Pouvoir
Le pouvoir désigne en langue française la capacité à l'action, mais aussi la reconnaissance par autrui d'une autorité. En philosophie, le pouvoir se distingue de la puissance en ce que la puissance est une capacité à, une projection possible de l'action. Le pouvoir, lui, est une réalité impliquant un éventail d’actions immédiates mais limitée, tant de façon intrinsèque (ce qui est hors de pouvoir) que contingente (les limites fixées de l’extérieur à un mandat d’autorité, par exemple par une constitution ou une loi fondamentale). La puissance, elle, n’est bornée que par la puissance des autres acteurs et par le risque d’entrer en conflit avec eux.
En géographie, le pouvoir est principalement étudié à travers deux de ses composantes : d'une part les acteurs du pouvoir et de l'autre les lieux de pouvoir. Il s'agit d'identifier des acteurs (au sens géographique, collectif, ce qui inclut des institutions, des groupes, des entreprises) capables d'imposer leur volonté à d'autres, et des lieux où se concentrent ces acteurs. Une géographie des lieux de pouvoirs peut s’intéresser à des acteurs qui, sans exercer eux-mêmes le pouvoir politique, ont intérêt à s’approcher le plus possible de ceux qui le détiennent, comme dans le cas du lobbyisme aux États-Unis (voir Scheffler et Nussbaum, 2021).
Historiquement, la nécessité d’écrire une géographie du pouvoir (ou des pouvoirs, pour insister sur la diversité des acteurs qui le contrôlent) est née d’une critique d’une géographie horizontale, qui étudierait les effets des actions des Hommes sur les paysages mais qui le ferait en omettant la dimension verticale, celle des rapports de domination, donc de pouvoir. La géographie marxiste ou la géographie radicale sont des exemples de tentatives d’introduire l’étude du rôle de l’accaparement des moyens de production (dans le premier cas) et plus généralement des dominations (dans le second) en géographie pour expliquer la façon dont elles produisent de l’espace (voir Adam, 2019).
L’étude du pouvoir entre le champ de la géopolitique, qui est une géographie de toutes les formes de conflictualités à différentes les échelles, mais aussi de la géographie politique, ou de la géographie du fait politique. Mais le pouvoir n’est pas le seul objet de ces branches de la géographie car elles étudient la politique dans toutes ses dimensions, sans omettre les régulations, les résistances, la possibilité d’un débat d’idées, puisqu’il n’y a de politique à proprement parler que si le pouvoir est partagé et équilibré par des contre-pouvoirs.
(JBB) octobre 2021.
Références citées
- Matthieu Adam, « Notion en débat. Production de l'espace », Géoconfluences, janvier 2019.
- Camille Scheffler et Florence Nussbaum, « Explorer les acteurs et les lieux du lobbyisme aux États-Unis grâce aux Wikidata », carte à la une de Géoconfluences, octobre 2021.
Pour compléter
- Bibliographie indicative : Géographies du politique : bibliographie indicative (agrégation de géographie, à partir de la rentrée 2021).
- Sur la question des dominations : Sophie Blanchard, « De l’enfermement aux migrations internationales, les mobilités des travailleuses domestiques boliviennes », Géoconfluences, avril 2019.
- Sur l’exercice du pouvoir en régime socialiste : Yves Duchère, « La République Socialiste du Vietnam est-elle autoritaire ? », Géoconfluences, 2017.
- Cynthia Ghorra-Gobin, « Institutionnaliser la métropole aux États-Unis. L’expérience de Minneapolis Saint Paul (Minnesota) », Géoconfluences, octobre 2020.
- Catherine Biaggi et Laurent Carroué, « Affirmer sa puissance : forces sous-marines et dissuasion nucléaire, enjeux géographiques et géostratégiques », Géoconfluences, septembre 2020.
- Nashidil Rouiaï, « Sur les routes de l'influence : forces et faiblesses du soft power chinois », Géoconfluences, septembre 2018.
- Matthieu Gosse, « Paysage d’urbicide, la destruction de la vieille ville de Diyarbakir (Sud-Est de la Turquie) », image à la une de Géoconfluences, janvier 2018.
- Marie-Christine Doceul, « Visites virtuelles de quelques lieux de la puissance américaine », Géoconfluences, juillet 2015.
- Christian Montès, « Les petites capitales des États-Unis, quel pouvoir ? », Géoconfluences, juillet 2015.