Discours, discours géographique
Dans une perspective de sciences humaines et sociales, le discours peut être défini comme « résultat de l’activité langagière d’un acteur » (Garcia, 2013, p. 284) ou comme le fruit de « l’activité de sujets inscrits dans des contextes déterminés produisant des énoncés d’un autre ordre que celui de la phrase » (Maingueneau, 2009, p. 44).
Cette activité langagière peut relever de différentes modalités, verbale (orale ou écrite), iconique, gestuelle et peut associer plusieurs modalités comme dans le langage cartographique qui associe deux langages graphiques : le langage iconique et le langage verbal écrit. Les formes d’organisation de cette production langagière sont multiples : discours continu du texte ou de l’exposé oral, discours produit dans une interaction conversationnelle, unité de discours de la carte. Le discours produit ne peut pas être compris sans prendre en compte une pluralité de contextes dans lesquels s’inscrit l’activité de celui ou celle qui réalise une production discursive : contexte étroit ou immédiat d’énonciation, lieu ou média auxquels le discours s’ajuste, mais aussi contexte large dans lequel s’inscrit le discours par un ensemble de références, explicites ou implicites, à des réalités ou à d’autres discours. Cette contextualisation procède de « l’interactivité constitutive » de tout discours (Maingueneau, 2009, p. 46) qui est toujours adressé à des destinataires (même non présents) et toujours inscrit dans un « interdiscours », un ensemble de relations explicites ou implicites avec d’autres discours, contemporains ou non, du même genre de discours, ou non.
En didactique de la géographie, cette approche du discours permet d’étudier des discours géographiques produits, en contexte scolaire, au sujet de réalités spatiales en mobilisant des savoirs sur l’espace. Considérant que les savoirs sur l’espace en usage peuvent être situés entre deux bornes, celles de la « géographie spontanée des sociétés » et de la « géographie raisonnée des géographes » (Retaillé, 1996), Jean-François Thémines (2006) propose d’étudier une diversité de discours géographiques également situés entre deux bornes, celle des « discours du quotidien » qui nous permettent de ne pas nous perdre et celle des « discours de la géographie instituée », universitaire, scientifique ou scolaire. À l’École, dans le premier comme dans le second degré, élèves et enseignants produisent des discours géographiques, oraux, écrits, graphiques et cartographiques, qui se situent entre ces deux bornes et relèvent souvent d’hybridations entre discours du quotidien sur l’espace et discours institués de la discipline scolaire et universitaire. Ces hybridations mêlent des registres de vocabulaire variés (commun / géographique), des modalités de représentation graphique de natures diverses (dessin figuratif / icône / symbole conventionnel), ainsi que des formes d’organisation textuelle ou cartographique qui se réfèrent à différents pôles de savoirs géographiques (Chevalier, 1997) : géographies scolaire ou grand public, dans les discours des élèves, géographies scolaire, grand public, universitaire et appliquée, dans les discours des enseignants.
Anne Glaudel pour l’équipe de recherche Géodusocle, mai 2022.
Références citées
- Chevalier Jean-Pierre, 1997. « Quatre pôles dans le champ de la géographie ? » Cybergeo: European Journal of Geography.
- Garcia Patrick, 2013. « Discours », in : Lévy Jacques & Lussault Michel, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés. Paris, Belin, p. 284-286.
- Maingueneau Dominique, 2009. Les termes clés de l'analyse du discours. Paris, Seuil, 143 p.
- Retaillé Denis, 1996. Rendre le monde intelligible. L'information géographique, 60 (1-2), p. 30-39.
- Thémines Jean-François, 2006. Enseigner la géographie un métier qui s'apprend. Caen, SCEREN de Basse Normandie / Paris, Hachette Education, 158 p.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Géodusocle (équipe de recherche collective), « La géographie apprise à l’école et au collège : quelques clés de lecture à partir d’une recherche conduite dans plusieurs académies », Géoconfluences, mai 2022