Vous êtes ici : Accueil / Glossaire / Globalisation

Globalisation

Publié le 13/05/2024
PDF

Parallèlement à la mondialisation, qui est le processus de constitution du Monde comme lieu, la globalisation est la constitution de l’échelle globale comme niveau scalaire pertinent pour penser et agir dans différents domaines, allant de l’économie à l’environnement. Le mot a été utilisé pour la première fois en 1944 par Manley O. Hudson (Capdepuy, 2015). En anglais, il n’existe qu’un mot pour exprimer les notions de globalisation et de mondialisation (Ghorra-Gobin, 2017).

La globalisation est souvent associée aujourd’hui à la mondialisation économique et financière. Dans les années 1990, il était assez commun, à tort, d’attribuer l’invention du mot, en anglais, à l’économiste Theodore Levitt, qui l’avait employé en 1983 dans la Harvard Business Review, « The Globalization of Markets ». Il y faisait le constat que certaines entreprises développaient désormais des produits standardisés à l’échelle mondiale, distinguant les entreprises multinationales opérant dans un certain nombre de pays, ajustant leurs produits, et les entreprises mondiales, opérant « comme si le monde entier (ou ses principales régions) n’était qu’une seule entité », considérant que « la Terre est plate » (Levitt, 1983). Ce sens d’« extension à l’espace mondial des activités économiques et financières » est parfois également attribué au mot « mondialisation », au détriment d’une signification plus générale.

Si on se départit de cette vision économique trop restreinte, la mondialisation peut être comprise comme le processus géohistorique de mise en monde d’un ensemble de sociétés jusqu’alors étrangères l’une à l’autre par la mise en connexion et l’intégration d’espaces distants, ce qui n’implique pas d’échelle spécifique. On pourra ainsi être plus précis en parlant de mondialisation globale pour désigner ce même processus étendu à l’ensemble de l’humanité et de l’espace terrestre. Ainsi, la globalisation doit-elle être comprise au sens littéral du terme comme la constitution de l’espace global, c’est-à-dire le processus par lequel le globe terrestre est devenu un espace unique, reconnu, parcouru, exploité, habité (Capdepuy, 2023). La globalisation pourrait ainsi être définie, dans sa dimension historique, comme le processus d’extension de l’écoumène. Friedrich Ratzel l’écrivait dès 1891, l’exploration des terres inconnues touchaient à sa fin et l’humanité se trouvait désormais face à toute l’étendue du globe sans possibilité de conquérir une seconde Terre. La planète était un espace fini qui devait amener à une unité hologéenne – de toute la Terre –, à une conscience globale : « La forme sphérique, initialement un fait astrophysique, est devenue la condition préalable d’une Terre partout cohérente, parcourue sur l’ensemble de son contour, qui est devenue la maison de cette humanité unique. » La globalisation est devenue symboliquement effective au début du XXe siècle, lorsque des aventuriers sont enfin parvenus au pôle Nord puis au pôle Sud, lorsque nous sommes parvenus aux « limites de notre cage » pour reprendre le titre de la conférence donnée par Jean Brunhes en 1909 (Brunhes, 1911). Depuis, les progrès des moyens de transport et de communication ont participé « à une compréhension du Monde et à l’intensification de la conscience du Monde comme un tout » (Robertson, 1992). L’exploration spatiale peut ainsi être comprise comme une poursuite de la globalisation hors des limites terrestres, une extra-globalisation.

Vincent Capdepuy, mai 2024.


Références citées
  • Capdepuy Vincent (2015), « L’entrée des États-Unis dans l’âge global », Monde(s), n° 8, p. 177–196.
  • Capdepuy Vincent (2023), Le Monde ou rien : histoire d’un concept géographique, Lyon, Presses universitaires de Lyon.
  • Brunhes Jean (1911), Au seuil de l’année 1910. Les limites de notre cage, Fribourg.
  • Ghorra-Gobin Cynthia (2017), « Notion en débat : mondialisation et globalisation », Géoconfluences, décembre 2017.
  • Hudson Manley O. (1944), « The International Law of the Future », The Rocky Mountain Law Review, vol. 17.
  • Levitt Theodore (1983), « The Globalization of Markets », Harvard Business Review.
  • Ratzel Friedrich (1891), Anthropogeographie, Vol. II, Die geographische Verbreitung des Menschen, Stuttgart, Verlag von J. Engelhorn.
  • Robertson Roland (1992), Globalization. Social Theory and Global Culture, Londres, SAGE Publications.
Affiner les résultats par :