’environnement) et constituent de solides appuis pédagogiques pour la classe.

3. Intégration dans les programmes scolaires du secondaire

L’exemple comparé de cinq métropoles montre que la sobriété en eau souterraine n’est pas un choix mais une condition d’habitabilité urbaine. Intégrer ces études de cas permet de développer chez les élèves la culture des données (lecture de bulletins BRGM, SIG) ; de donner à voir la diversité des leviers (tarification, réutilisation, infiltration) et des échelles de gouvernance ; d’ancrer les notions de ressource limitée et de bien commun dans le vécu territorial. En articulant connaissances, compétences et engagement citoyen, l’École participe à réaliser l’objectif national de réduire de 10 % les prélèvements d’ici 2030 et, plus largement, à garantir un partage équitable de la ressource eau.

Pour aller plus loin

• MétéEAU Nappes (BRGM) : bulletins mensuels, API et visualisation cartographique.
• ADES/EauFrance, Portail national d’accès aux données sur les eaux souterraines
• Agences de l’eau : zones d’alerte sécheresse, redevances.
• Émilie Aubry, « Eau une ressource sous tension », Le Dessous des Cartes, Arte, septembre 2019.
• Alexandre Mayol, « Le modèle économique des services urbains est-il encore adapté à la transition écologique ? », Vie-publique.fr, 7 août 2025.

Pour compléter avec Géoconfluences

• Pierre Ageron, « Actualités de l'eau et de la Méditerranée — revue de presse de janvier à février 2025 », brève de mars 2025
• Clara Loïzzo, « Crise de l’eau à Mayotte : une question sociale plus que climatique », Géoconfluences, juin 2024.
• Martin Charlet, « Le bassin de la Muga, illustration très locale de la pénurie d'eau en Catalogne », Géoconfluences, avril 2024.
• Judicaëlle Dietrich, « Politiques de l’eau et lutte contre la pauvreté à Jakarta, un rendez-vous manqué », Géoconfluences, juin 2020.Fanny Arnaud et Laurent Schmitt, « Carte à la une : reconstituer le Rhin disparu », Géoconfluences, mai 2018.
• Silvia Flaminio, « L'eau en Australie : de l'exploitation des ressources à la gestion des milieux ? L'exemple du bassin versant du Gordon en Tasmanie », Géoconfluences, février 2017.
• Lise Desvallées, Anne Rivière-Honegger et Sylviane Tabarly, « Quelles équités pour l'approvisionnement en eau des populations au Maroc ? L'exemple des fontaines à Marrakech », Géoconfluences, octobre 2011.