Débrouille et bricolage
La débrouille, la débrouillardise (l'aptitude à la débrouille), ou le « système D », désignent la capacité des individus ou des collectifs à « faire avec » l’existant, en dépit des contraintes matérielles, en particulier dans un contexte de précarité. Plus largement, l’étude des adaptations individuelles aux contraintes externes, notamment spatiales et sociales, doit beaucoup aux textes de Michel de Certeau (1980), qui les appelle « ruses du quotidien » ou encore « braconnages culturels ». La géographie lui doit en partie d’avoir mis l’accent sur les « pratiques spatiales » qui ont ensuite inspiré l’entreprise de conceptualisation du vocabulaire de la discipline dirigée par Jacques Lévy et Michel Lussault (2003). De Certeau y est cité dans 9 entrées (« parcours », « habiter »…) et fait l’objet d’une entrée à son nom (Dosse, 2003).
La débrouillardise et le bricolage sont centraux dans l’étude de l’informalité, par exemple des formes de marginalité ou de l’habitat précaire (les bidonvilles). Il s’agit de faire une géographie « par le bas », dans laquelle l’inventivité et la frugalité font office de ressources, hors de toute comptabilité possible. Elle est aussi une réponse locale des individus, particulièrement ceux placés en bas de l’échelle sociale, aux diverses formes de domination, particulièrement dans les systèmes dérégulés et néolibéraux. La débrouille peut être, enfin, une réponse collective et institutionnalisée face au manque de ressources, comme dans le cas des « bricolages hydrauliques » étudiés par Ismaël Maazaz (2021) au Tchad.
(JBB), septembre 2022. Dernière relecture : septembre 2024.
Références citées
- De Certeau, Michel (1980), L’Invention du quotidien, 1. « Arts de faire » et 2. « Habiter, cuisiner » ; Gallimard, rééd. 1990.
- Dosse François, « Michel de Certeau », in Jacques Lévy et Michel Lussault (dir.) (2003), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés. Belin (rééd. 2013), p. 146-147.
- Lévy Jacques et Lussault Michel (dir.) (2003), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés. Belin (rééd. 2013).
- Maazaz Ismaël, « Hydraulic bricolages: coexisting water supply and access regimes in N’Djamena, Chad », EchoGéo [En ligne], 57 | 2021.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Joseph Samba Gomis, « Quand la débrouille des habitants pallie une politique urbaine défaillante : l’extension de l’habitat informel dans l’agglomération de Ziguinchor (Sénégal) ». Géoconfluences, septembre 2021.
- Natacha Gourland, « Du parkour aux parkour parks : des sports de rue devenus « indoor » à Paris et à Montréal », Géoconfluences, mai 2019.
- Octavie Paris, « Les cortiços à Salvador de Bahia, entrer dans un logement caractéristique des villes brésiliennes », Géoconfluences, mars 2018.
- Christophe Imbert, Julie Chapon et Madeleine Mialocq, « L’habitat informel dans l’ouest de l’Ariège : marginalité ou alternative à la norme ? », Géoconfluences, mars 2018.
- Marie Morelle, « Marginalité », Notion à la une de Géoconfluences, juillet 2016.
- Karine Bennafla, Notion à la une : informalité, Géoconfluences, 2015.