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Risques et sociétés

Archive. De la prévision à la prévention, la gestion mondiale des risques

Publié le 13/05/2005
Auteur(s) : Sylviane Tabarly, professeure agrégée de géographie, responsable éditoriale de Géoconfluences de 2002 à 2012 - Dgesco et École normale supérieure de Lyon
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NB. Le contenu de cet article donne des informations disponibles au moment de sa publication en 2005.

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La prévision, l'information, la prévention de certains aléas doivent être traités à l'échelle mondiale, par des systèmes multilatéraux et/ou onusiens. Les phénomènes naturels dont ils dépendent se déploient à petite échelle : c'est le cas des tsunamis, des cyclones par exemple. Et les risques de nature géopolitique ne peuvent aussi trouver de réponses qu'à travers des dispositifs adoptés par la communauté internationale la plus large.

Les systèmes d'alerte aux tsunamis

S'il est impossible aujourd'hui de prévoir le lieu et la date d'un séisme, en revanche, des systèmes d'alerte efficaces ont été mis au point.

Seward, Alaska : la signalisation prévoit les procédures d'évacuation des populations par la route en cas d'alerte au tsunami

Les sismologues s'inscrivent plutôt dans la prédiction que dans la prévision. Dans l'état actuel des connaissances, ils ne peuvent faire, sauf rare exception, que des prédictions à long ou, éventuellement, moyen terme. Celles-ci sont basées sur une série de données : carte des failles correspondant aux frontières entre les plaques tectoniques du globe ; historique minutieux des tremblements de terre antérieurs car on suppose que, à pression tectonique plus ou moins constante, les ruptures sont cycliques donc, en cas de "lacune sismique", la probabilité d'un prochain séisme s'accroît. Enfin, on dispose de nouveaux moyens technologiques de surveillance géophysique, que ce soit via les stations sismographiques de plus en plus nombreuses, les sondes, les images satellites et les GPS mesurant les mouvements centimétriques sur les bords des failles.

Le système d'alerte et de prévention des tsunamis pour l'océan Pacifique

En Californie, il existe des réseaux de sismographes reliés par voie hertzienne à des ordinateurs qui calculent automatiquement et en temps réel la position du séisme et sa magnitude. Si elle dépasse un certain seuil, l'alerte est donnée. Les ondes de cisaillement, les plus destructrices, se propagent à des vitesses de l'ordre de 3 km/s et les raz de marée progressent à des vitesses de l'ordre de 400 km/h. Si l'alerte est donnée à temps, elle peut permettre de sauver de nombreuses vies. Un système similaire existe au Japon où les populations côtières ont été formées à réagir correctement aux signaux des sirènes d'alarme automatique. Outre son système d'alerte, le Japon a renforcé la défense de ses côtes : 39% des 35 840 kms de son littoral sont sécurisés par des aménagements spéciaux dont 52% par des digues.

Basé, en 1949, à Ewa Beach aux îles Hawaï, le Centre d'alerte aux tsunamis du Pacifique (Pacific Tsunami Warning Center / PTWC) transmet les alertes aux tsunamis à destination de la plupart des pays de l'océan Pacifique. L'Alaska et la côte ouest des États-Unis sont alertées par le West Coast / Alaska Tsunami Warning Center (WC/ATWC) à Palmer en Alaska.www.prh.noaa.gov/ptwc

Le PMEL Tsunami Research Program qui a pour objectif de réduire les effets de l'aléa tsunami pour Hawaï, les États de Californie, de l'Oregon, de Washington et de l'Alaska, gère le système Deep-ocean Assessment and Reporting of Tsunamis (DART) :www.pmel.noaa.gov/tsunami etwww.pmel.noaa.gov/tsunami/Dart/dart_ms1.html

Une animation sur le fonctionnement du système d'alerte DART :www.pmel.noaa.gov/tsunami/Mov/DART_04.swf

Exemple de document du PTWC : séisme du 28-03-05 dans l'océan Indien

Exemple de document du système d'alerte DART

On pourra aussi consulter "Les grandes vagues, documents d'information pour les populations civiles" réalisé en 2002 par le Centre international d'information sur les tsunamis (CIIT), avec l'aide du Programme tsunami de l'UNESCO/COI, de l'Administration nationale de l'océan et de l'atmosphère (NOAA / États-Unis) et du Laboratoire de détection et de géophysique (France) www.prh.noaa.gov/itic/fr/library/pubs/great_waves/tsunami_great_waves_cover_2.html

Sur le pourtour de l'océan Indien, l'alarme aurait pu être donnée plusieurs minutes, voire plusieurs heures, selon les lieux, avant l'arrivée du tsunami du 26 décembre 2004. Mais la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles qui, sous le choc du tsunami, s'est tenue à Kobé du 20 au 22 janvier 2005, n'a pas eu de résultats concrets sur une extension mondiale du système de prévention adopté par les pays riverains de l'océan Pacifique. Chaque pays participant voulait faire de sa propre expertise la cheville ouvrière de la politique à mettre en œuvre : la France, par exemple, voulait faire de l'île de La Réunion soit le siège du pôle d'alerte des catastrophes d'origine naturelle pour l'océan Indien. La Conférence de Kobé a été cependant l'occasion d'annoncer la création, sous l'égide des Nations Unies, d'un système global d'alerte précoce multidésastre (inondations, typhons, éruptions volcaniques, etc.) dont la première pièce serait ce système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien qui reste à organiser.

Autres ressources en ligne : une sélection

La Veille météorologique mondiale

Établie à Genève, l'Organisation météorologique mondiale (OMM - World meteorological organization / WMO), compte 185 États membres. Son activité est régie par une Convention météorologique mondiale, adoptée en 1947, entrée en vigueur en 1950. Elle est le porte-parole scientifique autorisé du système des Nations Unies pour tout ce qui concerne l'atmosphère et le climat de notre planète. L'OMM a pour mission de faciliter la coopération mondiale en matière d'observation et de services météorologiques, l'échange rapide de l'information météorologique. Elle coordonne la publication des données d'observation en direction des secteurs public ou privé ainsi que les activités scientifiques internationales dont elle encourage les applications. C'est par l'intermédiaire de l'OMM que sont conclus des accords internationaux complexes sur les normes, les codes, les mesures et les télécommunications.

La Veille météorologique mondiale (VMM) est le principal programme scientifique et technique de l'OMM, pierre angulaire de ses activités. Elle fournit en temps réel une information météorologique recueillie et acheminée par les systèmes d'observation et les liaisons de télécommunication du monde entier, regroupant quatre satellites à défilement, cinq satellites géostationnaires, environ 10 000 stations terrestres d'observation, 7 000 stations sur navires et 300 bouées ancrées et dérivantes dotées de stations météorologiques automatiques. Chaque jour, des liaisons à grande vitesse transmettent données et cartes aux 35 centres régionaux et aux centres nationaux des États membres.

L'OMM a organisé des Centres météorologiques régionaux (Regional Specialized Meteorological Center / RSMC) et des centres d'avertissement des cyclones tropicaux (Tropical Cyclone Warning Center / TCWC) dont le rôle est d'assurer la surveillance cyclonique. Chacun de ces RSMC ou TCWC a en charge un bassin cyclonique particulier. Pour l'océan Indien, il s'agit des RSMC suivants : RSMC New Dehli (l'Indian Meteorological Department s'occupe du bassin Océan Indien Nord) ; RSMC La Réunion (Météo France gère le bassin du Sud-Ouest de l'océan Indien.

Au Bangladesh : un système exemplaire de prévention des effets des cyclones.

En 1970, à la veille de l'indépendance, un terrible cyclone provoquait la disparition de plus de 300 000 Bangladais. En 1991, un nouveau cyclone faisait 140 000 victimes. Mais l'ouragan de 1997 n'a provoqué que 700 victimes ou disparus. C'est le résultat d'une meilleure préparation du pays, exemple convaincant de l'utilité des politiques de prévention des catastrophes d'origine naturelle.

Le système de prévention adopté a consisté à construire des centaines d'abris collectifs sur pilotis qui, en temps normal, servent d'écoles ou de dispensaires. Il s'agit de bâtiments posés sur des piliers de béton de 4 mètres de haut édifiés, à partir de 1991, le long des côtes. L'espace entre l'étage et le sol laisse passer la vague et les débris meurtriers qu'elle charrie. La construction peut héberger de 500 à 5 000 personnes. Elle est équipée de toilettes, de réserves de nourriture et d'eau en quantité suffisante pour un ou deux jours.

Un système d'alerte a été mis au point et permet de diffuser les alarmes lancées par les stations météorologiques. Des volontaires du Croissant-Rouge sont formés dans chaque village pour organiser l'alerte et les regroupements.

Ce système a été financé par le gouvernement bangladais, l'UE, l'Arabie saoudite (qui installe des écoles coraniques dans les abris qu'elle promeut) et les ONG. Il y a maintenant plus de 4 000 abris collectifs.

Si on ne peut éviter les désastres d'origine naturelle, un tel dispositif de prévention montre qu'il est possible de rompre le cercle vicieux de la pauvreté qui aggrave la vulnérabilité.

D'après Hervé Kempf - Le Monde du 18 janvier 2005

En complément, la brève n° 7 de 2004 : Une saison cyclonique dévastatrice sur l'Atlantique Nord : Charley, Frances, Ivan, Jeanne ... et les autres

Prévenir les risques du trafic maritime

Les points nodaux du trafic maritime international sont très vulnérables. Les grands détroits (Ormuz, Malacca, Bosphore, par exemple), et les vastes plates-formes portuaires font du monde maritime un monde à risque. Les ports qui accueillent les trafics internationaux de conteneurs et de matières dangereuses sont des lieux très exposés au risque d'attentat et d'accident technologique. Différents accidents répertoriés par le Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre : www.le-cedre.fr), comme l'attaque du pétrolier français Limburg au large du Yémen en 2002, illustrent ces vulnérabilités.

Très vulnérables à une attaque terroriste ou criminelle, les pétroliers sont une proie facile. Michael Richardson, chercheur à l'Institut d'études sur l'Asie du Sud-Est à Singapour (Iseas - www.iseas.edu.sg), a publié en janvier 2004 un article intitulé : "Ships Can Be Dangerous Too': Coupling Piracy and Maritime Terrorism in Southeast Asia's Maritime Security Framework" (ISEAS Working Papers on International Politics and Security Issues - www.iseas.edu.sg/rpapers.html). Il met en garde sur les vulnérabilités d'un système peu préparé à ce type de menaces.

Les points faibles sont nombreux. En 2003, un rapport de l'OCDE établissait que le commerce par mer qui représente 80% des échanges mondiaux en poids, nécessite 230 millions de mouvements de conteneurs, emploie 1,2 million de marins sur 46 000 navires desservant 2 800 ports où travaillent des centaines de milliers de personnes : les dommages potentiels sont donc considérables. Le rapport de l'Iseas imagine la possibilité d'utiliser un "conteneur de Troie" susceptible d'exploser ou de répandre des produits toxiques. L'explosion d'un transport de produits chimiques dans un port pourrait avoir des effets dévastateurs.

Singapour, par exemple, vaste port et entrepôt situé au débouché du détroit stratégique de Malacca, par où transite le 1/4 du commerce mondial, qui se termine par un goulet de 1,5 km de large, est un des points vulnérables du trafic maritime mondial. La piraterie dans ces parages est déjà très active, des groupes activistes y sont déterminés (cf. Nathalie Fau - Le détroit de Malacca).

Mais les mesures à prendre sont délicates. Comme pour le transport aérien, il convient de trouver l'équilibre entre nécessaire fluidité des transports et impératifs de sécurité. Or, ces mesures provoquent des surcoûts liés aux contrôles et à l'allongement des délais. Avec, dans le domaine maritime, des difficultés supplémentaires liées à son opacité et à sa complexité : recours à des pavillons dits "de complaisance" aux limites de l'économie informelle, conditions d'emploi des équipages souvent obscures, complexité de l'écheveau des responsabilités.
Dans le cadre du projet de sécurisation du trafic de marchandises et du fret maritime international, à la suite du 11 septembre 2001, une Initiative pour la sécurité des conteneurs (Container Security Initiative - CSI) a été proposée par les États-Unis. Environ vingt "méga-ports" dans le monde se sont associés à la CSI, tels que, en Europe, Le Havre, Anvers et Zeebruge, Rotterdam, Brême, Hambourg, Felixstowe, Thamesport, Southampton, Gênes, Gioia Tauro, Le Pirée, Algésiras. Un des dispositifs de la CSI est le "24 hours rule" qui pré-sélectionne les portes-conteneurs annoncés en fonction de certains critères de risques, ce qui les oblige à s'identifier 24 heures avant leur arrivée.

La majorité des États membres de l'Organisation maritime internationale (OMI) ont adopté, en 2002, un nouveau régime réglementaire (entré en vigueur en 2004) selon lequel tous les tankers déplaçant plus de 500 tonnes doivent se conformer à un nouveau code de sécurité, faute de quoi ils se verront interdire l'accès aux ports. Pour obtenir le certificat International Ship and Port Facility Security (ISPS), ils doivent prendre des mesures de protection précises, par exemple : la nomination d'un officier chargé de la sécurité, le renforcement des conditions d'accès à bord, l'installation de dispositifs de vidéo-surveillance, l'amélioration de l'éclairage ou l'adoption d'un plan de sûreté sur chaque bâtiment.

De son côté, la France s'efforce de se préparer à ce type d'éventualités. Ainsi, par exemple, des exercices annuels contre le détournement de méthaniers en Méditerranée sont organisés.

Des ressources en ligne

Conception et mise en page web : Sylviane Tabarly

Mise à jour :   13-05-2005

Pour citer cet article :  

Sylviane Tabarly, « Archive. De la prévision à la prévention, la gestion mondiale des risques », Géoconfluences, mai 2005.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/Risque/RisqueDoc3.htm