Métropolisation chinoise et villes nouvelles : l’exemple de l’aménagement polycentrique de Shanghai
Bibliographie | citer cet article
Le regard des enseignants
Cet article peut servir à préparer une étude de cas, par exemple dans le programme de terminale STMG, sur le sujet d’étude « une ville mondiale ». Il montre bien, au-delà de la dimension fonctionnelle d’une ville mondiale, les conséquences urbaines du processus de métropolisation. Le desserrement par le polycentrisme peut donc être vu comme la capacité pour une ville mondiale à prendre en compte sa croissance démographique par une planification spatiale devenue indispensable et plutôt bien maîtrisée (hétérogénéité des pôles multifonctionnels, intégration par les voies de communications) aux dépens toutefois des espaces agricoles périphériques, ce que la carte 7 (Métropolisation et villes nouvelles à Shanghai) et la photo 4 (Le front d’urbanisation de la ville nouvelle de Songjiang) illustrent particulièrement bien.
M. C. / Atelier pédagogique de l’APHG de Lyon
En Chine, l’urbanisation est retardée jusqu’aux années 1990, puis s’accélère en périphérie des très grandes villes dès les années 2000. La ville de Shanghai, située en Chine de l’Est, connaît alors une croissance spectaculaire. Cette municipalité de rang provincial se rend capable de moderniser sa physionomie urbaine, de mobiliser l’ensemble de son territoire afin d’opérer un desserrement, puis un redéploiement polycentrique de ses activités et de sa population vers ses villes nouvelles.
Depuis 1978, la population résidante totale de Shanghai a plus que doublé. En 2013, la municipalité accueille, sur un territoire de 6 340 km² (la moitié de l’Île-de-France), plus de 24,2 millions d’habitants résidants, dont près de 9,9 millions ne sont pas enregistrés à Shanghai (tableau 1).
Tableau 1 : La population de la municipalité de Shanghai en 2013
Source : Shanghai Statistical Yearbook 2014, tableau 2-1. [1] |
Entre 1979 et 2009, la surface urbanisée dans la municipalité passe ainsi de 255 km² à 2 970 km², soit une croissance moyenne de 90 km²/an (tableau 2).
Tableau 2 : L’évolution des surfaces urbanisées de la municipalité de Shanghai entre 1979 et 2009
Source : Yin, Jie, et al., 2011, « Monitoring urban expansion and land use/ land cover changes of Shanghai metropolitan area during the transitional economy (1979-2009) in China », Environ Monit Assess, p. 613-615. |
Les surfaces bâties construites à Shanghai restent relativement stables durant les années 1980 (80 km²), avant de connaître plusieurs pics de croissance comme en 1994 à la réouverture du marché de l’immobilier (155 km²), en 1998 à l’extrême de la bulle immobilière asiatique (191 km²) et à partir de 2002 avec une très forte hausse, lorsque la ville de Shanghai est officiellement retenue pour accueillir l’Exposition universelle de 2010. Les surfaces bâties sont alors multipliées par 2,5 entre 2002 et 2006, avec respectivement 259 et 650 km² construits (graphique 1). L’ampleur de cette croissance urbaine et la singularité de ses rythmes mettent au défi l’intégration des nouvelles périphéries urbaines au système métropolitain (Henriot, 2013b). Ce corpus documentaire s’intéresse à la périphérisation de Shanghai et son aménagement polycentrique, et ce à plusieurs échelles. À l’échelle de la ville-centre, tout d’abord, la Municipalité reprend possession de son espace urbain dans les années 1990 et opère d’importantes modernisations de son tissu urbain. À l’échelle de la municipalité, plusieurs programmes d’aménagements de villes nouvelles articulés à la construction de grands équipements structurent un redéploiement polycentrique puis hiérarchisé du territoire municipal dans les années 2000. À l’échelle des villes nouvelles, de véritables pôles de desserrement multifonctionnels accueillant des populations aux origines très différentes s'organisent au tournant des années 2010. |
Graphique 1 : Les surfaces construites à Shanghai entre 1978 et 2013Source : Shanghai Statistical Yearbook 2014, tableau 14-1. |
1. Une modernisation urbaine
1.1. Hériter d’un « paysage gelé » au centre-ville et de villes-satellites mono-industrielles
Entre 1949 et la fin des années 1980, faute d’investissements, le centre-ville de Shanghai conserve le « paysage gelé » des concessions (Bergère, 2002 et 2005). Au contraire, à l’échelle du territoire municipal, et depuis l’annexion, en 1958, de districts ruraux détachés des provinces voisines, il existe une volonté politique de favoriser un réaménagement des périphéries avec le lancement d’un programme de villes-satellites pour soutenir le redéploiement de l’industrie dans l’ensemble du territoire municipal de Shanghai. La banlieue connaît une différenciation fonctionnelle suivant un gradient concentrique. À proximité immédiate de Shanghai, la proche banlieue (jinjiao) est dévolue aux cultures vivrières intensives et accueille les « nouveaux villages » (xincun) ; en périphérie plus éloignée (yuanjiao), les nouvelles banlieues industrielles et les villes-satellites (weixing cheng), peu équipées et mal intégrées au tissu urbain, voisinent avec une agriculture moins intensive, orientée vers la riziculture et la céréaliculture (Kirkby, 1987). Cette organisation spatiale demeure jusqu’à la fin des années 1980 : la ville de Shanghai connaît une forte industrialisation, mais un développement urbain limité, avec une exploitation maximale des équipements et infrastructures hérités.
1.2. Franchir le Huangpu
Dans les années 1990, avec la relance des réformes denguistes et l’accession à de hautes responsabilités dans l’appareil d’État de deux de ses anciens maires, Jiang Zemin et Zhu Rongji, la ville de Shanghai est désignée pour devenir la « tête du dragon » symbolisant la vallée du Yangzi et l’économie chinoise. La ville connaît une forte croissance, qui conduit à un redéploiement territorial dans la contigüité de l’ancienne Puxi, à l’ouest du Huangpu, tandis que la Nouvelle Zone de Pudong, à l’est, se structure dans les années 1990 (Sanjuan, 2009). En juillet 1992 le « schéma directeur du nouvel arrondissement de banlieue de Pudong » cristallise la « modernisation de Shanghai » et planifie notamment l’aménagement de cinq zones de développement destinées à soutenir l'ensemble des champs économiques : le centre d’affaires de Lujiazui (photo 1), la zone de libre-échange de Waigaoqiao, celle d’import-export de Jinqiao, le parc industriel de nouvelles technologies de Zhangjiang et le parc d’agriculture moderne de Sunqiao.
Photo 1 : Le centre d'affaires de Lujiazui
Le centre d’affaires de Lujiazui (au centre), phare de la modernité de Pudong, est ceinturé par le réaménagement des rives de Hongkou (à gauche) et la promenade du Bund (à droite), situés à Puxi.
Avec le développement de Pudong, le centre de gravité de la ville, traditionnellement centré sur Puxi, intègre désormais Lujiazui (Sanjuan, 2009). Le lancement de Pudong marque pour Shanghai un nouvel élan, qui trouve son aboutissement dans le schéma directeur de 1999 et son développement à deux échelles : le centre-ville et l’ensemble du territoire municipal.
1.3. Aménager des centralités secondaires
Le schéma directeur de la ville de Shanghai (carte 1) est publié en 1999 et approuvé par le Conseil des affaires d’État en 2001. Le périmètre du centre-ville initialement circonscrit par le périphérique intérieur est élargi au périphérique extérieur. La ville-centre couvre ainsi une zone de 660 km², articulée autour de quatre pôles secondaires : Xujiahui, Lujiazui-Huamu, Wujiaochang et Zhenru. À l’échelle de la municipalité, pour illustrer le slogan « multiaxe, multiprojet, multicentre », trois axes de développement sont privilégiés : l’axe Shanghai-Nankin (huning), l’axe Shanghai-Hangzhou (huhang) et l’axe littoral le long de l’estuaire du Yangzi et de la mer de Chine (binjiang yanhai) renforcé par les zones asséchées de ce même littoral. Des villes nouvelles (xincheng), et non plus des villes-satellites (weixing cheng), sont également planifiées en périphérie de Shanghai. Le schéma directeur de 1999 reste, à ce jour, le document de planification en vigueur dans la municipalité de Shanghai. Les localisations des nouvelles zones construites évoluent. Les surfaces bâties entre 1978 et le milieu des années 1990 le sont en continuité morphologique avec la ville de Shanghai, notamment le long d’un axe nord-sud. À partir de 1992, la croissance périphérique de Shanghai s’effectue en direction de Jiading, Baoshan, Pudong et Minhang. Au début des années 2000, l’extension urbaine se déploie vers la banlieue plus lointaine, le long des axes de communication routiers ou ferroviaires et des canaux, et par étoffement des bourgs sur les canaux du Jiangnan. En rupture avec la situation ancienne de ville monocéphale, ces extensions urbaines récentes favorisent l’émergence d’un système urbain polycentrique et hiérarchisé, avec des pôles secondaires au sein du centre-ville comme de la municipalité. |
Carte 1 : Le schéma directeur de Shanghai 1999-2020 |
2. Un redéploiement municipal polycentrique hiérarchisé
2.1. Cinq programmes de redéploiement polycentrique
Dans le cadre du schéma directeur de 1999-2020, plusieurs programmes de villes nouvelles sont développés. Ils favorisent un redéploiement polycentrique et hiérarchisé de l’espace métropolitain, et participent à l’intégration des territoires nouvellement urbanisés à la métropole shanghaienne. L’objectif est de répondre par un développement polycentrique aux défis auxquels est confrontée une métropole émergente en croissance rapide : celui de son désengorgement et de la rationalisation de son organisation.
Entre 1999 et 2015, cinq programmes de redéploiement polycentrique (carte 2) se succèdent. Le schéma directeur de Shanghai publié en 1999 et approuvé en 2001 contient un plan d’aménagement de l’armature urbaine à l’échelle de la municipalité, ainsi qu’un plan de relance des villes-satellites, qui sont désormais appelées « villes nouvelles » (xincheng). Onze villes nouvelles de 200 000 à 300 000 habitants sont ainsi planifiées et inégalement aménagées durant les trois plans quinquennaux suivants. Dans le cadre du Xe plan quinquennal (2001-2005), dont le slogan est « urbaniser la banlieue », un projet expérimental « une ville, neuf bourgs » (yi cheng jiu zhen) est lancé en 2001. Il vise la construction de dix « bourgs expérimentaux » (shidian zhen), des villes nouvelles de petite dimension, présentant une composition urbaine et un style architectural à thème : allemand, anglais, italien, etc. En 2003, le plan de construction urbaine à court terme à Shanghai (2003-2007), qui phase et ajuste le schéma directeur de Shanghai (1999-2020), maintient le projet pilote « une ville, neuf bourgs » et préconise de développer en priorité « trois villes nouvelles majeures » (san da xincheng) : Songjiang, Jiading-Anting et Lingang. Ces trois villes nouvelles sont alors planifiées pour accueillir chacune 800 000 à 1 million d’habitants. En janvier 2006, dans le cadre du XIe programme d’action quinquennale (2006-2010) est lancé le projet de redéploiement polycentrique hiérarchisé « 1-9-6-6 » qui réaffirme l’aménagement de neuf villes nouvelles, les trois villes nouvelles majeures, ainsi que six villes nouvelles secondaires de 300 000 habitants (Yu et Luo, 2009 : 15). Enfin, dans le cadre du XIIe programme d’action quinquennal, sept villes nouvelles sont aménagées et distinguées à travers l’appellation ville nouvelle de premier, de second et de troisième rang. La ville nouvelle de Songjiang est planifiée pour accueillir à l’horizon 2020 entre 200 000 et 400 000 habitants, sur 120 km². Ainsi, entre 1999 et 2015, cinq programmes de redéploiement polycentrique se succèdent : ils ajustent, hiérarchisent et phasent le développement des villes nouvelles de Shanghai, mais confirment, à chaque nouveau programme, la polarité de Songjiang, Jiading et Lingang-Nanhui. |
Carte 2 : Les 5 programmes d’aménagement de villes nouvelles (1999-2015)Entre 1999 et 2015, cinq programmes de redéploiement polycentrique se succèdent : ils sont ajustés en fonction des politiques nationales, des orientations établies par les plans quinquennaux, des priorités et des objectifs fixés par la Municipalité et les autorités d’arrondissements, et de leur mise en œuvre par les gouvernements d’arrondissement. |
2.2. Des villes nouvelles articulées à la ville-centre par des infrastructures efficaces de transport
Ces villes nouvelles sont reliées à la ville-centre de Shanghai par un réseau dense d’autoroutes et, suivant les principes du Transit Oriented Development TOD (Zhuo, 2015), par un réseau ferré léger (comparable au RER francilien). « Shanghai Metro » articule les villes nouvelles à la ville-centre : Minhang est atteinte dès novembre 2003, Songjiang, la principale ville nouvelle du Xe plan quinquennal (2000-2005) en décembre 2008 (photo 2). Qingpu et Nanqiao devraient être reliées fin 2020 (tableau 3).
Photo 2 : La station de métro « Université de Songjiang »La station de métro "Songjiang University Town", située sur la ligne n°9, connecte la ville nouvelle de Songjiang à la ville-centre de Shanghai, depuis décembre 2008. En 2012, la station accueille 35 000 usagers par jour. |
Tableau 3 : L’intégration par le réseau ferré léger des villes nouvelles shanghaiennes
Source : Site officiel de « Shanghai Metro » (shanghai ditie), en chinois |
2.3. Une typologie des villes nouvelles construites depuis 15 ans
La typologie des villes nouvelles de Shanghai que nous proposons s’appuie sur une analyse des documents de planification des villes nouvelles, du degré de réalisation des différents projets, et de leur inscription suivant un modèle radio-concentrique, au sein de la municipalité de Shanghai. Elle distingue :
- les villes nouvelles suburbaines de Minhang et Baoshan, développées en continuité morphologique avec la ville de Shanghai, comme l’est Pudong depuis les années 1990 ;
- les villes nouvelles périurbaines : Songjiang, Jiading, Qingpu et Nanhui, la seule ex nihilo, qui connecte le port en eaux profondes de Yangshan, développées depuis une dizaine d’années, et dont la réalisation est relativement avancée ;
- les villes nouvelles périurbaines dont la construction est moins avancée et qui sont localisées plus en périphérie par rapport à la ville-centre : Jinshan, Nanqiao et Chenjia ;
- enfin, les villes nouvelles de petite dimension du projet pilote « une ville, neuf bourgs » de 2001, dont la construction est avancée, qui sont dépourvues d’équipements, mais qui partagent une unité morphologique et une originalité architecturale – îlots d’architectures étrangères ou au contraire typiques du Jiangnan, comme Anting, Gaoqiao ou Zhujiajiao.
Ainsi depuis le lancement des différents programmes de développement polycentrique de villes nouvelles, la municipalité de Shanghai tend vers une organisation polycentrique hiérarchisée, à laquelle se surimpose une organisation radio-concentrique et des couloirs de développement des villes nouvelles, qui constituent des axes de développement de Shanghai, ce qui participe à l’intégration des nouvelles périphéries urbaines à la métropole shanghaienne.
3. Des villes nouvelles, relais de l’urbanisation des très grandes villes chinoises
3.1. Des pôles de desserrement de la population de la ville-centre de Shanghai
À partir de 2000, les nouvelles périphéries urbaines de Shanghai accueillent de manière privilégiée le desserrement de la population issue de la ville-centre. En effet, entre 1999 et 2010, les arrondissements de la ville-centre enregistrent une croissance de leur population relativement faible (9,5 % en moyenne) voire négative dans les arrondissements de l’hyper-centre (Huangpu - 37,4 %, Luwan - 31,9 % et Jing’an - 33,5 %), tandis que les arrondissements de banlieue enregistrent une forte croissance de leur population (Minhang + 74,6 % et Songjiang + 68,9 %) (tableau 4 et carte 3). Les villes nouvelles et nouveaux secteurs urbanisés en banlieue accueillent ainsi le redéploiement municipal de la population.
Tableau 4 : L’évolution par arrondissement de la population résidant à Shanghai entre 1999 et 2010
Sources : Shanghaishi tongji nianji 2000, tableau 2-1 ; Shanghai Statistical Yearbook 2011, tableau 2-5. |
Carte 3 : Le redéploiement de la population dans la municipalité de Shanghai entre 1999 et 2010 |
3.2. Des pôles multifonctionnels de desserrement
Les villes nouvelles shanghaiennes sont désormais de véritables pôles multifonctionnels de desserrement de la municipalité. Ils adossent à des polarités rurales anciennes, voire des villes-satellites industrielles, de vastes secteurs multifonctionnels aménagés suivant les principes du fonctionnalisme introduits dans les années 1990 (Zhuo, 2004). La rationalisation de la trame et du tissu urbains inscrit le zonage fonctionnel dans un plan orthogonal orienté nord-sud et est-ouest. De larges artères se coupant à angle droit et dont le gabarit répond aux nouvelles règles d’urbanisme, séparent strictement les usagers (quatre roues/deux roues/piétons) donnant incontestablement l’avantage à l’automobile (carte 4). L’ensemble articule de vastes secteurs résidentiels de grands collectifs verticalisés, de petits collectifs en bande, du pavillonnaire individuel, des antennes universitaires déconcentrées (sept à Songjiang), des parcs d’agrément, des centres commerciaux, ainsi que des zones industrielles et commerciales périphériques.
Photo 3 : De grands ensembles verticalisés dans la ville nouvelle de SongjiangLa ville nouvelle de Songjiang articule de vastes secteurs résidentiels de grands collectifs verticalisés, de petits collectifs en bande et de pavillonnaire individuel, soit des formes résidentielles diversifiées, destinées à répondre au besoin de différenciation et de distinction socio-spatiale des populations solvables et de la classe moyenne émergente. |
Carte 4 : Organisation de la ville nouvelle de Songjiang et structure résidentielle |
Les nouveaux secteurs sont rapidement aménagés à Songjiang (carte 5), en lieu et place de surfaces agricoles (photo 4), et en continuité avec l’ancien bourg éponyme qui agrège différents tissus urbains : vieille ville, ville-satellite issue des phases d’expansion des années 1960-1980, villages-rues typiques du Jiangnan rattrapés par l’extension urbaine et centre historique reconstruit.
Photo 4 : Le front d’urbanisation de la ville nouvelle de SongjiangLe front d’urbanisation de la ville nouvelle de Songjiang met en présence grands collectifs en construction et villages paysans au milieu des champs. |
Carte 5 : La construction de la ville nouvelle de Songjiang entre 1999 et 2012 |
3.3. Des pôles d’intégration de populations socialement et géographiquement différentes à la métropole shanghaienne
En 2014, l’arrondissement de Songjiang, d’une superficie de 600 km², accueille 1,7 million de résidants, dont plus d’un million, soit 66 %, ne dispose pas du hukou de Shanghai.
Tableau 5 : La population de l’arrondissement de Songjiang en 2014
Sources : données publiées par le gouvernement de l’arrondissement de Songjiang. [1] |
Pour décrire les évolutions démographiques de l’arrondissement et les modalités du peuplement de la ville nouvelle, une comparaison des statistiques des 5e et 6e recensements de la municipalité de Shanghai (tableau 6), a été complétée par des enquêtes de terrain, réalisées en 2011 et 2012.
Tableau 6 : L’évolution de la population résidante, shanghaienne et allochtone entre les 5ème et 6ème recensements dans l'arrondissement de Songjiang (2000-2010)
Sources : Statistiques des 5e et 6e recensements de l’arrondissement de Songjiang, à Shanghai. [1] |
Entre 2000 et 2010, la population résidante de l’arrondissement de Songjiang est passée de 641 156 habitants à 1 582 398 habitants, ce qui correspond à une croissance de + 146,8 % en 10 ans et un taux moyen de + 9,45 % par an. Le territoire de Songjiang a accueilli, en moyenne, 94 124 nouveaux habitants par an entre 2000 et 2010, dont plus de 1/9e ne disposant pas du hukou de Shanghai (wailai changzhou renkou) (carte 6). La croissance démographique de Songjiang résulte de l’arrivée de nouvelles populations et non d’un solde naturel important. L’arrivée de populations disposant d’un hukou de Shanghai est peu significative, comparée à celle de populations allochtones. Le desserrement des habitants disposant du hukou de Shanghai est également silencieux dans la plupart des bourgs et quartiers, excepté dans le quartier de Fangsong, où la part des populations allochtones chute, concurrencée par l’arrivée importante, de populations résidantes détentrices du hukou de Shanghai. La ville nouvelle connaît une évolution démographique différente, qui confirme son rôle dans la redistribution intra-métropolitaine des populations shanghaiennes. |
Carte 6 : L’évolution de la population résidante totale, des densités et du taux de résidants non shanghaiens entre 2000 et 2010 |
La croissance de la population dans l'arrondissement de Songjiang (2000-2010)
Graphique 2 : La croissance relative de la population résidante totale, de la population shanghaienne et des populations non shanghaiennes |
Graphique 3 : La croissance par effectifs de la population résidante totale, de la population shanghaienne et des populations non shanghaiennes
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Le quartier de Fangsong est le seul territoire de l’arrondissement de Songjiang à connaître une forte augmentation de sa population shanghaienne entre 2000 et 2010, avec l’arrivée de 96 613 détenteurs d’un hukou de Shanghai, pour 42 209 résidants allochtones. Le quartier de Fangsong s’est peuplé en 10 ans d’environ un tiers de populations non shanghaiennes, mais surtout de plus de deux tiers de Shanghaiens par un mouvement de desserrement de l’ancienne ville-satellite de Songjiang, c’est-à-dire du quartier de Yueyang, et par un départ des populations rurales originaires des territoires les moins urbanisés de l’arrondissement de Songjiang.
Des enquêtes de terrain menées en 2011 et 2012 sur les mobilités résidentielles ont notamment permis de dégager que la ville nouvelle de Songjiang présente une trajectoire de peuplement particulière. La ville nouvelle de Songjiang a été peuplée, dans un premier temps, par les populations rurales délogées lors de la viabilisation des secteurs à urbaniser dans le quartier de Fangsong, ainsi que par desserrement de l’ancien bourg de Songjiang et par exode rural en provenance des campagnes environnantes. Dans un second temps, encouragés par la construction de la ligne de métro n° 9 (carte 4, photo 2), ce sont des Shanghaiens originaires de la ville-centre et des résidants allochtones, qu’ils soient cols blancs, cols bleus, retraités ou en villégiature, qui s’installent dans la ville nouvelle, même si cette tendance reste concurrencée par l’ouverture de nouveaux secteurs à l’urbanisation dans le nord-est de l’arrondissement – en continuité avec l’expansion urbaine de la ville-centre de Shanghai.
La ville nouvelle de Songjiang est un pôle de desserrement multifonctionnel et s’articule comme une ville-relais de la ville-centre de Shanghai, un pôle d’intégration : elle accueille les populations nouvellement urbaines et/ou nouvellement shanghaiennes.
Conclusion
En rupture avec la situation ancienne de ville monocéphale, surpeuplée, au paysage urbain « gelé », Shanghai opère une modernisation de ses tissus urbains centraux dans les années 1990, puis un desserrement de ses fonctions métropolitaines au sein de la municipalité dans les années 2000. Ces recompositions sont particulièrement visibles dans les nouvelles périphéries urbaines de Shanghai, où la périphérisation et le polycentrisme structurent un parc résidentiel différencié, destiné à accueillir les nouvelles classes moyennes à aisées, c’est-à-dire orienté vers les catégories solvables de la population. La ville nouvelle de Songjiang illustre une mise en lumière de Shanghai par son premier pôle de redéploiement métropolitain. La production urbaine s’y caractérise par l’accélération récente des recompositions territoriales et sociales, l’hétérogénéité des éléments qu’elle agrège (ancien bourg rural, ville-satellite mono-industrielle, ville nouvelle, nouveau quartier résidentiel, campus déconcentré, parc d’activités, campagnes alentour), et par l’appropriation de modèles d’aménagement urbain internationaux (villes-satellites, villes nouvelles). Ces extensions urbaines récentes favorisent l’émergence d’un système urbain polycentrique et hiérarchisé, avec des pôles secondaires, véritables pôles multifonctionnels de desserrement et d’intégration à l’échelle de la municipalité. Ces villes nouvelles fonctionnent comme des villes-relais de la métropole shanghaienne et de la « Grande région urbaine du Bas-Yangtsé », l’une des dix grandes régions urbaines chinoises dont le plan d’aménagement est publié en 2010, et qui accorde une place prépondérante aux villes-relais d’axes de développement régionaux à Songjiang, Jiading et Lingang-Nanhui. |
Carte 7 : Métropolisation et villes nouvelles à Shanghai |
Notes
[1] La population résidante totale (changzhu renkou) correspond à la somme de la population enregistrée shanghaienne (benshi huji renkou) et de la population résidante allochtone (wailai changzhu renkou). La population enregistrée dispose d’un hukou de Shanghai, tandis que la population résidante allochtone ou non shanghaienne dispose d’un permis de résidence à Shanghai, sans en posséder le hukou.
Pour compléter
Ressources bibliographiques
- Bergère, M.-C., 2002, Histoire de Shanghai, Paris, Fayard, 520 p.
- Bergère, M.-C., 2005, « Le développement urbain de Shanghai, un "remake" ? », Vingtième Siècle, n° 85, p. 46-47.
- Den Hartog, H., 2009, "Shanghai New Towns - Searching for community and identity in a sprawling metropolis", in The New Urban Question – Urbanism beyond Neo-Liberalism, The 4th International Conference of the International Forum on Urbanism (IFoU), Amsterdam/Delft, p. 1379-1385.
- Henriot, C., 2013a, « Aménager les périphéries urbaines chinoises : ville nouvelle et partenariat public-privé à Shanghai », Urbia. Les cahiers du développement urbain durable, hors-série n° 1 « Urbanisme et aménagement du territoire, un aperçu de la jeune recherche francophone », p. 207-222.
- Henriot, C., 2013b, « Villes nouvelles et redéploiement métropolitain à Shanghai. Les nouvelles périphéries urbaines chinoises », thèse de doctorat en géographie, sous la direction de Thierry Sanjuan, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 440 p.
- Henriot, C. 2014, « Développement immobilier et redéploiement résidentiel à Shanghai : Le cas de la ville nouvelle de Songjiang », in Jean-Louis Chaléard, Métropoles aux Suds. Le défi des périphéries ?, Karthala, p. 195-206.
- Henriot, C., « Les politiques chinoises de villes nouvelles : trajectoire et ajustements de l’action publique urbaine à Shanghai », Géocarrefour, 90/1 | 2015, p. 27-38.
- Kirkby, R. J. R., 1987, « A review of satellite town policies in the People's Republic of China. The experience of Shanghai », dans D. Philips et A. Yeh, dir., 1987, New towns in East and South East Asia, Hong Kong, Oxford University Press, p. 205-230.
- Sanjuan T., 2009, Atlas de Shanghai, Paris, Autrement, 88 p.
- Shanghai Statistical Yearbook, Shanghai, Bureau des statistiques de Shanghai, 2000, 2011, 2014.
- Songjiangqu zhengfu [Gouvernement de l’arrondissement de Songjiang],
- Yin, Jie, et al. , 2011, « Monitoring urban expansion and land use/land cover changes of Shanghai metropolitan area during the transitional economy (1979-2009) in China », Environ Monit Assess, p. 613-615.
Ressources webographiques
- China Statistical Yearbooks Database : les statistiques (en anglais)
- Consulat Général de France à Shanghai : dossier L'urbanisme durable à Shanghai,
en particulier l'article de Jean-Jacques Pierrat et Carine Henriot, La ville nouvelle de Lingang - Le poster Paysages résidentiels et divisions socio-spatiales à Shanghai, primé au FIG de Saint-Dié 2012
et son commentaire : Carine Henriot, « Paysages résidentiels et divisions socio-spatiales à Shanghai », Mappemonde, n° 115, 3-2014.
- Virtual Shanghai : des cartes, des images, des textes
- Shanghai, image satellite de nuit, NASA Earth Observatory, 16 avril 2012
- Planète Terre : une trilogie qui a donné lieu à la publication de nombreux documents sur le site de l'émission de S. Kahn.
- Shanghaï, la meilleure des villes (1/3) : un océan de tours, 29 décembre 2010.
- Shanghaï, la meilleure des villes (2/3) : le petit livre de la croissance (urbaine) 05 janvier 2011
- Shanghaï, la meilleure des villes (3/3) : des millions de propriétaires sans voix 12 janvier 2011. - Sur Géoconfluences, Christian Henriot, « Les divisions de la ville à Shanghai : les mots de la croissance métropolitaine », 2003.
Une conférence de Carine Henriot sur le même sujet :
Carine Henriot, « Shanghai, la réémergence d'une métropole chinoise moderne », WebTV UTC, la chaîne vidéo de l'Université de technologie de Compiègne, 65 minutes. |
Carine HENRIOT,
maître de conférences en urbanisme, Université de technologie de Compiègne, EA 7284 Avenues
chercheuse associée à l’UMR 8586 Prodig.
conception et réalisation de la page web : Marie-Christine Doceul.
Pour citer cet article :Carine Henriot, « Métropolisation chinoise et villes nouvelles : l’exemple de l’aménagement polycentrique de Shanghai », Géoconfluences, février 2016.URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/la-chine/corpus-documentaire/villes-nouvelles |
Pour citer cet article :
Carine Henriot, « Métropolisation chinoise et villes nouvelles : l’exemple de l’aménagement polycentrique de Shanghai », Géoconfluences, février 2016.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/la-chine/corpus-documentaire/villes-nouvelles