Développementalisme
Le développementalisme est l’idéologie du développement, abordée dans une perspective critique. Parler d’une « politique développementaliste » introduit une nuance péjorative par rapport à une « politique de développement ». Cette critique porte principalement sur deux aspects :
Le développementalisme peut être une approche centrée sur les buts plutôt que sur les moyens (le « développement pour le développement »). En oubliant les leviers d’action, le rôle des acteurs, notamment des habitants, l’importance de la transparence et de la démocratie locale, alors la stratégie adoptée risque l’échec ou en tout cas des résultats très mitigés. Lorsqu’elle fonctionne, c’est au prix du sacrifice d’une partie de la population laissée pour compte ou des libertés publiques, comme dans le cas du « développementalisme thermidorien » en Éthiopie, qui est une « une marche forcée vers la modernité libérale appuyée sur une rhétorique démocratique masquant un autoritarisme politique » (Benoît et al., 2017). Dans le même ordre d’idée, le développementalisme peut désigner une focalisation sur la technologie et l’ingénierie dans la résolution des problèmes, au détriment d’approches systémiques plus intégrées, comme c’est souvent le cas des projets de « villes intelligentes » (Leprêtre, 2017).
L’autre versant de la critique peut reposer sur ce que les autorités entendent par développement : le « développementalisme » peut désigner l’idéologie du développement fondé sur la recherche de croissance (développement économique) au détriment des aspects sociaux (le développement humain) et environnementaux (le développement durable, qui intègre théoriquement les trois aspects de façon équilibrée). Le développementalisme vietnamien, en misant sur l’urbanisation comme clé de la croissance économique, accentue les effets d’une crise environnementale déjà prononcée dans ce pays (Duchère, 2018), et ce d’autant plus qu’il est situé dans un point chaud de la biodiversité.
Dans les deux cas, les politiques mises en œuvre risquent l’inefficacité, voire la contre-productivité (une croissance économique entraînant des dégradations environnementales telles que leur coût social et économique est supérieur aux bénéfices). Ces critiques convergent sur un point, c’est la dénonciation d’un manque de réflexion et de recul critique dans la mise en œuvre, par certains acteurs politiques, de leur stratégie de développement.
(JBB), mars 2023, dernière relecture novembre 2024.
Références citées
- Karine Bennafla et Hala Bayoumi, « Démonstration de puissance ou aveu d’impuissance ? La nouvelle capitale administrative de l’Égypte », Géoconfluences, mars 2023.
- Benoît Léa, Calas Bernard, Racaud Sylvain, Ballesta Olivier et Drevet-Demettre Lucie, « Roses d'Afrique, roses du monde », Géoconfluences, septembre 2017.
- Duchère Yves, « Image à la une : la pollution de la rivière To Lich à Hanoï », Géoconfluences, septembre 2018.
- Leprêtre Nicolas, « Les villes « intelligentes » au Japon », Géoconfluences, août 2017.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Sur le développementalisme vietnamien : Yves Duchère, « L'État-parti et la ville. Le moment post-moderne de l'urbanisation vietnamienne », Géoconfluences, janvier 2023.
- Jean-Benoît Bouron, Laurent Carroué et Hélène Mathian, « Représenter et découper le monde : dépasser la limite Nord-Sud pour penser les inégalités de richesse et le développement », Géoconfluences, décembre 2022.