Archive. Quelle Europe des régions ?
NB. Le contenu de cet article donne des informations disponibles au moment de sa publication en 2004.
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>>> Pour des informations plus récentes, lire par exemple le glossaire : Cohésion économique, sociale et territoriale de l'Union européenne
L'objectif de la cohésion économique et sociale est au cœur du projet européen, partant de l'idée qu'une union librement choisie entre des pays distincts n'est durable et viable que si leurs différences de développement s'atténuent. Aussi, à côté de la Politique agricole commune (PAC), les Fonds structurels et le Fonds de cohésion s'inscrivent dans le cadre d'une politique destinée à réduire les écarts entre les régions et les États membres de l'Union européenne.
Au moment où l'Union européenne engage une nouvelle dynamique d'élargissement en direction des Pays d'europe centrale et orientale (PECO), quel bilan peut-on faire de ses politiques structurelles, quelles en sont les perspectives ?
Agnès Bénassy-Quéré, Docteur en économie de l'Université de Paris IX-Dauphine, chercheuse au CEPII, fait part de son analyse :
La croissance répartie : le centre contre la périphérie
La disparité de revenus entre États membres, mesurée par l'écart-type des PIB par habitant en standard de pouvoir d'achat (SPA)*, est passée de 25% en 1960 à 12% en 2000, nouveaux länder allemands compris. Mais, si l'on examine l'évolution au niveau des régions, on observe des inégalités beaucoup plus importantes et persistantes. Au niveau NUTS 3 (départements en France), les disparités de revenus sont de l'ordre de 37% et n'ont pas régressé depuis 1980, sauf pour ce qui concerne les nouveaux länder. Alors que, pour les pays, en 2000, les PIB par habitant vont de 1 (Portugal) à 2,5 (Luxembourg), au niveau des régions, ces écarts sont bien plus grands : de 1 à 5, par exemple au niveau de classification intermédiaire correspondant aux 22 régions françaises. Sans surprise, les régions les plus riches sont celles des grandes métropoles situées dans la dorsale de l'Union (Hambourg, Bruxelles, Luxembourg, Paris, Brême, Essen, Milan, Turin, Vienne, Copenhague), tandis que les régions les plus pauvres sont toutes périphériques (Grèce, sud de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal, départements français d'Outre-mer), ou correspondent aux nouveaux länder et, à présent, aux PECO adhérents de 2004.
La convergence économique observée entre les régions européennes s'explique en grande partie par la convergence des États. Mais lorsqu'on tient compte de l'appartenance de chaque région à un État, on n'observe plus de mouvement significatif de convergence des régions. La convergence interne entre les régions serait inexistante en Belgique et au Royaume-Uni, et il y aurait plutôt divergence en Italie, en France et en Suède.
L'Union européenne consacre un tiers de son budget (tel qu'il a été défini par l'"Agenda 2000" qui couvre la période 2000-2006, et sans compter les aides de pré-adhésion) à la réduction des inégalités territoriales, au travers des fonds structurels et du fonds de cohésion. La plus grosse part de ces fonds est allouée au titre à l' "objectif 1", soit en faveur des infrastructures et des aides aux entreprises dans des régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75% du niveau de l'UE. Certains s'interrogent sur l'efficacité de ces programmes. Premièrement, une partie des investissements réalisés à l'aide des fonds européens l'aurait été de toutes façons ; à l'inverse, les fonds reçus de Bruxelles permettent peut-être aux États bénéficiaires de réduire leur propre effort financier dans leurs régions défavorisées, même si les aides européennes supposent un cofinancement de la part des États membres. Deuxièmement, les aides européennes incitent les travailleurs des régions défavorisées à rester sur place au lieu de migrer vers d'autres régions, ce qui ralentit la convergence des revenus par habitant (les aides européennes favorisent donc davantage la répartition de l'activité sur le territoire que la convergence des niveaux de vie). Enfin, les infrastructures financées par les fonds structurels peuvent paradoxalement renforcer les effets d'agglomération s'il s'agit, par exemple, de voies de communication permettant de désenclaver les régions en retard. Enfin, les études économétriques portent un jugement mitigé sur l'effet des fonds européens sur le taux de croissance des régions : les régions bénéficiaires croissent en général plus vite que les autres, mais c'est peut-être davantage du fait de leur retard économique que grâce aux fonds eux-mêmes.
La croissance européenne est principalement le fait des grandes agglomérations, et c'est là que les investissements auront les plus forts rendements. Ceci pose de manière cruciale la question de l'arbitrage entre efficacité et équité : si l'objectif de l'UE est d'élever durablement le niveau de la croissance en Europe, alors les politiques publiques doivent se garder de favoriser les régions dans lesquelles les effets d'agglomération jouent peu, et au contraire miser sur les grandes métropoles ; à l'inverse, l'objectif d'équité impose des politiques qui corrigent les effets d'agglomération en faveur des régions en retard, même si cela doit se payer par une croissance plus faible au niveau agrégé. Au total, actuellement, 83% du budget européen est consacré à la réduction des inégalités territoriales, entre régions riches et pauvres (fonds structurels), entre ville et campagne (PAC) et entre anciens et nouveaux membres (aides de pré-adhésion). Parallèlement, moins de 4% du budget est consacré aux dépenses de soutien à la R&D. Le choix inscrit dans le budget européen est peut-être le bon : les Européens sont attachés à leurs régions, à leurs cultures rurales, à leurs langues régionales, à leur "qualité de vie" ; ils sont sans doute disposés à consacrer des ressources pour lutter contre la désertification de certaines régions. Mais l'arbitrage avec la recherche d'une croissance plus soutenue, inscrite dans le processus de Lisbonne, mériterait d'être discuté, puis assumé. Cela préparerait le terrain pour l'après 2006, qui promet des négociations très dures à la fois sur la politique agricole commune et sur les fonds structurels."
Adaptation d'une contribution d' Agnès Bénassy-Quéré dans le cadre des Troisièmes Rencontres d'Aix-en-Provence du Cercle des Economistes (juillet 2003), organisées pas le Centre d'économie et de finances internationales (C.E.F.I.) et consacrées au thème : "L'Europe, une nouvelle économie monde"http://sceco.univ-aix.fr/cefi/colloques/aix2003.htm
La répartition régionale du PIB pour l'UE et les pays candidats - D'après l'Annuaire 2003 - Eurostat / REGIO
Au niveau NUTS 2, la fourchette de PIB/hab va de 1 251 euros dans le sud-est de la Roumanie à 62 788 dans la région de la capitale britannique Inner London. Le classement en PIB/SPA* fait apparaître des écarts : Stockholm passe de la 5e à la 9e position, Prague de la 29e à la 196e. On constate la position prédominante des régions-capitales. Lisbonne et Madrid, Bruxelles et Londres, Berlin et Prague, Bratislava et Budapest, ainsi que Sofia et Stockholm, sont facilement identifiables.
Qu'est-ce que le produit intérieur brut régional ?
Le développement économique d'une région est souvent représenté à l'aide du produit intérieur brut (PIB). Quelle est sa signification exacte ? Et comment être sûr de la pertinence de comparaisons entre des régions dont la taille et la monnaie sont différentes ?
Le PIB régional varie en fonction de la taille de la région concernée. Des comparaisons sont possibles dès lors que le PIB régional est rapporté au nombre d'habitants de la région. C'est là qu'intervient un aspect important : la différence entre domicile et lieu de travail. En effet, la représentation du PIB par habitant ne pose aucun problème si tous les travailleurs qui ont participé à sa production résident également dans la région en question car le PIB mesure la production économique réalisée aux frontières d'un pays ou d'une région, que ce soit par des unités économiques intérieures ou étrangères, résidant ou non sur le territoire concerné. En particulier dans des centres économiques tels que Londres ou Vienne, le nombre élevé de personnes faisant la navette peut générer des situations dans lesquelles le PIB par habitant dans le centre de l'agglomération est très élevé, alors qu'il sera nettement inférieur dans les régions périphériques, bien que le pouvoir d'achat et le revenu disponible des ménages de ces régions se situent à un haut niveau. Il ne faut donc pas confondre PIB régional par habitant et revenu disponible régional.
Parités de pouvoir d'achat et comparaisons internationales - Des PPA aux SPA
Par ailleurs, la comparaison entre pays suppose la conversion des monnaies nationales en euros ou dans une autre devise. Toutefois, les taux de change ne traduisent pas forcément les différences de niveau de prix entre pays. Pour niveler ces écarts, on convertit le PIB en standards de pouvoir d'achat (SPA). La conversion dans une monnaie commune sur la base des taux de change n'est pas toujours satisfaisante car l'élément "niveau de prix" peut jouer un rôle considérable. Les taux de change sont déterminés par de nombreux facteurs reflétant l'offre et la demande sur les marchés des changes, par exemple les échanges internationaux et les différences de taux d'intérêt. L'introduction de l'euro permet, pour la première fois, des comparaisons de prix directes entre les pays de la zone euro. Toutefois, dans chacun de ces pays, la monnaie unique européenne a un pouvoir d'achat qui varie en fonction du niveau de prix national. D'où le recours à une monnaie artificielle commune, appelée "standard de pouvoir d'achat" (SPA).
Les parités de pouvoir d'achat (PPA) sont des prix relatifs montrant le rapport des prix en monnaie nationale d'un seul et même bien ou service dans différents pays (par exemple, un pain coûte 1,87 euro en France, 1,68 euro en Allemagne et 95 pences au Royaume-Uni, etc.). Les relevés de prix sont fondés sur un panier de biens et services comparables, choisis de façon à représenter toute la gamme des biens et services, tout en tenant compte des habitudes de consommation dans les divers pays. Les prix relatifs simples au niveau du produit sont ensuite agrégés (pondérés) en PPA pour des groupes de produits, puis pour la consommation totale et, enfin, pour le PIB. Afin de définir une valeur de référence pour la procédure de calcul de la PPA, on choisit habituellement un pays comme base dont la valeur est fixée à 1. Dans le cas de l'Union européenne, le choix d'un pays (ou d'une monnaie) de référence n'est pas pertinent, et on préfère pour cette raison prendre le SPA comme unité monétaire commune fictive de référence, afin de représenter en termes réels le volume des agrégats économiques dans une comparaison géographique.
Voir en complément la partie "glossaire"
Voir aussi Vincenzo Spiezia - Mesurer les économies régionales - Cahiers statistiques de l'OCDE - février 2004 : www.oecd.org/dataoecd/3/61/28903287.pdf
Agnès Bénassy-Quéré, Docteur en économie de l'Université de Paris IX-Dauphine, chercheuse au CEPII
Mise en page web : Sylviane Tabarly
Mise à jour : 07-06-2004
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Pour citer cet article :
Agnès Bénassy-Quéré, « Archive. Quelle Europe des régions ? », Géoconfluences, juin 2004.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Europe/EurScient5.htm