Odonymie
L'odonymie est la branche de la toponymie qui s'intéresse aux noms de voies, notamment rues, avenues, boulevards, impasses, etc., et plus généralement aux noms d'espaces publics ouverts (places, esplanades, squares, etc.) voire, au sens le plus large, à l'ensemble des noms d'espaces publics (établissements scolaires, bibliothèques, stades, etc.). Le terme vient du grec hodos, route.
L'odonymie n'est pas un donné mais un construit : les noms donnés aux espaces publics reflètent la culture d'une société donnée. Cette culture évoluant à un rythme différent de celui des odonymes (certains noms de rue peuvent ainsi dater de l'époque médiévale), une dissonance peut se faire jour. C'est le cas par exemple de personnages historiques célébrés à une époque avant d'être honnis ultérieurement (esclavagistes nantais, bristoliens ou antillais, députés républicains français ayant soutenu la colonisation, ou encore militaires sudistes aux États-Unis). Inversement, certaines figures sont célébrées aujourd'hui après avoir été condamnées de leur vivant. Ainsi, l'odonymie d'aujourd'hui reflète-t-elle la place des femmes et des minorités dans des sociétés passées, en tout cas telles que ces sociétés se voyaient elles-mêmes, ce qui justifie un débat sur l'opportunité de la modifier pour qu'elle reflète davantage les préoccupations actuelles d'inclusion. Jean Rieucau (2021) relève que sur 33 % d'odonymes portant des noms de personnalités en France, seuls 6 % sont celui d'une femme.
L'odonymie a une forte dimension politique puisqu'elle est décidée par une autorité en place. Cette autorité est le plus souvent municipale mais à certaines époques, les maires étaient nommés par le pouvoir en place. Ainsi, dans certaines villes, au gré des soubresauts politiques de l'histoire politique française, la rue Royale est devenue successivement rue de la République, rue Napoléon Ier, rue Royale à nouveau, puis rue de la République, et à nouveau Napoléon Ier sous le Second empire, etc.
Le naming de certains lieux publics, d'un anglicisme désignant le fait de vendre un nom de lieu à une marque commerciale, témoigne d'une marchandisation des noms (Rieucau, 2021), c'est-à-dire d'une prise de pouvoir récente des intérêts économiques sur l'espace public.
(JBB) janvier 2021.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Jean Rieucau, « Noms de rue et mémoires en conflit : controverses liées aux odonymes coloniaux dans l’espace public urbain en France », Géoconfluences, novembre 2022.
- Jean Rieucau, « L’odonymie à l’épreuve de l’art urbain, esthétisation oppositionnelle, dans l’espace public, à la ville officielle », image à la une de Géoconfluences, janvier 2021.