Écoféminisme
L'écoféminisme est un courant des éthiques environnementales qui pose au centre de sa réflexion la question des relations de genre et de domination dans l'approche de la protection environnementale. L’écoféminisme, écrit Catherine Larrère (2012, p. 105) « a mis au cœur de sa réflexion les connexions qui existent entre la domination des hommes sur la nature et celle qu’ils exercent sur les femmes ». Le mot date des années 1980, mais l'origine du mouvement peut remonter au moins à la publication de Silent Spring par la biologiste Rachel Carson en 1962, qui fut l'une des premières dénonciations des pollutions aux pesticides et une remise en question de l'approche techniciste des questions environnementales.
Cette réflexion amène les écoféministes à remettre en cause une approche de la nature dominée par l'homme, par analogie avec la domination masculine sur les femmes. Elles s'appuient sur l'étude des textes remontant au XVIIe siècle et présentant une vision mécaniste de la nature, comme ceux du philosophe Francis Bacon (1561–1626), et sur le langage courant et ses expressions évoquant une « forêt vierge », une « nature vierge » ou « inviolée », ou encore un homme « conquérant » exerçant sur la nature sa « domination » (voir Merchant, 1980).
Cela les conduit à condamner une vision de la gestion et de la protection qui serait celle des hommes blancs occidentaux. Catherine Larrère cite des exemples d'approches féministes de la protection environnementale : plutôt qu'une mise sous cloche des milieux, ces approches préconisent une prise en compte des minorités dans la protection de la nature fondée sur l'éthique plutôt que sur des dispositifs techniques imposés verticalement. En ce sens, il s'agit d'une approche intersectionnelle des questions environnementales, qui rejoint les préoccupations des travaux sur l'éthique de la sollicitude (ou éthique du care).
L'écueil de l'écoféminisme peut être de tomber dans l'essentialisation, en attribuant aux femmes des qualités qui correspondent en fait à des représentations de genre. Cette critique entre dans le champ de la réflexion des travaux écoféministes, qui l’ont prise en compte : « Si le féminin est une construction sociale, l’écoféminisme, qui rapproche les femmes et la nature, s’expose à être accusé d’essentialisme. [...] Carolyn Merchant [rejette] l’idée selon laquelle « les femmes auraient un savoir spécial de la nature, ou des capacités spéciales pour en prendre soin » (2004, p. 235) » (in Larrère, 2012, p. 115).
(JBB) octobre 2017, dernière relecture : mars 2024.
Références citées
- Merchant Carolyn (1980), The Death of Nature. Women, Ecology and the Scientific Revolution, San Francisco, Harper and Row.
- Larrère Catherine (2012), « L’écoféminisme : féminisme écologique ou écologie féministe », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 22 | 2012, mis en ligne le 21 mai 2014.