Archive. La loi et le risque : réglementations, alerte, organisation des secours
NB. Le contenu de cet article donne des informations disponibles au moment de sa publication en 2006.
En France, l'article 21 de la loi du 22 juillet 1987 prévoit que : "Le citoyen a le droit à l'information sur les risques qu'il encourt en certains points du territoire et sur les mesures de sauvegarde pour s'en protéger".
Le préfet recense les risques et les mesures de sauvegarde dans un dossier synthétique qu'il transmet au Maire. Celui-ci établit un document d'information consultable en mairie et en fait la publicité. L'affichage du risque est également réalisé par des affichettes situées dans les halls d'immeubles et les terrains regroupant moins de 50 personnes (travail, logement, loisir, …).
Les risques "naturels" : prévision, prévention, protection
La prévision a pour but de mieux connaître les aléas, leur fréquence, leur intensité et les lieux où ils sont susceptibles de se manifester. La prévention a pour but d'anticiper la manifestation éventuelle d'un risque en limitant ses effets destructeurs.
La prévention relève de la politique d'aménagement du territoire et elle est encadrée par la succession de plusieurs dispositions législatives qui ont donné naissance à différents types de documents informatifs et réglementaires :
- la loi de 1982, qui instaurait les Plan d'exposition aux risques (PER) ;
- la loi de 1995 (dite loi Barnier), destinée à renforcer la protection contre les risques naturels ;
- la loi de 2003 (dite loi Bachelot), qui renforce les dispositions antérieures et qui classe 12 000 communes en communes à risques. La cartographie des risques doit se fonder sur le concept nouveau de bassin homogène de risques.
Plans de prévention des risques naturels prévisibles - État d'avancement au 16/02/2005Source des documents cartographiques : Prim.Net |
L'indicateur "arrêtés de catastrophe naturelle"En prenant les communes concernées par, au moins, cinq arrêtés de reconnaissance de catastrophe naturelle en vingt ans, cet indicateur met en évidence les zones d'accumulation d'arrêtés. |
La loi relative au renforcement de la protection de l'environnement (loi Barnier n°95-101 du 2 février 1995) et son décret d'application du 5 octobre 1995 ont modifié le dispositif de prévention des risques naturels, en instituant un nouvel outil, le Plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPR). Celui-ci se substitue aux documents antérieurs : Plans d'exposition aux risques (PER) ; Plans de surfaces submersibles (PSS) ; périmètres de risques du Code de l'urbanisme (CU) ; Plans de zones sensibles aux incendies de forêts (PZSIF). Il simplifie et clarifie la réglementation, présente l'avantage d'être "modulable". En effet, il peut prendre en compte un seul ou plusieurs risques et ne comporter, dans un premier temps, que des mesures relatives aux nouvelles constructions, quitte à être complété par des mesures applicables au bâti existant, dans un second temps, pour réduire leur vulnérabilité. Le PPR peut aussi réglementer les diverses exploitations existantes (agricoles, industrielles, artisanales, forestières, commerciales...) et prévoir des mesures de prévention collective pour la protection et le secours des populations.
Concrètement, les PPR couvrent l'ensemble des risques naturels prévisibles : inondations, mouvements de terrain, séismes, feux de forêt, avalanches, tempêtes et cyclones. Ils comprennent divers éléments :
- l'analyse des événements historiques,
- la qualification des aléas (nature, fréquence, intensité),
- l'évaluation des enjeux (densité de population, enjeux économiques, infrastructures menacées…),
- un zonage réglementaire avec des zones en rouge où toutes nouvelles constructions sont interdites, des zones en bleu où les constructions sont autorisées sous réserves de la mise en œuvre des prescriptions, et des zones en blanc où aucune restriction n'est imposée. Ces documents ne visent pas seulement à l'information de la population et des élus locaux. Ils servent aussi de base réglementaire pour l'indemnisation des victimes de catastrophes en vertu de la loi de 1982, qui fait de la procédure de déclaration de catastrophe naturelle un préalable indispensable à toute indemnisation.
Le PPR est annexé au Plan local d'urbanisme (PLU) et s'impose donc aux documents d'urbanisme, dont les SCOT. Il conditionne la délivrance des permis de construire. Juridiquement, tous les documents pré-existants au PPR ont pris la valeur de PPR.
L'alerte des populations et l'organisation des secours en France
Systèmes et procédures d'alerte, organisation des secours et d'évacuation des populations si nécessaire, font partie du champ de la sécurité civile. On peut distinguer : les Accidents catastrophiques à effet limité (ACEL) pour lesquels les moyens locaux (au niveau du département en France) sont suffisants ; les Catastrophes à moyens dépassés (CMD) pour lesquels des moyens nationaux, voire internationaux, sont nécessaires. À l'échelle nationale, la loi n° 87-565 du 22 Juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs, précise les conditions de mise en œuvre des plans d'urgence et des plans ORSEC (acronyme d'"organisation des secours").
Les plans d'urgence prévoient les mesures à prendre et les moyens de secours : Plans particuliers d'intervention (PPI) ; plans destinés à porter secours aux victimes ; plans de secours spécialisés.
Le plan ORSEC est un soutien au plan d'urgence pour la gestion des Catastrophes à moyens dépassés (CMD). C'est un système polyvalent de gestion de la crise : organisation des secours et recensement des moyens publics et privés susceptibles d'être mis en œuvre en cas de catastrophe et définition des conditions de leur emploi. Il y a différentes échelles de plan ORSEC : zonal, décidé par le Préfet de zone de défense ; départemental, décidé par le Préfet. Le plan ORSEC - RAD est un plan ORSEC particulier en cas d'accident nucléaire majeur. Par contre, le plan ORSEC national, qui était décidé par le Premier ministre, n'est plus en vigueur depuis le décret du 13 septembre 2005 sur les plans d'urgence.
Au niveau départemental, l'organisation des secours est décrite dans le Schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR). Il prévoit, à partir de l'analyse statistique des accidents et de l'analyse des risques probables, les dotations en personnels et en matériel.
D'autres types de plans sont développés, du niveau local au niveau national, en prévision d'accidents de grande ampleur et de catastrophes.
Il existe d'autres plans spécialisés pour tel ou tel type de catastrophe, par exemple : le plan Biotox pour la diffusion d'un agent infectieux ; le plan Polmar en cas de catastrophe maritime (marée noire) ; des plan de secours spécialisés (PSS) relatifs à un lieu précis comme les sites classés Seveso, les installations nucléaires ; etc.
Pour ce qui concerne le domaine des catastrophes naturelles, divers systèmes d'alerte existent. Ainsi, Météo France s'insère au sein du système de la Veille météorologique mondiale par lequel les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) échangent leurs données. Météo France publie des cartes d'alertes pour certains aléas (coup de froid, chutes de neige, canicule…) en liaison avec l'Institut de Veille Sanitaire. Pour l'aléa inondation, 54 services d'annonces des crues surveillent en France 16 000 km de cours d'eau à l'aide de réseaux de mesure automatisés. Mais se pose, pour les décideurs, le difficile problème des seuils d'alerte, car trop d'alertes peuvent finir par dévaluer, décrédibiliser le système.
Le plan Vigipirate, élaboré en 1981 pour répondre à des menaces terroristes essentiellement nationales ou régionales, a été remanié au lendemain du 11 septembre 2001 pour tenir compte de l'évolution de la situation internationale. Il retient quatre niveaux d'alerte.
Les risques "technologiques"
Les PPR ne concernent que les risques naturels, excluant donc les risques de nature technologique. Quels sont, en France, les dispositifs concernant ces types de risques ?
Les installations classées sont les établissements, industriels ou autres, dont l'activité entraîne un danger ou des nuisances pour le voisinage. Les premières réglementations sont anciennes. Un décret de 1810 réglementait déjà "les manufactures et ateliers insalubres, incommodes et dangereux". La loi du 19 décembre 1917 a réparti en trois classes les établissements dangereux, incommodes ou insalubres. Celle du 19 juillet 1976 (modifiée à plusieurs reprises depuis) et les décrets du 21 mai et du 21 septembre 1977 ont refondu les règles qui leur sont applicables en ajoutant à la seule protection du voisinage (sécurité, santé et commodité) la protection de l'environnement.
La directive européenne 82/501/CE, dite directive "Seveso", du 24 juin 1982 a constitué une première étape du processus d'harmonisation de la législation sur la maîtrise de ces risques. Elle reprenait sur certains points la loi française du 19 juillet 1976 sur les Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE), en particulier, l'obligation pour l'industriel de réaliser une étude de danger (de même que les études d'impact pour les grands travaux). Par ailleurs, elle établissait le principe du contrôle de l'administration sur les activités dangereuses, l'élaboration de Plans d'Opération Interne (POI) et l'organisation des secours à l'extérieur par les représentants de l'État (Plan Particulier d'Intervention : PPI), ainsi que le "droit de savoir" pour la population. La nomenclature annexée fixait des seuils de quantité par produit et par atelier (installations selon la loi de 1976). Il pouvait donc y avoir plusieurs installations classées Seveso dans une usine.
La loi du 22 juillet 1987 sur l'organisation de la sécurité civile et la prévention des risques majeurs mettait en conformité la légistalation française avec la directive européenne "Seveso". Elle reliait cette réglementation à celle de l'urbanisme. Les installations classées sont désormais réparties en deux catégories : la classe D, à risques limités (simple déclaration à la préfecture et respect des normes d'hygiène publique) ; les classes A, B et C, présentant de graves dangers ou inconvénients et qui doivent obtenir une autorisation préalable en préfecture sur dossier comportant une étude d'impact et une étude de dangers. Les Plans locaux d'urbanisme (PLU) peuvent définir les zones où sont autorisées ou interdites les installations classées.
La loi de 1987 préconisait aussi la réduction du risque à la source et instaurait les PPI (avec un zonage), le droit à l'information et la maîtrise de l'urbanisation (prise en compte des risques dans les documents d'urbanisme et l'instauration de Servitudes d'Utilité Publique (SUP) pour les établissements Astreints à servitudes (AS) selon la loi de 1976 (servitudes indemnisables pour les nouveaux établissements). Sur ces deux derniers points, la loi française allait plus loin que la directive européenne. Son application a provoqué parfois de très vives résistances. Par contre, la loi ne prévoyait que le "gel de l'existant" pour les anciens établissements, les plus nombreux. C'était une faiblesse.
La directive européenne 96/82/CE dite "Seveso 2" du 9 décembre 1996 vise les établissements (et non plus des produits). Il s'agit donc d'une surface où règne une famille de produits dangereux et d'infrastructures (embranchements ferroviaires, appontements). L'abaissement de certains seuils et le cumul des substances provoquent l'augmentation du nombre d'établissements concernés et induit un classement. Elle impose la mise en place d'un système de gestion de la sécurité, la prise en compte d'éventuels "effets domino" et une coopération entre des établissements voisins. Elle reprend surtout le principe français de "maîtrise de l'urbanisation". Par contre, elle ne s'étend pas au transport de matières dangereuses, ni à la production d'énergie nucléaire, qui a sa propre réglementation, plus ancienne.
En droit français, la transposition de la directive est assurée par l'arrêté du 10 mai 2000. Il distingue des établissements "seuils hauts", Astreints à servitude, et des "seuils bas". Les premiers, les plus dangereux, doivent faire des études de danger plus élaborées, révisables tous les 5 ans. Les seconds doivent mettre en place un système de gestion de la sécurité. Les critères de Seveso 2 ont provoqué le doublement du nombre d'établissements : 1 250 au lieu de 596 (670 seuls hauts et 580 seuls bas). De nombreuses communes se trouvent ainsi confrontées au problème, même si les effets d'un accident dans les établissements seuils bas ne dépasseraient guère l'enceinte de l'usine.
La réglementation Seveso prévoit que l'industriel générateur de risque doit être capable de maîtriser un sinistre en interne. Le classement en "Seveso seuil haut" oblige à mettre en place un Plan d'organisation interne (POI). Dans le cadre du POI, l'industriel est seul responsable de l'organisation des secours. Les autres sites soumis à autorisation et classés "Seveso seuil bas" peuvent se voir imposer la mise en place d'un tel plan par le Préfet, si ce dernier estime que les risques présents sur le site le nécessitent.
Lorsqu'un établissement est affecté par un incident dont les effets pourraient constituer une menace pour les populations des alentours, l'industriel doit prévenir le Préfet qui décide alors de déclencher ou non le Plan particulier d'intervention (PPI). Ce dernier prévoit la mobilisation des services de secours publics et de l'ensemble des services de l'État concernés (sapeurs-pompiers, gendarmes, Police, DDE, DRIRE…). C'est alors le Préfet du département qui dirige les opérations de secours et décide de l'ensemble des mesures à prendre. Le Directeur de l'établissement reste cependant le directeur des opérations de secours internes à son site.
L'explosion de l'usine AZF à Toulouse, le 21 septembre 2001, au-delà de l'émotion et du choc suscités, a été riche d'enseignements, même si de nombreuses interrogations subsistent, la cause de l'explosion gardant encore sa part de mystère. Le risque d'explosion n'ayant pas été prévu, les périmètres de protection se sont avérés sous-évalués et les consignes de sécurité prévues dans le PPI mal adaptés. Les scénarios d'accidents relatifs à l'ensemble du site avaient surtout tenu compte du risque toxique (chlore, ammoniac et phosgène) et ils avaient négligé le risque d'explosion au nitrate d'ammonium. On jugeait impossible que le nitrate d'ammonium puisse exploser spontanément sans détonateur, or, les sources explosives d'origine externe (malveillance, attentats ou autres sources explosives) n'avaient pas été prises en compte.
C'est ainsi que la loi Bachelot du 30 juillet 2003, relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, est la conséquence de la catastrophe de Toulouse. Elle comprend trois lignes directrices : la prise en compte de la vulnérabilité du territoire dans les études de danger, qui deviennent ainsi de véritables études de risque. L'article 4 prévoit : la prise en compte de la probabilité d'occurrence, de la cinétique et de la gravité des accidents selon une méthodologie explicite ; le renforcement de l'information du public avec la création de Comités Locaux d'Information et de Concertation (CLIC), dont le décret d'application a été signé le 1 février 2005. La loi prévoit enfin la création d'un outil réglementaire et opérationnel : le Plan de Prévention des Risques Technologiques (PPRT), sur le modèle des PPRN (pour les risques naturels). Le décret d'application n'a cependant pas été signé en avril 2005. La loi permettra d'instaurer les droits de préemption, de délaissement (lorsque les particuliers veulent vendre, la collectivité est tenue d'acheter) et d'expropriation dans les périmètres d'exposition aux risques. Ils devraient être financé de façon tripartite (État, exploitant et collectivités territoriales). Il s'agit d'une véritable gestion de l'existant, permettant de suppléer aux insuffisances de la loi de 1987. Mais les questions du zonage et de l'indemnisation sont au cœur du débat.
Il peut être aussi intéressant de tirer les enseignements de la catastrophe de Tchernobyl, de sa gestion et de ses conséquences en France : modes d'information et de communication, leurs limites ; la gestion de la crise. Parmi d'autres, deux ressources peuvent servir de point de départ :
- Un dossier de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) - avril 2003 : Tchernobyl, 17 ans après (461 Ko) : www.irsn.fr/vf/04_act/04_act_2/04_act_21dossiers_irsn/04_act_21liste.shtm
- Par la Commission de recherche et d'information indépendante sur la Radioactivité (CRIIRad) :www.criirad.com
Pour conclure, notons cependant que, si les catastrophes d'origine technologique sont spectaculaires et marquent l'imaginaire collectif, elles sont relativement rares, leurs impacts sont relativement limités. Il en va différemment pour ce qui relève plutôt de l'accident.
Conception et mise en page web : Sylviane Tabarly
avec la participation de Jacques Donze, Université de Lyon III
Mise à jour partielle : 18-12-2006
Pour citer cet article :
Sylviane Tabarly, « Archive. La loi et le risque : réglementations, alerte, organisation des secours », Géoconfluences, décembre 2006.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/Risque/RisqueFaire.htm