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Le développement durable, approches géographiques

La "gestion durable des ressources en eau" dans le bassin du Rhône, de la théorie à la pratique

Publié le 10/05/2011
Auteur(s) : Florence Richard-Schott - université d'Aix-Marseille
Compléments par :
Anne Rivière-Honegger, directrice de recherche CNRS - École Normale Supérieure de Lyon
Sylviane Tabarly, professeure agrégée de géographie, responsable éditoriale de Géoconfluences de 2002 à 2012 - Dgesco et École normale supérieure de Lyon

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1. Des principes fédérateurs

2. Des objectifs ambitieux

3. Des actions difficiles à mettre en œuvre

Jusqu'au milieu du XXe siècle, l'eau était considérée comme une richesse inépuisable que chaque usager pouvait s'approprier, posséder et exploiter en fonction de ses besoins. Mais dans les années 1950-1960, on assiste en France à un renversement majeur dans la conception de la gestion de l'eau, qui devient à proprement parler une "ressource". Très vite, cette conception est confortée par le succès et la diffusion de la notion de "développement durable", qui repose sur l'articulation et le respect des intérêts économiques, sociaux et environnementaux dans tout projet de développement anthropique.

Dans cette optique, des politiques de "gestion durable des ressources en eau" se mettent en place en France et en Europe. Mais de la théorie à la pratique, le chemin est parfois long et semé d'embûches. Plus que jamais, le géographe peut jouer son rôle d'expert pour permettre une meilleure compréhension des implications spatiales des politiques de gestion durable des ressources en eau.

À l'échelle d'un grand bassin versant comme celui du Rhône, il est nécessaire de distinguer trois idées. D'abord, les grands principes de gestion des ressources en eau apparaissent comme particulièrement fédérateurs. Puis l'application de ces principes demande qu'ils soient traduits en d'ambitieux objectifs concrets de gestion. Enfin la mise en application de ces politiques pose des problèmes auxquels le géographe peut apporter des éléments de réponse.

 

Des principes fédérateurs

La formulation des grands principes de gestion des ressources en eau remonte en France à la période des années 1960-1990. Comme le souligne Jean-Paul Bravard, un nouveau paradigme émerge durant cette période : l'environnement n'est plus perçu de façon fragmentaire en fonction des différentes utilisations que l'homme désire en faire, mais comme un objet réunifié dont toutes les composantes spatiales ont leur importance et doivent être prises en compte (Bravard, 2000, pp. 7 et 11).

Le point de vue de la loi : l'eau, une ressource à préserver dans sa globalité

Dans les textes juridiques majeurs sur l'eau, un renversement fondamental a lieu dans les années 1960-1990. Deux idées s'affirment : celle de l'unité des ressources en eau et celle d'une vision patrimoniale des ressources en eau. Désormais, l'eau n'est plus considérée comme une "richesse naturelle" que l'homme peut exploiter à sa guise (Richard-Schott, 2007).

La première idée est affirmée dans la première Loi de 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre les pollutions, qui entend lutter contre "la dégradation des eaux (…) qu'il s'agisse d'eaux superficielles, souterraines, ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales" (Loi n° 64-1245, art. 1).  Cette idée de l'unité des ressources en eau est fondamentale car le législateur engage la responsabilité de la totalité des usagers. Avant, l'amont ne se souciait pas toujours de l'aval, l'agriculteur qui utilisait des pesticides ou des engrais ne se souciait pas forcément de l'impact de ses pratiques sur la qualité des eaux que d'autres pouvaient utiliser… Le législateur impose à présent une vision globale des ressources en eau. Elle implique que chaque action humaine prise individuellement ait des conséquences générales dont il faut tenir compte, et "la gestion par filière [montrant] une division des tâches, une pratique analytique de type cartésien où l'ensemble du problème est découpé et isolé" tombe progressivement en désuétude (Ghiotti, 2007, p. 50).

La deuxième idée fondamentale est l'affirmation de la vision patrimoniale des ressources en eau, qui supplante une conception utilitaire reposant sur l'appropriation des richesses hydriques. L'opinion publique est de plus en plus sensibilisée à la vulnérabilité des ressources en eau, au travers de grandes sécheresses ou de pollutions importantes. La diffusion des principes du développement durable à partir des années 1980 explique en grande partie ces changements de perception. Dans la Loi sur l'eau du 3 janvier 1992, "l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation". Elle est considérée comme un bien commun, et "sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général" (Loi sur l'eau, 1992, art. 1er).

Le point de vue du géographe : le problème de l'eau

Bien que ces principes fassent l'objet d'un consensus dans la communauté des gestionnaires et des politiques, ils sont bien trop généraux pour le scientifique qui cherche à comprendre les interactions entre les milieux naturels et les utilisations que les hommes en font.

Le problème de l'eau mérite donc d'être posée et décortiquée de façon méthodique. Elle se pose de deux manières au géographe :

  • tout d'abord, comment appréhender les interactions entre les ressources en eau et les sociétés humaines ?
  • ensuite, comment tenir compte des spécificités spatiales des ressources en eau ?

     

Pour répondre à la première question, les spécialistes de l'eau ont choisi de mettre en avant une notion qui permet de réunir l'ensemble des paramètres qui composent le problème général de l'eau : celle des pressions exercées sur les ressources en eau par les sociétés humaines, développée par Jean Margat dans les années 1990 (Margat, 1998 et 2003). La notion connaît rapidement un grand succès auprès des organismes de gestion, bien qu'elle soit souvent mal comprise ou mal employée. Elle est en effet très complexe et elle demande un effort important de modélisation.

Les pressions sur les ressources en eau sont fonction de deux paramètres [2] (document ci-contre) :

  • une offre, les quantités d'eau exploitables, qui sont limitées à la fois par des facteurs naturels et par des facteurs anthropiques,
  • et une demande, les quantités d'eau exploitées, qui sont notamment fonction du type d'usage.

     

Rappelons que l'expression "ressources naturelles" est dangereuse et doit être bannie de notre vocabulaire, ou tout du moins utilisée avec précaution lorsqu'elle est utilisée pour l'eau (Margat, 2003). Elle sous-entend en effet que l'homme aurait à sa disposition toute l'eau qui est présente dans la nature (l'hydrosphère) et que sa maitrise sur les milieux hydriques serait naturelle, c'est-à-dire évidente, automatique. Or le schéma montre bien que cette idée est fausse. Elle est même dangereuse car elle place l'homme en maître absolu de son environnement.

D'un point de vue quantitatif, la mise en balance de l'offre et de la demande permet de caractériser des situations de "surexploitation" ou d'"abondance" des ressources en eau, et d'un point de vue qualitatif, des situations où l'eau est de "bonne qualité" ou de "mauvaise qualité".

Pour répondre à la deuxième question, les géographes posent la nécessité de l'inscription territoriale du problème de l'eau. Il serait en effet inutile voire impossible et même absurde de chercher à étudier les ressources en eau sans se référer à un territoire bien précis et bien délimité. Cette nécessité est encore renforcée par le fait que, bien souvent, l'objectif des chercheurs est d'élaborer des bilans, que ce soit du point de vue des sciences de la nature (bilans climatiques ou hydrologiques) mais aussi des sciences humaines (bilans des prélèvements en eau).

Outre la dimension spatiale, il est aussi très important de prendre en compte la dimension temporelle, et ce pour deux raisons : d'abord, les disponibilités en eau, qui se rattachent à la notion de cycle de l'eau, peuvent varier énormément selon les périodes envisagées ; ensuite, la mise en valeur des ressources en eau évolue dans le temps, essentiellement en fonction des performances techniques et des besoins des usagers.

Dans ce contexte, le territoire le plus adapté à une étude des ressources en eau est celui du bassin versant, c'est-à-dire un espace délimité et drainé par un cours d'eau et ses affluents dont il constitue ce que l'on appelle l'aire d'alimentation. Cette notion de "bassin versant" est particulièrement intéressante car elle permet d'inscrire dans l'espace la notion plus complexe d'"hydrosystème" qui a une forte dimension fédératrice. Le bassin versant, en tant qu'espace occupé, géré et administré par l'homme, prend alors toute sa valeur, et devient l'unité spatiale privilégiée des études géographiques de l'eau (par exemple, Blanchon, 2009 et 2010). Ainsi, le bassin du Rhône s'étend du sud des Vosges à la Camargue, du Massif Central au Jura et aux Alpes, et recouvre 92 303 km², près de 17% du territoire métropolitain (document ci-contre).

Pour conclure cette première partie, retenons que ces grands principes fédérateurs ont conduit l'ensemble de la communauté des scientifiques et des gestionnaires à promouvoir ce que l'on appelle la "gestion intégrée des ressources en eau". L'utilisation et la gestion de l'eau ne doivent plus se faire à de grandes échelles fragmentées et juxtaposées mais bien en tenant compte de toutes les interactions qui se produisent entre les ressources en eau et leurs usagers à l'échelle de territoires bien délimités dans le temps et dans l'espace. La notion de "gestion intégrée" s'impose "étant donné le nombre d'interférences qui existent entre les divers usages de la ressource" (Bethemont, 1992, p. 257).

 

Cette carte a été réalisée en superposant au fond GoogleMap des limites de bassins versants dessinées à partir de la BD-Carthage de l'IGN pour la partie française et à partir de la carte de présentation du bassin reproduite dans Le Rhône en 100 questions pour la partie suisse (Bravard et Clemens, dir. 2008).

 

Des objectifs ambitieux

Les grands principes qui viennent d'être évoqués conditionnent les objectifs des politiques de gestion durable des ressources en eau en France. Concrètement, deux objectifs majeurs se distinguent, qui apparaissent comme particulièrement ambitieux.

Réussir la "gestion concertée des ressources en eau par bassin versant"

Le premier objectif est de réussir une gestion concertée des ressources en eau par bassin versant. Pour l'atteindre, les Lois sur l'eau de 1964 et 1992 créent les Agences de l'eau (document ci-dessous à gauche).

Ces Agences sont des établissements publics du ministère chargé du développement durable qui ont pour mission la gestion déconcentrée des ressources en eau. Elles sont dirigées par un préfet coordonnateur de bassin et doivent mettre en pratique les grands principes du développement durable :

  • du point de vue environnemental, les ressources en eau et les milieux aquatiques doivent être protégés,
  • du point de vue économique, il s'agit d'encadrer et de favoriser le développement des activités économiques reposant sur l'utilisation de l'eau,
  • du point de vue social, il faut favoriser la concertation entre tous les usagers et arriver à les impliquer dans des actions concrètes.

     

Les territoires de gestion de l'eau

Pour remplir ces missions, chaque Agence de l'eau dispose de moyens considérables, grâce notamment à la levée d'un impôt sur l'eau appelé les "redevances". Ces redevances sont fixées annuellement pour tous les utilisateurs de l'eau en fonction des quantités prélevées et des impacts de chaque usage sur les ressources en eau. Dans le cas du 9ème Programme d'intervention de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse (2007-2012), le montant global des redevances perçu par l'Agence s'élève en moyenne à 323 millions d'euros par an (www.eaurmc.fr).

Dans cette optique, chaque Agence de l'eau doit construire l'unité et la cohérence de son territoire de référence, qui s'appuie sur les principaux bassins versants métropolitains [3]. Pour des raisons pratiques, les circonscriptions territoriales de chaque Agence ne correspondent pas exactement à des limites hydrographiques, mais elles s'en approchent le plus possible. Ainsi, le bassin versant du Rhône à proprement parler ne coïncide pas parfaitement avec le "bassin de gestion" de l'Agence de l'eau, qui s'inscrit en fait dans le cadre d'un "district hydrographique" plus vaste souvent appelé à tort le "bassin versant Rhône-Méditerranée" (document ci-dessus à droite).

Dans ce cadre, l'outil fondateur de la gestion de l'eau est le Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) qui permet de planifier et de réguler les actions entreprises à l'échelle du bassin.

Atteindre le "bon état des milieux aquatiques" en 2015 : une obligation juridique

Outre leur premier objectif général, celui de réussir une gestion concertée par bassin versant, ou plutôt par bassin de gestion, les Agences de l'eau ont pour objectif particulier d'atteindre le bon état des milieux aquatiques à l'horizon de l'année 2015. Cet impératif est fixé à l'échelle communautaire par la Directive Cadre Européenne sur l'eau (DCE) de 2000 puis transposé au droit français et repris par la dernière Loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006. Il conditionne les nombreuses actions engagées par les Agences de l'eau.

Complément : Politiques de l'eau en Europe et en France, jalons et repères

  • La loi sur l'eau de 1992 en France : principes (extraits) et outils.
  • Les Schémas directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).
  • Les Schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE).
  • La Directive-cadre européenne sur l'eau (DCE, 23 octobre 2000) : principes et mise en place ; étapes.
  • La loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA n°2006-1772 du 30 décembre 2006).

     

Autres mots clefs : Commission locale de l'eau (CLE) / Comité de bassin / Agence de l'eau / Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA)

Un complément réalisé par Anne Honegger, directrice de recherche, université de Lyon, UMR / CNRS 5600 Environnement Ville et Société.

État d'avancement des SAGE du bassin Rhône-Méditerranée, 11 mars 2011

Source du document ci-contre : Gest'eau, site des outils de gestion intégrée de l'eau, www.gesteau.eaufrance.fr
Document en .pdf

www.gesteau.eaufrance.fr/.../FR000006

 

L'atteinte du bon état des milieux aquatiques passe par trois phases distinctes, qui sont faites de réunions, de consultations, de délibérations, de validations intermédiaires (www.developpement-durable.gouv.fr)…

  1. Première étape, les Agences doivent parvenir à une meilleure connaissance des ressources en eau et des milieux aquatiques ainsi que des différentes pressions qu'ils peuvent subir (mise en place de réseaux de mesure, élaboration de diagnostics…). Dans le cas du district Rhône-Méditerranée, cette étape a duré 5 ans entre 2000 et 2005 et elle s'est conclue par une consultation publique qui a validé l'état des lieux.
  2. Deuxième étape, selon les cas et l'état des eaux (très bon, bon, moyen, médiocre, mauvais) les Agences formulent des propositions pour maintenir ou améliorer cet état. Dans le cas du district Rhône-Méditerranée, cette étape a également duré 5 ans. L'Agence est assez optimiste puisque, d'ici 2015, 66% des eaux superficielles et 82% des eaux souterraines devraient avoir atteint le bon état écologique (Agence de l'eau RM, 2009).
  3. Troisième étape, les Agences sont désormais chargées de tout mettre en œuvre pour atteindre le meilleur état possible d'ici le 22 décembre 2015. Cette date paraît remarquablement précise étant donné l'ampleur de la tâche… Les délais sont serrés et la législation prévoit déjà d'octroyer des dérogations. Il faut cependant que les motivations soient sérieuses : une durée trop longue des chantiers, des conditions naturelles particulièrement difficiles ou un coût exagéré des travaux à réaliser peuvent autoriser un report de l'échéance en 2021 ou, au plus tard, en 2027. Cette question des dérogations est particulièrement épineuse pour les gestionnaires : ils devront arbitrer entre des intérêts politiques, économiques, environnementaux ou sociaux qui, on peut le supposer, seront probablement opposés…

     

Pour conclure cette deuxième partie, retenons que les objectifs des politiques de gestion sont en bonne adéquation avec le principe d'une gestion durable des ressources en eau, à savoir une gestion intégrée et concertée par bassin versant, ou plutôt par bassin de gestion. Mais lorsqu'il s'agit de passer à la pratique, ces objectifs particulièrement ambitieux se heurtent à de nombreuses difficultés.

Annexe : La pollution par les polychloro biphényls (PCB) en débat, responsabilités et compétences

Le bassin rhôdanien est particulièrement touché par la pollution aux PCB

Fortement urbanisé et industrialisé, zone de passage très fréquenté, propice à l'agriculture intensive, le bassin du Rhône subit une forte pression polluante. Les efforts réalisés pour diminuer les rejets classiques ont été très importants mais ce sont désormais les toxiques stockés dans les sédiments du fleuve et de certains de ses affluents, principalement les PCB, qui attirent l'attention.

Ils se sont accumulé en grande quantité au fil du temps et sont remobilisés dans les matières en suspension contaminant ainsi la chaîne alimentaire. Dans l'urgence, sous la pression, un programme d'actions pollution PCB a été mis en œuvre pour la période 2008-2010.

En pop-up : Le Rhône et les PCB, une pollution au long cours, à partir d'extraits d'un rapport d'information déposé à l'Assemblée nationale (juin 2008)

 

www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i0998.asp

 

Une prise de conscience tardive mais des mesures efficaces : l'exemple des rejets de PCB dans le Rhône de l'établissement Trédi (Ain)

Une carte des sites pollués aux PCB en France selon l'association Robin des bois

La pollution du Rhône par les PCB : schéma simplifié des autorités compétentes

Légende [4]

Des ressources en ligne sur les pollutions aux PCB : voir infra, bas de page

Réalisation de l'encadré : Sylviane Tabarly

 

Des actions difficiles à mettre en œuvre

La gestion des ressources en eau n'est pas chose facile, du fait de l'extrême diversité des situations locales. Plutôt que de présenter de manière exhaustive les actions engagées concrètement à l'échelle de tout le bassin du Rhône, ce qui serait très long et fastidieux, revenons sur les deux difficultés rencontrées pour mettre en œuvre les programmes de gestion et sur leurs implications géographiques.

Une difficulté majeure : la multiplication des acteurs

La première difficulté de la mise en œuvre des principes de gestion durable des ressources en eau est la multiplication des acteurs. Certes, les Agences de l'eau sont les acteurs principaux, mais il en existe beaucoup d'autres. Leur nombre et leurs rôles varient énormément d'un usage de l'eau (production d'eau potable, usages industriels, production d'énergie, agriculture irriguée, navigation, pêche, loisirs…) à l'autre, d'un territoire à l'autre. Pour la seule irrigation par exemple, quatre types d'acteurs peuvent être dénombrés à l'échelle du bassin du Rhône (Richard-Schott, 2010) :

  • les acteurs agricoles à proprement parler (l'agriculteur, les Associations syndicales autorisées (ASA) ou les Associations syndicales constituées d'office (ASCO) [5] et les Chambres d'agriculture,
  • les collectivités territoriales (les communes et les départements),
  • les grandes Sociétés d'aménagement régional (la Compagnie nationale du Rhône (CNR), la Compagnie du Bas-Rhône Languedoc (CBRL) et la Société de Provence,
  • l'Agence de l'eau et ses organes internes.

La gestion de l'irrigation et ses acteurs : l'exemple des Associations syndicales autorisées (ASA)

De l'irrigation à la gestion intégrée de l'eau

Conception, réalisation : Florence Richard-Schott, 2011

Schéma directeur départemental d'irrigation (SDDI) et ASA en Isère : pour une sécurisation des productions agricoles

Le département de l'Isère, plutôt bien doté avec ces châteaux d'eau naturels que sont les montagnes, n'en est pas pour autant à l'abri d'une raréfaction de la ressource qui pourrait  affecter l'économie (l'industrie utilise 60% de l'eau, l'agriculture entre 13 et 15%) et la consommation d'eau potable. Le recul quasi généralisé des glaciers, l'enneigement désormais irrégulier, la hausse  significative des températures, sont autant d'indicateurs (…) qui annoncent des changements à venir dans la répartition des ressources en eau du massif alpin.

Les années 2003 [à] 2006 ont montré que les périodes de canicule pouvaient avoir des conséquences non négligeables dans certains secteurs du département et générer des conflits d'usages. Ces aléas climatiques persistants ont conduit le Département (...) à engager en 2005 un Schéma directeur départemental d'irrigation (SDDI).

Ce document qui fait le constat des besoins et des ressources, met en avant les secteurs en déséquilibre et propose des solutions pour le court, moyen et long terme (horizon 2020), dans une logique de protection de la ressource. Le SDDI a donc vocation à sécuriser les productions agricoles en période de sécheresse en tenant  compte de quatre objectifs :  la gestion raisonnée de l'eau ;  la priorité aux besoins en eau potable ;  un débit minimal des cours d'eau pour protéger la faune et la flore ; la préservation de la qualité de l'eau grâce à des pratiques agricoles respectueuses de la nature.

Une enquête datant de 2007 du CG38 sur la récupération des coûts de l'eau en Isère fait état d‘un volume de 56 millions de m³ utilisés pour l'irrigation en Isère, soit 13% des prélèvements en eau du département. Le coût de l'irrigation est d'environ 300€/ha pour l'irrigation collective en ASA soit 0,14€/m³ d'eau, avec des frais financiers représentant 2/3 du prix environ. L'étude chiffre les différents types d'irrigation. L'irrigation en réseaux gravitaires est la moins chère. Mais elle ne concerne que 285 ha (sur environ 23 000 ha irrigués).

(…) L'irrigation permet non seulement de se prémunir en partie des aléas climatiques mais d'avoir des rendements plus élevés, plus stables et des produits de qualité plus homogène.

L'irrigation en territoire AOC Noix de Grenoble [semble] un exemple à suivre. (…) "C'est après la sécheresse de 2003 que l'on a commencé à discuter sérieusement d'un réseau d'irrigation", relate Jean Bith [président de l'ASA]. .../

/... Les collectivités locales et territoriales ont suivi (Région, CG38, Communauté de communes de la Bourne Isère), l'ASA a vu le jour en novembre 2007, les travaux se sont achevés en avril 2009. Un dossier qui n'a pas suscité de conflits majeurs (un quart des propriétaires n'ont pas adhéré au projet) et qui a été mené dans une démarche de développement durable. "Avant, poursuit Jean Bith, on prélevait la ressource dans les petits ruisseaux. Maintenant, c'est dans l'Isère". (...)

60% des surfaces irriguées [en Isère] concernent le maïs (…), les  besoins effectifs en eau pour une culture de maïs s'élèvent à  1 700 m³/ha en année moyenne et à 2 600 m³/ha en année quinquennale sèche ; les  besoins effectifs en eau pour une culture de vergers s'élèvent à 2 000 m³/ha en année moyenne et à  2 900 m³/ha en année quinquennale sèche.

Le réseau d'irrigation collective de l'ASA dessert 136 ha sur Izeron, 73 ha sur Saint-Pierre-de-Chérennes et 29 ha sur Cognin-les-Gorges. (…). Le directeur départemental de l'Agriculture et de la Forêt,  M.Lestoille, a souligné l'exemplarité de cette démarche, non seulement parce qu'elle est collective mais aussi parce qu'elle a contribué à la préservation du foncier agricole en créant une Zone agricole prioritaire (ZAP).

Les études de 2000 ont révélé que 15 sous-bassins versants étaient jugés sensibles et faisaient l'objet de préconisations particulières. Pour ces petits cours d'eau, il était nécessaire de mettre en place une surveillance accrue, de développer le pilotage de l'irrigation et de définir des calendriers de pompage permettant d'échelonner les prélèvements dans le temps et dans l'espace. Ces actions permettraient de réduire la pression de prélèvement instantanée.

Source (extraits remaniés) : Sillon 38, le journal du monde rural en Isère, le 30 juin 2009, www.sillon38.com/blog/category/eau/page/5

L'exemple de l'ASA du canal Saint-Julien (plaine de Cavaillon) : les travaux et les jours, des exemples

Source : ASA su canal Saint-Julien

Documents issus du site intéressant, documenté de l'ASA du canal Saint-Julien :

Réalisation de l'encadré : Sylviane Tabarly

Concrètement, il est donc difficile de coordonner les actions de gestion des ressources en eau. Pour y parvenir et pour concilier les intérêts de chaque usager avec la préservation qualitative et quantitative de l'eau, il est nécessaire de se placer à des échelles d'action appropriées aux enjeux de chaque territoire. Se pose alors un défi d'importance, celui d'articuler les échelles d'action entre elles.

Un défi : l'articulation des échelles d'action

La deuxième difficulté de la mise en œuvre des objectifs d'une gestion durable des ressources en eau est l'articulation des échelles d'action.

La plus petite échelle, celle du district Rhône-Méditerranée, a déjà été évoquée. Elle permet la planification et la prise de décision. Bien évidemment, cette unité globale est trop vaste pour être véritablement opératoire. L'Agence de l'eau a donc élaboré un découpage emboîté de l'espace adapté à ses objectifs de gestion et il existe trois principaux échelons d'action dans le cadre du SDAGE de chaque Agence.

1) Les "masses d'eau"

D'abord, la plus petite unité de gestion de l'Agence de l'eau s'appelle une "masse d'eau". C'est une portion de cours d'eau, d'aquifère ou de plan d'eau à l'échelle de laquelle l'Agence évalue le bon état des milieux aquatiques. Les masses d'eau sont donc les unités fondamentales de la gestion des ressources en eau en France.

Dans le cas du bassin versant de l'Ardèche, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée a retenu dix "masses d'eau cours d'eau" et deux "masses d'eau plans d'eau" en 2003 (document ci-dessous à gauche).

Cependant, malgré l'importance de la notion de bon état dans les programmes de gestion, les "masses d'eau" sont à la fois trop petites et trop fractionnées dans l'espace pour être des unités de gestion satisfaisantes. Il a donc fallu trouver des unités de gestion plus opérationnelles, de dimensions intermédiaires entre les unités élémentaires (les masses d'eau) et l'unité globale des bassins de gestion.

Les "masses d'eau" du bassin de l'Ardèche et les SDAGE - DCE

2) Les "territoires SDAGE-DCE"

Il existe ensuite un deuxième type d'unité spatiale propre à la gestion de l'eau, les "territoires SDAGE DCE". Dans le cas du bassin du Rhône, dix-sept unités régionales ont été créées par l'Agence (document ci-dessus à droite). Pour l'instant, elles ne sont pas à proprement parler des unités de prise de décision mais elles servent d'unités de restitution des informations recueillies à des échelles plus grandes. Ces "unités SDAGE" ne suffisent pas à assurer une bonne gestion des ressources en eau, car elles sont encore trop générales. En fait, ce sont des unités plus petites qui permettent d'assurer le relais entre les grands principes du SDAGE et la diversité des contraintes locales.

3) Les périmètres des "SAGE"

Ce troisième et dernier type d'unité est le plus opératoire. Ce sont les "périmètres SAGE", dans lesquels se développent les Schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Un SAGE peut s'inscrire à l'intérieur d'un petit bassin versant, d'un regroupement de petits bassins versants ou d'un système aquifère. Ces unités constituent la véritable échelle d'action des gestionnaires, car leur taille intermédiaire permet une bonne adaptation aux particularités de chaque territoire ainsi que la meilleure concertation possible entre tous les acteurs.

En janvier 2009, dix-sept périmètres SAGE se répartissent à l'échelle du bassin du Rhône, dont neuf sont effectivement approuvés et mis en œuvre. La carte (document ci-dessous à droite) montre bien que ces unités, bien que très opératoires, ne sont pas uniformes dans l'espace. Elles ne peuvent en fait pour l'instant cibler que les territoires les plus prioritaires. À l'échelle du district Rhône-Méditerranée, on dénombre 38 SAGE (en émergence, en instruction, en élaboration, mis en œuvre ou en première révision) en 2011 (voir l'encadré supra).

Des SAGE aux Établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) : l'exemple du Syndicat mixte Ardèche Claire, un emboîtement d'échelles et de compétences

Les périmètres SAGE du bassin du Rhône en 2009

Histoire d'eau

"Jeudi 4 novembre [2010], Pascal Bonnetain, président du Syndicat mixte Ardèche Claire a annoncé au cours d'une conférence de presse [à Vogüe] les nouvelles compétences de son syndicat (cliché ci-contre). En effet, celui-ci vient d'être reconnu par le préfet de région Jacques Gérault, en tant qu'Établissement public territorial de bassin (EPTB), une reconnaissance après un travail de longue haleine sur tout le territoire. Cela veut dire que non seulement on assure suffisamment de quantité d'eau, mais aussi une eau potable et une qualité reconnue pour la baignade. (...) Le président se félicite de l'enjeu de cette politique de l'eau "qui a toujours été important pour tous les élus pour que l'eau soit partagée" et d'affirmer que "si aujourd'hui, les pouvoirs publics ne mettent pas suffisamment de moyens ce sera difficile pour que les touristes viennent se baigner". Ce label d'EPTB est (...) le deuxième accordé en France pour une rivière. Pour le bassin versant de l'Ardèche qui draine un territoire de 2 430 km², son rôle sera de faciliter l'action des collectivités en jouant le rôle de coordination, d'animation et d'information. "Un certain nombre de compétences que n'ont pas les syndicats" précise Jean Rampon, sous-préfet de l'Ardèche.

Des compétences en terme de prévention d'inondations par exemple. (...) Quant aux ressources en eau, le président du Syndicat des eaux de la Basse Ardèche (SEBA) Jean Pascal rassure "la ressource en eau est bonne" et se réjouit de la prise de conscience des élus qui ont choisi cet outil complémentaire pour préparer l'avenir.

Depuis 2003, le territoire de l'Ardèche est engagé dans la construction d'une politique de l'eau (...) en travaillant à une échelle pertinente, celle du bassin versant. .../

Le Syndicat mixte Ardèche Claire en conférence de presse le 4 - 11 - 2010

Source : L'Hebdo de l'Ardèche

/... Pour accompagner cette démarche, des outils sont mis en place : un Schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), en cours d'élaboration sur l'ensemble du bassin versant et des contrats de rivière dont un est en cours de mise en œuvre sur le sous-bassin de la rivière Ardèche et deux en cours d'élaboration respectivement sur les sous-basins de la Beaume et du Chassezac.

(...) Le Syndicat mixte Ardèche Claire regroupe aujourd'hui plus de 60 communes et bientôt 4 communautés de communes riveraines de la rivière Ardèche. [Le Syndicat mixte] est aussi la structure porteuse du nouveau contrat de rivière "Ardèche et affluents d'amont" et du programme Natura 2000 du site "Moyenne Vallée de l'Ardèche et plateau des Gras".

L'EPTB a pour objet la gestion équilibrée de la ressource en eau et en particulier la prévention des inondations et la préservation et la gestion des zones humides. Dans son périmètre de compétence, son rôle est de faciliter l'action des collectivités en jouant le rôle de coordination, d'animation, d'information et de conseil. Il sera par exemple, l'interlocuteur de l'EDF pour discuter sur les barrages ou pour les inondations, ce sera un outil de prévention actif au moment d'une crise. (...) Le SAGE permet de définir les bases d'une gestion de l'eau à l'échelle d'un territoire pertinent : le bassin versant. Ce territoire concerne les rivières Ardèche, Chassezac et Beaume ainsi que leurs affluents. À cheval sur les communes de l'Ardèche, de la Lozère et du Gard, il couvre 158 communes et a pour ambition la préservation des milieux aquatiques enn équilibre avec les différents usages de l'eau.

Cet outil de reconnaissance est en cours d'élaboration depuis 2003 et met autour de la table tous les acteurs du territoire concernés par l'eau. 2010 a été l'année de la rédaction du contenu précis du SAGE et à ce jour le document en est au stade d'avant projet et devra être validé début 2011. Pascal Bonnetain annonce que des réunions publiques auront lieu pour expliquer le SAGE. (...) Ces réunions sont ouvertes à tous mais elles sont cependant préférentiellement destinées aux élus locaux. Des réunions grand public auront lieu en 2011."

Source (extraits) : L'Hebdo de l'Ardèche, 15 novembre 2010, www.hebdo-ardeche.fr/2010/...

Adaptation : Sylviane Tabarly

Outre ces unités propres à l'Agence de l'eau, chaque usager est susceptible d'intervenir à l'échelle d'unités spatiales qui lui sont propres : un forage pour une industrie ou un agriculteur, un barrage pour une usine hydro-électrique, une portion de cours d'eau ou un plan d'eau pour un pêcheur, une commune ou un groupe de communes pour un syndicat des eaux, un département pour les Chambres d'agriculture, des périmètres équipés spécifiques pour les sociétés d'aménagement régional… L'articulation entre les différentes échelles d'actions est d'autant plus complexe qu'il n'y a pas d'emboîtement parfait des unités d'action et que ces dernières sont susceptibles d'évoluer dans le temps. Pour reprendre le cas de l'irrigation, la multiplication des acteurs entraîne bien une forte interconnexion des échelles d'action, entre unités propres à l'agriculture irriguée, collectivités territoriales et unités de gestion multi-usages (voir l'encadré "La gestion de l'irrigation" supra).

Conclusion : la gestion des ressources en eau, une mission impossible ?

La "gestion durable des ressources en eau" est une notion complexe à définir. Elle doit à la fois intégrer les intérêts des multiples acteurs publics et privés de l'eau, permettre de réaliser des actions concertées à l'échelle de territoires posant l'unité et l'intégrité des ressources en eau, et s'inscrire dans un calendrier rigoureux défini dans des cadres juridiques nationaux et communautaires. Si les principes sont consensuels, les objectifs sont particulièrement ambitieux et les efforts des  gestionnaires pour les mettre en œuvre sont conséquents.

De la théorie à la pratique, mettre en pratique une "gestion durable des ressources en eau" pose de nombreux problèmes. La difficulté majeure semble bien être la difficile interconnexion des échelles d'action, à la fois dans l'espace et dans le temps. Sur ce point, la légitimité du géographe à intervenir est indéniable, que ce soit dans le domaine de l'expertise géographique ou dans celui de l'élaboration de diagnostics territoriaux.

Annexe : Le Grenelle de l'environnement et l'eau

Le Grenelle de l'environnement est, à l'initiative du ministère de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables (MEDAD), un ensemble de rencontres politiques organisées en France depuis octobre 2007. L'objectif est de déterminer le cadre de la stratégie nationale à long terme en matière d'environnement et de développement durable.

Voir (nouvel onglet) : Aspects et impacts territoriaux du Grenelle Environnement. Du Grenelle 1 au Grenelle 2 (novembre 2009)

Deux phases de débat distinctes

La première phase a débuté en octobre 2007. Elle a permis de définir les objectifs environnementaux puis de leur donner un statut  (loi "Grenelle I"). Les députés et les sénateurs ont définitivement adopté le projet de loi le 23 Juillet 2009. Le chapitre 2 de la loi Grenelle I publié le 5 août 2009 réaffirme en écho à la Directive cadre Eau (DCE) la volonté de "Retrouver une bonne qualité écologique de l'eau et assurer son caractère renouvelable dans le milieu et abordable pour le citoyen".

 

La deuxième phase est marquée par la loi "Grenelle II", promulguée le 12 juillet 2010. C'est un texte d'application et de territorialisation du Grenelle environnement. Il décline chantier par chantier, les objectifs entérinés par le premier volet législatif. La loi vise à donner les moyens juridiques et réglementaires permettant d'atteindre les objectifs fixés dans le Grenelle I.  Six chantiers majeurs sont abordés : Bâtiment, Transports, Energie, Biodiversité, Risques-Déchets-Santé et Gouvernance.

Les objectifs majeurs de la partie "Biodiversité" sont de rendre l'agriculture durable, d'enrayer la perte de biodiversité grâce à la trame verte et bleue, de protéger les espèces et les habitats, d'améliorer l'assainissement et de préserver la ressource en eau et protéger la mer et le littoral.

L'ambition du Grenelle de l'environnement en quelques chiffres
  • 2% du territoire sous protection forte d'ici dix ans
  • Création de 3 parcs nationaux
  • Acquisition de 20 000 hectares de zones humides par les collectivités publiques d'ici 2015 via le Conservatoire du littoral et les Agences de l'eau
  • Création de d'ici 2012 de 500 captages prioritaires, menacés par les pollutions diffuses notamment en nitrates et produits phytosanitaires.
Un engagement  phare du Grenelle environnement : la trame verte et bleue

Outil d'aménagement du territoire, la trame verte et bleue (TVB) vise à préserver la biodiversité. Elle tend à reconstituer un réseau écologique cohérent pour permettre aux espèces de circuler, de s'alimenter, de se reproduire etc. L'enjeu est essentiellement écologique même si les dimensions économiques (services écosystémiques rendus) et sociale (création d'emplois) sont présentes.

D'ici fin 2012, chaque Région devra co-élaborer avec l'Etat son Schéma régional de cohérence écologique (SRCE). Les collectivités territoriales devront ensuite intégrer ces Schémas dans leurs documents de planification (Scot, Plu, cartes communales) et dans leurs projets d'aménagement ce qui confère une opposabilité de la TVB aux infrastructures et aux documents d'urbanisme. Plusieurs guides méthodologiques qui seront bientôt repris sous forme de décret d'application et de document cadre précisent la démarche (documents disponibles sur www.developpement-durable.gouv.fr/les-productions-du-comité.html ). Après une phase de concertation, le schéma est soumis à enquête publique. Les mesures de maintien ou de gestion des continuités (réglementaires, contractuelles, financières) sont indiquées dans le SRCE et adaptées aux spécificités des territoires.

En matière de cours d'eau, par exemple, que signifie rétablir la continuité écologique ? Les ouvrages tels que ponts, seuils, barrages, digues sont autant d'obstacles potentiels.  Ils peuvent gêner la fonctionnalité des corridors rivulaires, par exemple, les déplacements de la faune piscicole et/ou le transport des sédiments. Leur maintien ou contournement fait donc l'objet de réflexion. Les solutions adoptées sont diverses. Elles croisent intérêt environnemental et faisabilité technique et économique. L'arasement des ouvrages est envisagé lorsqu'il n'y a plus d'usage à l'ouvrage. L'aménagement de passes à poissons ou le système de piégeage-transport constituent d'autres alternatives. Les oppositions des usagers sont fortes. Ainsi, sur le Rhône, la mise en place de dispositifs de franchissement recueille l'hostilité de nombreux acteurs du fleuve. Cette attitude est à mettre en lien avec les deux objectifs peu compatibles de la DCE : le bon état écologique des cours d'eau et le développement de la production hydroélectrique promu pour diminuer les émissions de gaz à effets de serre et la dépendance énergétique.

D'autres mesures concernant l'eau

En matière de lutte contre la pollution, une réglementation plus stricte visant à réduire la pollution de l'eau et limiter les abus s'exercera. Les mesures concernent notamment l'eau potable, les produits phytosanitaires, les algues vertes, l'assainissement et la préservation de la ressource en eau. Concernant l'eau potable, les moyens de protection des aires d'alimentation des captages d'eau potable seront renforcés. Tout exploitant ou propriétaire devra installer des bandes enherbées larges d'au moins cinq mètres  le long des cours d'eau de plus de dix hectares. Les travaux sur le traitement des eaux urbaines résiduaires devront être achevés. L'objectif est d'atteindre un taux de conformité d'ici à 2011. Il est dorénavant possible d'instituer un service public unifié de l'assainissement collectif et non-collectif et pour les communes de se substituer aux particuliers pour la réalisation des travaux de mise en conformité. Concrètement, l'assainissement non collectif est à présent contrôlé par la commune qui vérifie la conformité et les risques liés aux installations. Le cas échéant, elle « établira un document précisant les travaux à réaliser pour éliminer les dangers pour la santé des personnes et les risques avérés de pollution de l'environnement » selon des modalités précisées par un arrêté ministériel. Pour la mise en conformité des installations, les communes pourront effectuer les travaux prescrits dans le document de contrôle en accord avec le propriétaire qui la remboursera. Sinon le propriétaire a quatre ans pour faire ces travaux.

Des évolutions dans la gouvernance de l'eau

Deux changements sont à signaler. L'un concerne les Commissions locales de l'eau (créées par le Préfet). Si elles sont toujours désignées comme organes d'élaboration, de révision et de suivi des SAGE, la loi Grenelle II rajoute que la mise en œuvre du SAGE est confiée aux Établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). L'autre concerne les Agences de l'eau qui devront dorénavant favoriser la création de nouveaux EPTB (voir encadré supra : l'exemple de l'évolution du Syndicat mixte Ardèche claire). De façon générale, le champ de compétence des Agences de l'eau est élargi par le Grenelle de l'environnement. En matière de surveillance des milieux aquatiques leur rôle d'information est également accru.

Le Grenelle de l'environnement, même s'il traite le domaine de l'eau de manière dissociée, montre une volonté en matière environnementale. Les principes fondamentaux d'une gestion intégrée de l'eau sont réaffirmés. Les actions, énoncées dans le Grenelle II, commencent aujourd'hui sur le terrain.

Glossaire
  • Continuité écologique : Elle désigne le continuum constitué par l'espace, non interrompu qui met en liaison des milieux favorables à un groupe écologique ou une espèce. Appliquée à la Trame verte et bleue, la continuité écologique s'exerce par les différents éléments du maillage d'espaces ou de milieux qui constituent à la fois des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques.
  • Réservoir de biodiversité : « espace où la biodiversité est la plus riche et la mieux représentée. Les conditions indispensables à son maintien et à son fonctionnement sont réunies ». C'est le milieu principal de vie des espèces.

     

    Source : John Thompson, Espaces naturels, n° 34, avril 2001, p. 25
  • Corridor écologique : de manière générale, le corridor désigne toute liaison fonctionnelle entre des écosystèmes ou entre différents habitats d'une espèce (ou d'un groupe d'espèces interdépendantes), permettant sa dispersion et sa migration. Ce sont des espaces favorables aux déplacements d'individus entre réservoirs de biodiversité.
Références et ressources

 

 

Un complément réalisé par Anne Honegger, directrice de recherche, université de Lyon, UMR / CNRS 5600 Environnement Ville et Société.

 

 

 

Notes

[1] Florence Richard-Schott, PRAG à l'Université d'Aix-Marseille - IUFM d'Avignon, IRG, UMR 5600, Lyon

[2] Une proposition de modélisation détaillée du problème de l'eau est disponible dans la thèse de géographie de Florence Richard-Schott (Richard-Schott Florence, 2010, L'irrigation dans le bassin du Rhône - Gestion de l'information géographique sur les ressources en eau et leurs usages, Thèse de doctorat de Géographie sous la direction du Professeur Jean-Paul Bravard, Université Lyon 2, 596 p. + CD-Rom)

[3] En ce qui concerne les départements d'outre-mer, la gestion de l'eau est assurée par des Offices de l'eau rattachés aux départements.

[4] Cette légende tient compte des dernières restructurations de l'administration française. Les autorités compétentes et leur organisation ont été largement concernées par la Révision générale des politiques publiques (RGPP) qui a pris effet en mars 2009 et par la réforme de l'administration territoriale de l'État qui en est issue : www.euroinstitut.org/.../Note-Euro-Institut-reforme-administration-territoriale.pdf

[5] Une Association syndicale de propriétaires (ASP) est une personne morale qui, sur un périmètre déterminé, regroupe des propriétés voisines pour la réalisation d'aménagements spécifiques d'intérêt général ou pour leur entretien. En France, 85% des associations syndicales concernent l'agriculture, plus particulièrement l'irrigation, la forêt, l'aménagement foncier, le pastoralisme, les marais, le drainage, l'aménagement des cours d'eau, la viticulture…

Les missions de ces associations, qui disposent de prérogatives de puissance publique, sont régies par l'ordonnance du 1er juillet 2004 sur les ASP et par son décret d'application du 3 mai 2006. Ces missions sont regroupées en quatre grands thèmes : préservation contre les risques naturels ou sanitaires, les pollutions ou les nuisances ; préservation, restauration, exploitation de ressources naturelles ;  aménagement et entretien des cours d'eau, lacs ou plans d'eau, voies et réseaux divers ;  mise en valeur des propriétés. Les ASP qui gèrent des systèmes d'irrigation peuvent tout à fait se retrouver dans chacun de ces thèmes.

Trois formes d'ASP sont distinguées : les Associations syndicales libres (ASL), les Associations syndicales autorisées (ASA) et les Associations syndicales constituées d'office (ASCO). La constitution d'ASA peut nécessiter d'inclure dans leur périmètre des propriétaires qui ne souhaitent pas en faire partie. Les ASCO, comme leur nom l'indique, sont des ASA dont la constitution a été imposée par l'autorité administrative (le préfet) qui estime que leur existence est indispensable à la réalisation de l'intérêt général et elles peuvent se convertir en ASA ultérieurement.

Les droits et les obligations des ASA ou des ASCO sont liés aux propriétés et non aux personnes : la vente d'un terrain ne soustrait pas celui-ci au périmètre de l'association et le nouveau propriétaire devient membre de l'association.

 

 

Bibliographie

  • Agence de l'eau RM - Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux 2010 - 2015, Vers le bon état des milieux aquatiques, Comité de bassin Rhône-Méditerranée, 312 p., 2009
  • Béthemont Jacques - De l'eau et des hommes, Essai géographique sur l'utilisation des eaux continentales, Bordas, Paris, 280 p., 1977
  • Béthemont Jacques - "Les grands bassins fluviaux et le concept environnemental", Revue de Géographie de Lyon, vol. 67, n° 4, pp. 257-260, 1992
  • Béthemont Jacques - Le Thème de l'eau dans la vallée du Rhône : essai sur la genèse d'un espace hydraulique, Impr. Le feuillet blanc, Saint-Étienne, 642 p., 1972
  • Blanchon David - Atlas mondial de l'eau : De l'eau pour tous ?, Collection Atlas - Monde, Éditions Autrement, Paris, illustrations Aurélie Boissière, 79 p., 2009
  • Blanchon David - L'eau, une ressource menacée ?, dossier n° 8078 de la Documentation photographique, La Documentation française, 65 pages, 2010
  • Bravard Jean-Paul dir. - Les régions françaises face aux extrêmes hydrologiques. Gestion des excès et de la pénurie, SEDES, Paris, 287 p., 2000
  • Bravard Jean-Paul et Clémens Anne dir. - Le Rhône en 100 questions, ZABR, GRAIE, Lyon, 295 p., 2008
  • Ghiotti Stéphane - Les territoires de l'eau, Gestion et développement en France, CNRS Éditions, Paris, 246 p., 2007
  • Hellier Emmanuelle, Carré Catherine, Dupont Nadia, Laurent François et Vaucelle Sandrine - La France : la ressource en eau. Usages, gestions et enjeux territoriaux, Armand Colin, Paris, 320 p., 2009
  • Lasserre Frédéric et Descroix Luc - Eaux et territoires: tensions, coopérations et géopolitique de l'eau, 2ème édition, Presses de l'Université du Québec, 496 p., 2011
  • Margat Jean - Les ressources en eau : conception, évaluation, cartographie, comptabilité, Éd. BRGM, Orléans, 146 p., 1996
  • Margat Jean - "Ressources en eau et utilisations dans le monde : idées reçues et réalités", Communication orale, www.fig-st-die.education.fr , FIG, Saint-Dié-des-Vosges, 2003
  • Mutin Georges - De l'eau pour tous ?, La Documentation photographique, n° 8014, Paris, 64 p., 2000
  • Richard-Schott Florence - "La ressource en eau, richesse ou patrimoine dans les politiques de développement durable ?", in L'environnement au regard des sciences sociales, les sciences sociales à l'épreuve de l'environnement, Série "Responsabilité et Environnement", Annales des Mines, n° 48, octobre 2007, pp. 100-107, 2007
  • Rivière-Honegger Anne - "Les géographes et l'eau", Géocarrefour, Vol. 85/3, 2010, [En ligne], mis en ligne le 15 mars 2011. URL : http://geocarrefour.revues.org/index7931.html
     

Textes officiels, disponibles en texte intégral sur www.legifrance.fr

  • Directive n° 000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, Journal officiel du 22/12/2000, n° L 327, pp. 0001-0073
  • Code de l'environnement, Partie législative, version du 28 février 2009, www.legifrance.fr, 636 p.
  • Loi n° 64-1245 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre les pollutions, JORF du 18 décembre 1964, pp. 11258-11266
  • Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, JORF du 4 janvier 1992, 13 p.
  • Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, JORF du 31 décembre 2006, 53 p.

     

 

 

Quelques ressources webographiques

 

 

Les PCB dans le bassin du Rhône et ailleurs :

Expertises, recherche

 

Du point de vue des médias, différents articles de la presse écrite, disponibles en ligne

 

Du côté d'associations, par exemple :

 

Florence Richard-Schott,
université d’Aix-Marseille, IUFM d’Avignon, IRG, UMR 5600, Lyon.

Compléments : Anne Honegger (université de Lyon, UMR / CNRS 5600 EVS)
et Sylviane Tabarly (Dgesco / ENS de Lyon),

pour Géoconfluences le 10 mai 2011

 

 

Mise à jour :   10-05-2011

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Pour citer cet article :  

Florence Richard-Schott, Compléments par :, Anne Rivière-Honegger et Sylviane Tabarly, « La "gestion durable des ressources en eau" dans le bassin du Rhône, de la théorie à la pratique », Géoconfluences, mai 2011.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/DevDur/DevdurScient11.htm