Souveraineté
La souveraineté renvoie à l’exercice du pouvoir par un monarque (CNRTL). La Révolution française a retourné le mot pour l’appliquer au peuple, devenu souverain ; plus généralement la souveraineté désigne le plus haut degré d’autorité, sans échelon hiérarchique placé au-dessus : on dit par exemple d’un jury de concours qu’il est « souverain », dans la mesure où aucune autorité ne peut lui demander par exemple de modifier sa notation.
Dans le domaine de la géopolitique et de la géoéconomie, la souveraineté désigne aussi une position dans laquelle un État n’est pas en situation de dépendance par rapport à des fournisseurs. La recherche de la souveraineté est alors une volonté de rééquilibrer une balance commerciale : la souveraineté alimentaire, ou énergétique, signifie le fait de disposer de ses propres ressources alimentaires ou énergétiques. C’est alors un synonyme d’indépendance. Le nombre d’épithètes accolés ne cesse d’augmenter et on parle désormais de souveraineté pharmaceutique, numérique…
La souveraineté d’un État est aussi sa capacité à maîtriser tous les aspects régaliens, c’est-à-dire qui relèvent prioritairement de ses compétences : frontières, armées, police, fiscalité. Les États les plus faibles (en particulier les États faillis) ne sont pas souverains, notamment lorsqu’une partie de leur territoire est constitué de zones grises qu’ils ne contrôlent pas vraiment, ou que des factions se livrent à des guerres privées pour le contrôle du territoire, de l’armée et de l’appareil d’État.
La construction d’ensemble supranationaux comme l’Union européenne, la mise en place de traités de libre-échange, et plus généralement la mondialisation économique, crée une tension avec la souveraineté conçue à l’échelle des États westphaliens à l’époque moderne. L’incapacité des pouvoirs politiques nationaux à infléchir les évolutions économiques et à maîtriser les stratégies des entreprises dans le cadre d’une économie de marché libérale et dérégulée est une perte de souveraineté. Pour que les peuples restent souverains, des mécanismes démocratiques de régulation et de contrôle auraient dû être mis en place à l’échelle mondiale. De tels mécanismes sont cependant progressivement mis en œuvre à l’échelle communautaire, mais ils sont en partie détournés au profit des lobbies. L’absence de contre-pouvoir face aux réformes néolibérales impulsées par l’OMC et les institutions financières internationales alimente les partis dits « souverainistes », qui raisonnent à l’échelle des États et refusent toute organisation supranationale.
(JBB), novembre 2024.