Néoconservatisme
En géopolitique, le néoconservatisme est un courant issu des États-Unis qui affirme placer la diffusion de la démocratie au centre de ses projets et de ses stratégies (Bourgois, 2023). De là découle une politique interventionniste qui a souvent pris un aspect militaire, qui prône l’ingérence et qui rejette l’isolationnisme propre à une certaine tradition américaine.
Spécialiste du courant néoconservateur, Justin Vaïsse définit le néoconservatisme comme « l’avatar de l’esprit messianique américain, l’expression d’un nationalisme sous-jacent depuis les origines du pays » qui entend défendre et étendre la démocratie, ou une certaine idée de la démocratie, à l’étranger (Vaïsse, 2008, p. 287). Les États-Unis seraient ainsi une nation exceptionnelle dont la mission est d’apporter la paix et la liberté au reste du monde (Bourgois, 2023, p. 231–232, 248). Pour ces raisons, le néoconservatisme a pu être également présenté comme un impérialisme.
Pour les néoconservateurs, les démocraties seraient moralement supérieures aux autres régimes, car elles ne se feraient pas la guerre et donc garantiraient la paix. Selon eux, la paix régnera sur toute la surface du globe lorsque tous les pays seront devenus démocratiques, comme l’affirme Francis Fukuyama, un des principaux théoriciens du néoconservatisme (Fukuyama, 1989). Les États-Unis doivent donc promouvoir la démocratie à l’extérieur pour assurer leur propre sécurité, y compris par l’usage de la force et au mépris du droit international.
Le courant néoconservateur apparaît à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Ses fondateurs, à l’origine issus de la gauche et proches du parti démocrate, deviennent conservateurs lors de la guerre du Vietnam. Ce courant connaît ensuite deux moments clefs, qui correspondent à l’apogée de leur influence sur la politique américaine : le premier mandat de Ronald Reagan et le premier mandat de George W. Bush (Vaïsse, 2008, p. 196 ; Bourgois, 2023, p. 16-17). Les néoconservateurs ont pu alors fournir certains de leurs cadres à ces deux administrations et ébaucher une mise en œuvre de leurs principes. C’est du reste un néoconservateur particulièrement actif, Charles Krauthammer, qui a forgé les termes de « doctrine Reagan » et de « doctrine Bush » en matière de politique étrangère, dont il a été un des principaux promoteurs.
Le prisme de la démocratie explique en partie les permanences de leur vision géopolitique. Il y a ainsi selon eux des régimes infréquentables car opposés à la démocratie, qu’il faut combattre voire renverser. Le soutien sans faille des néoconservateurs à Israël ainsi que leur hostilité envers l’Iran s’explique par ce prisme de la démocratie : face à l’Iran autoritaire, Israël est considéré comme la « seule démocratie au Moyen-Orient » et la « tête de pont » dans la région.
La géopolitique néoconservatrice s’explique aussi par la volonté d’assurer la domination des États-Unis sur la scène internationale. D’après elle, il faut empêcher les autres grandes puissances, comme la Russie et la Chine, de contester la domination des États-Unis. Cette vision se défie également des institutions internationales comme l’ONU et du multilatéralisme, qu’elle juge incapables de faire respecter la démocratie et la sécurité internationale. Se soumettre aux règles de l’ONU serait ainsi, pour les néoconservateurs, abdiquer une part de la souveraineté des États-Unis, et ne pourrait aboutir qu’à un affaiblissement des États-Unis au profit de leurs ennemis.
Après l’échec des guerres en Irak et en Afghanistan, les néoconservateurs perdent de leur influence. Lors des présidentielles de 2016, beaucoup de néoconservateurs réputés tels Robert Kagan, William Kristol ou encore Francis Fukuyama sont hostiles à Donald Trump, notamment à cause de son programme de politique étrangère jugé trop isolationniste : ils craignent qu’il n’aboutisse au déclin du rayonnement des États-Unis dans le monde. La réélection de Donald Trump en 2024 peut paraître un nouvel échec pour le courant néoconservateur. Cependant, « s’il ne semble [aujourd’hui] toujours pas relevé de sa chute post-George W. Bush, le néoconservatisme pourrait tout à fait retrouver son influence à l’avenir et, en cela, jouer à nouveau un rôle de premier plan au sein de la vie politique et intellectuelle américaine » (Bourgois, 2023, p. 357).
Vincent Cerutti, juin 2025.
Références citées
- Bourgois, Pierre (2023), Le néoconservatisme américain, la démocratie pour étendard, PUF, Paris.
- Fukuyama, Francis (1989), « La fin de l’histoire ? », Commentaire, Numéro 47(3), p. 457-459.
- Vaïsse, Justin (2008), Histoire du néoconservatisme aux États-Unis. Le triomphe de l’idéologie, Odile Jacob, Paris.
Pour aller plus loin
- Kessler, Nicolas (1998), Le conservatisme américain, PUF, « Que sais-je ? », Paris.







