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Aménagement rural et mutations des territoires ruraux en France

Publié le 11/07/2024
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Pour l'INSEE, les espaces ruraux sont tous ceux qui ne sont ni urbains, ni périurbains. Tels qu'ils apparaissent, à l'aube du XXIe siècle, ces territoires résultent de mutations qui se sont succédé au cours des dernières décennies.

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les campagnes étaient encore largement organisées en fonction des activités agricoles. Leur mutation s'est engagée, à travers des réformes socio-économiques, dès les années 1940 et 1950 : création, en 1940, de l’Office national interprofessionnel des céréales (ONIC), régularisant les prix aux producteurs par des politiques d'achat et de stockage, à la suite de l’Office national interprofessionnel du blé (ONIB), créé en 1936 ; réforme des statuts du métayage et du fermage et création de l'INRA (1946) ; création de la Société interprofessionnelle du bétail et des viandes (SIBEV) en 1954.

Mais c'est surtout à partir des années 1960 que la mutation s'est accélérée, d'abord sous l'effet de réformes nationales. Ainsi, les grandes lois d'orientation agricole de 1960 et 1962 avaient pour objectif d'accroître la productivité et de moderniser les exploitations en favorisant, à la fois, l’exode rural et l’installation des jeunes. Elles ont donné naissance aux Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER, articles L141-1 et R141-1 et suivants du code rural) chargées d'agir sur les structures agricoles et sur l’aménagement foncier rural en régulant les flux d'achat et de vente des terres. 

Parallèlement, la Communauté européenne, cinq ans après la signature des Traités de Rome, décida, en 1962, une Politique agricole commune (PAC). Il s'agissait alors, non seulement de relever le défi de l'autosuffisance alimentaire, mais de partir à la conquête de marchés mondiaux.

Le monde agricole s'est donc engagé, le plus souvent, dans la voie de la productivité. La concentration progressive des terres sur un plus petit nombre d'exploitations et le déclin démographique des agriculteurs (Henri Mendras, La fin des paysans, 1967), l'évolution des techniques agricoles, avec, entre autres, le développement de la mécanisation et la nécessité croissante d'irriguer, ont justifié des politiques d'aménagement rural. Ces dernières se sont imposées, au cours des années 1960, prenant aussi en compte le développement des activités non agricoles (tourisme, industrie en milieu rural) afin de limiter la « désertification » et l'exode rural, et de maintenir la continuité territoriale des services publics. De grandes opérations d'aménagement ont été engagées ou poursuivies, par exemple : les aménagements hydrauliques du Rhône, de la Provence, du Bas-Rhône – Languedoc ; les aménagements régionaux de la Corse, du Grand Sud-Ouest.

En 1967, un Fonds national de rénovation rurale (devenu en 1979, le Fonds d'intervention pour le développement et l'aménagement rural - FIDAR) permettait d'engager des opérations de rénovation et de conversion rurale dans des régions comme la Bretagne, le Massif Central. Ces opérations reposaient sur l'aménagement foncier : remembrement, réalisation d'infrastructures (le Plan routier breton, par exemple). En 1970, l’État met en place les Plans d’aménagement rural qui aboutissent à l'électrification de l'habitat rural et au goudronnage des routes à la fin des trente glorieuses.

À partir de 1976, les Contrats de pays engageaient l'aide de l'État pour mener à bien diverses opérations de revitalisation rurale. La procédure a été régionalisée, puis décentralisée à partir de 1983 (Charte intercommunale d’aménagement et de développement).

En 1995, la loi Pasqua relance la notion de pays et le FIDAR fusionne au sein du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). La définition et les modes d'élaboration des pays seront précisés par la loi Voynet de 1999. En 1996, des Zones de revitalisation rurale (ZRR) et les Territoires ruraux de développement prioritaire (TRDP) incitent au développement par le biais de mesures fiscales et de l'aide à l'investissement dans les résidences de tourisme. Ces ZRR concernent 40% du territoire français, 4,5 millions d'habitants (recensement de 1999). L'aménagement rural a pu aussi bénéficier des dynamiques de l'intercommunalité.

Au début du XXIe siècle, l'aménagement rural a tenu son pari : les campagnes françaises ont connu, en un demi-siècle des mutations d'une vitesse et d'une rapidité sans précédent, les ancrant dans la modernité et la mondialisation. D'autres défis se font jour : le premier d'entre eux est le défi environnemental. Les remembrements, entraînant l'arrachage des haies et modifiant l'écoulement des eaux de surface, ont modifié en profondeur les écosystèmes. L'usage généralisé des produits phytosanitaires (pesticides, fongicides...) a modifié la composition chimique des sols et détruit une partie de la microfaune et des espèces qui s'en nourrissent. La demande croissante de transparence de l'opinion publique rejoint de plus en plus celle des agriculteurs qui dénoncent les risques professionnels entraînant une surmortalité dans leur profession, par ailleurs touchée (certes très inégalement) par les difficultés économiques. 

La composition sociologique des campagnes a également fortement changé. Le découplage entre monde rural et monde agricole s'est accentué. En 2003, on dénombrait, en France, 589 000 chefs d'exploitation en activité, ils étaient 2,3 millions en 1955. Les actifs agricoles représentent 3,5 % de la population active française, soit un peu moins d'1 million de personnes. Les agriculteurs deviennent largement minoritaires dans les campagnes française, ne représentant plus que 12 % des ruraux. 

Mais les statistiques montrent que les tendances au déclin démographique du monde rural sont souvent enrayées, voire inversées. Depuis 1975, la population rurale a cessé de reculer en chiffres absolus. Les résultats du recensement de 2005 montrent que des régions autrefois emblématiques de l'exode rural, l'Auvergne et le Limousin, commencent à regagner de la population. Mais c'est souvent sous l'effet de la périurbanisation, de l'arrivée de néoruraux, voire d'investissements étrangers (actifs ou retraités d'autres pays de l'UE). Reste ce que l'on appelle parfois le « rural profond » ou rural isolé, ces espaces en marge des grandes infrastructures, frappés par la déprise, fortement déstabilisés par les fermetures des services des secteurs marchand ou non marchand.

Le 23 février 2005, une Loi relative au développement des territoires ruraux a été promulguée. Elle vise à adapter les modes d’intervention de l’État aux évolutions récentes du monde rural en prenant en compte la diversité des situations, des campagnes traditionnelles à dominante agricole et à faible peuplement jusqu’aux zones périurbaines à dominante résidentielle. Pour renforcer l’attractivité des territoires ruraux, trois grand axes sont privilégiés : encouragement à l’emploi, relance du logement et amélioration des services au public. Des dispositions particulières sont prévues pour la préservation et la mise en valeur d’espaces spécifiques : zones de montagne, forêts, zones humides, espaces périurbains. Des dispositions concernent également la chasse.

En 2010, la Réforme des Collectivités Territoriales (RCT) abroge la possibilité de créer de nouveaux pays afin de rationaliser le millefeuille territorial. Cela conduit à leur disparition progressive. En 2014, la loi de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles (MAPTAM) introduit les Pôles d'Équilibre Territorial et Rural (PETR) et permet aux syndicats mixtes de pays d’évoluer en PETR. Le but affiché est d’associer, au sein des intercommunalités, les solidarités entre espaces urbains et ruraux, poursuivant ce qui avait inspiré la création des territoires de projet.

 (ST) juillet 2005 ; mises à jour : (JBB) 2017, février 2019.


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