Politiques de l'eau en Europe et en France : jalons et repères
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La loi sur l'eau de 1992 en France : principes (extraits) et outils
Article 1er : "L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général."
Article 2 (extraits) : Les dispositions de la loi ont pour objet une gestion équilibrée de la ressource en eau. Celle-ci vise à assurer :
- " la préservation des écosystèmes aquatiques (…)
- la protection contre toute pollution des eaux (…)
- le développement et la protection de la ressource en eau
- la valorisation de l'eau comme ressource économique et la répartition de cette ressource (…)"
Les articles 3 et 5 définissent les nouveaux schémas d'aménagement et de gestion des eaux : le Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) est élaboré dans le cadre des grands bassins hydrographiques tels que le Bassin Rhône-Méditerranée-Corse, par exemple et le Schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) est proposé à l'échelle des bassins versants des cours d'eau.
Les Schémas directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE, article 3)
"Un ou des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux fixent pour chaque bassin ou groupement de bassin les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau, telle que prévue à l'article 1er."
Les Schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE, article 5)
"Dans un groupement de sous-bassins ou un sous-bassin correspondant à une unité hydrographique ou à un système aquifère, un schéma d'aménagement et de gestion des eaux fixe les objectifs généraux d'utilisation, de mise en valeur et de protection quantitative et qualitative des ressources en eau superficielle et souterraine et des écosystèmes aquatiques ainsi que de préservation des zones humides, de manière à satisfaire aux principes énumérés à l'article 1er." L'élaboration du SAGE exige la création d'une Commission locale de l'eau (CLE), véritable "parlement de l'eau" qui implique tous les acteurs concernés dans l'élaboration de programmes et les processus de décision.
La Directive-cadre européenne sur l'eau (DCE) : principes et mise en place
L'Union européenne joue un rôle majeur dans la mise en œuvre d'une stratégie de développement durable pour la gestion de l'eau. La Directive-cadre européenne sur l'eau (DCE) adoptée par le Parlement et le Conseil européens le 23 octobre 2000 organise la politique de l'eau pour les deux prochaines décennies. Elle affirme que "l'eau n'est pas un bien marchand comme les autres, mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel". Elle réorganise en conséquence la politique de l'eau avec pour objectif la protection, à long terme, de l'environnement aquatique et des ressources en eau. De façon générale, pour les institutions françaises de gestion de l'eau, il s'agit de passer d'une obligation de moyens consacrés à des équipements, à l'obligation de résultats mesurés par des indicateurs biologiques peu utilisés pour la décision aujourd'hui, ce qui n'est pas sans susciter un débat.
La directive propose une démarche globale, un calendrier précis, des méthodes et une construction progressive des outils. Elle prolonge la logique de planification par une politique de programmation s'inscrivant ainsi comme un véritable outil de pilotage de la politique de l'eau. Elle a été transcrite en droit français par la loi du 21 avril 2004. Les États membres doivent parvenir au "bon état (écologique et chimique) des eaux" en 2015 partant d'un bilan initial établi en décembre 2004. Un milieu aquatique en "bon état" est défini comme "une rivière, un lac, une nappe d'eau souterraine, un littoral marin dont l'eau garantit la santé humaine et préserve la vie animale et végétale. C'est donc une eau de bonne qualité et disponible en quantité suffisante pour tous" (Agence de l'eau RM & C, juin 2008).
Pour conduire les actions de protection des eaux, la directive a créé une unité géographique : le district hydrographique. La France métropolitaine est divisée en huit districts hydrographiques qui correspondent à sept fleuves (Rhône, Rhin, Meuse, Escaut, Loire, Seine et Garonne) et à une île, la Corse. Cinq autres districts existent en outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte). Des plans de gestion et des programmes sont prévus pour chacun de ces districts. En France, les SDAGE sont ainsi devenus l'instrument de la mise en œuvre de la politique communautaire dans le domaine de l'eau. Ces schémas doivent être mis en conformité avec les objectifs de la directive européenne pour décembre 2009 afin d'atteindre les objectifs pour 2015. Ils sont complétés par un programme de mesures dans lequel sont précisés l'échéancier et les coûts des actions à engager sur le terrain. Les SAGE constituent aussi des outils indispensables pour atteindre les objectifs de la directive.
La participation active du public doit être assurée à toutes les phases d'élaboration et de mise en œuvre de la politique de l'eau (art. 14). À chaque grand bassin hydrographique correspond un Comité de bassin. Créé par la loi sur l'eau de 1964, son rôle a été renforcé par la Directive-cadre. Il regroupe les différents acteurs publics ou privés agissant dans le domaine de l'eau pour débattre et définir de façon concertée, au niveau de ce bassin, des grands axes de la politique de gestion de la ressource en eau et de la protection des milieux naturels aquatiques. Les Agences de l'eau, chargées du financement des Comités de bassin, sont des établissements publics autonomes qui perçoivent des redevances auprès des utilisateurs de l'eau en fonction des quantités de pollution rejetées et des volumes prélevés. Elles contribuent au financement d'opérations d'intérêt collectif pour aménager les ressources, lutter contre les pollutions et réhabiliter les milieux aquatiques.
La loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA n°2006-1772 du 30 décembre 2006)
La loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 vise à adapter le droit français au droit européen issu de la directive cadre n°200/60, à moderniser les institutions de l'eau et à sécuriser leur financement, et enfin, à rénover l'organisation de la pêche en eau douce. La loi introduit deux principes nouveaux : le droit d'accès à l'eau pour tous et la prise en compte des adaptations nécessaires au changement climatique.
Les dispositions adoptées sont classées sous quatre titres : la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques (titre I), l'alimentation en eau et l'assainissement (titre II), le domaine public fluvial (titre III) et la planification et la gouvernance (titre IV). La multiplication des priorités énoncées dans le texte rend leur hiérarchisation délicate.
Plusieurs évolutions de la politique de l'eau sont cependant à retenir. La modernisation des institutions se traduit ainsi par la réforme des redevances des Agences de l'eau et par le renforcement des Comités de bassin (approbation des programmes d'intervention des agences et des taux de redevance). Au niveau national, le Conseil supérieur de la pêche est transformé en un Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) chargé des études et recherches et de l'évaluation. La loi propose des outils nouveaux pour lutter contre les pollutions diffuses en particulier pour des secteurs sensibles : zones d'alimentation des captages, zones humides d'intérêt particulier, zones d'érosion diffuses.
La reconquête de la qualité écologique des cours d'eau est privilégiée afin de répondre à l'injonction européenne du bon état écologique des eaux. La gestion locale et concertée des ressources en eau est renforcée. Les SAGE sont désormais opposables au tiers (article 77-2). La loi est également plus exhaustive sur leur contenu : le SAGE comprend désormais un Plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques, une évaluation environnementale et un règlement. Les règles de composition et de fonctionnement des CLE chargées de leur élaboration sont assouplies. La police de l'eau est simplifiée. Les maires peuvent disposer d'outils (taxes…) pour gérer les services publics de l'eau et de l'assainissement dans la transparence. Enfin l'organisation de la pêche en eau douce est revue et modernisée dans le sens d'une plus grande responsabilisation des pêcheurs dans la gestion de leur activité et du patrimoine piscicole.
Les grandes étapes, passées et à venir, de la directive
- avril 2004 : loi de transposition de la directive dans le droit national
- décembre 2004 : définition de l'état des lieux des bassins
- décembre 2006 : mise en place de réseaux de surveillance de la qualité des eaux
- décembre 2010 : définition des objectifs et justification des dérogations (mise à jour du SDAGE) ; définition du premier programme d'action)
- janvier 2014 : délai ultime pour procéder à la première refonte des classements, date à laquelle les classements actuels deviendront automatiquement caduques
- décembre 2015 : point sur l'atteinte des objectifs ; nouvelle mise à jour du SDAGE ; deuxième programme d'actions
- décembre 2021 : point sur l'atteinte des objectifs ; nouvelle mise à jour du SDAGE ; troisième programme d'actions… Démarche reprise tous les six ans.
Synthèse : Anne Rivière-Honegger, chargée de recherche, université de Lyon, UMR / CNRS 5600 Environnement Ville et Société,
pour Géoconfluences le 30 juin 2009.
Pour citer cet article :
Anne Rivière-Honegger, « Politiques de l'eau en Europe et en France : jalons et repères », Géoconfluences, juin 2009.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/DevDur/popup/Honegger1.htm