Monde
Le Monde est la planète Terre habitée par les humains. Habiter est ici à entendre au sens géographique de pratiques, de savoirs et de discours sur un espace. Le Monde tend de plus en plus à coïncider avec l’écoumène. Si l’étendue spatiale de la Terre et celle du Monde se recoupent, le terme de Monde renvoie aussi à l’appropriation collective de la planète Terre par l’humanité (appropriation au sens symbolique, par l’intermédiaire des représentations). Le Monde est ainsi, non seulement le plus haut niveau d’échelle, le plus grand des espaces, mais aussi le plus vaste des territoires (Didelon-Loiseau, 2013) voire, d’après Denis Retaillé (2013), un lieu : « Alors que le monde d'hier n'était qu'englobant sans disposer d'une substance propre, le Monde d'aujourd'hui est devenu une aire et un lieu ». C’est d’ailleurs ce qui justifie aujourd’hui l’usage de la majuscule pour le Monde comme lieu (contrairement au sens courant de groupe humain élargi : monde littéraire, monde du spectacle, etc.), défendu par Michel Lussault (2013) : « en un demi-siècle, le monde est devenu le Monde ». Christian Grataloup (2023) suggère de conserver l'usage du monde sans majuscule pour contourner un autre terme porteur d'une histoire très lourde : « civilisation ». On parle ainsi de mondes indiens, de mondes chinois ou swahilis au pluriel, le Monde restant le lieu habité par l'espèce humaine.
Alors que l’histoire de la Terre en tant que planète peut être écrite depuis son origine et donc bien avant l’apparition des premiers hominidés, l’histoire du Monde s’est construite sur le temps long de l’humanité. Les grandes découvertes par les navigateurs européens ou chinois, suivies de la colonisation européenne, ont mis en contact des mondes séparés les uns des autres : mondes américains, méditerranéens, chinois… contribuant ainsi à une première mondialisation et au « bouclage » du monde (Dolfus, Grataloup et Lévy, 1999), selon une terminologie relevant de la géohistoire. L’aventure spatiale, en permettant à des êtres humains d’embrasser la Terre du regard, est une autre étape importante de l’« avènement du Monde » (Lussault, 2013).
À la fois échelle, espace social d’interactions, discours et objet scientifique, le Monde est aussi un système au sein duquel les territoires et leurs acteurs sont interdépendants.
Jean-Benoît Bouron et Nolwenn Azilis Rigollet, janvier 2021. Dernières modifications (SB et CB), 2022 (JBB), mars 2024.
Références citées
- Dollfus Olivier, Grataloup Christian, Lévy Jacques (1999), « Trois ou quatre choses que la mondialisation dit à la géographie », L'Espace géographique, année 1999, 28–1, p. 1–11.
- Grataloup Christian (2023), Géohistoire, Les Arènes, 528 p.
- Lussault Michel (2013), L'avènement du Monde. Essai sur l'habitation humaine de la Terre, Seuil, coll. « La couleur des idées », 2013, 296 p.
- Retaillé Denis (2013), « Monde » in Jacques Lévy et Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés. Belin, 2013 (1e éd. 2003).
- Didelon-Loiseau Clarisse (2013), Le Monde comme territoire ; pour une approche renouvelée du Monde en géographie, mémoire d’habilitation à diriger des recherches, Université de Rouen, 2013.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Vincent Capdepuy, « La ligne Nord-Sud, permanence d’un clivage ancien et durable », Géoconfluences, janvier 2024.
- Cynthia Ghorra-Gobin, « Mondialisation et globalisation », notion à la une de Géoconfluences, décembre 2017.
- Collectif, « La pandémie de Covid-19, regards croisés de géographes », Géoconfluences, mai 2020.
- Laurent Carroué, « Mondialisation et démondialisation au prisme de la pandémie de Covid-19. Le grand retour de l’espace, des territoires et du fait politique », Géoconfluences, mai 2020.
- Christian Grataloup, « L’invention des océans. Comment l’Europe a découpé et nommé le monde liquide », Géoconfluences, janvier 2015.