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Orient

Publié le 25/04/2025
Auteur(s) : Vincent Capdepuy, docteur en géographie, professeur d'histoire-géographie - académie de La Réunion

L’Orient désigne, du point de vue de l’Occident (qui est lui-même une construction historique, une « invention »), l’autre moitié du monde.

« Tout autant que l’Occident lui-même, l’Orient est une idée qui a une histoire et une tradition de pensée, une imagerie et un vocabulaire qui lui ont donné réalité et présence en Occident et pour l’Occident. Les deux entités géographiques se soutiennent ainsi et, dans une certaine mesure, se reflètent l’une l’autre. » (Said, 2005, p. 17)

La critique développée en 1978 par Edward W. Said dans son livre L’orientalisme : l’Orient créé par l’Occident a été maintes fois reprise, et parfois nuancée. L’Orient est une métagéographie ancienne, un découpage du monde qui remonte à l’Antiquité romaine et qui a évolué au fil des siècles. On se tromperait à le figer et à le lire au seul prisme de l’orientalisme colonial du XIXe siècle.

L’Orient n’est pas une catégorie des géographies grecs et latins sinon comme point cardinal. La grande division de l’écoumène est celle qui distingue Europe, Asie et Libye/Afrique. Si la partition de l’empire romain en un empire d’occident latinophone et un empire d’orient hellenophone a contribué à une partition binaire Occident-Orient, elle n'est au départ une simple commodité de langage, et le premier à la théoriser sur le plan géographique est Isidore de Séville, dans ses Etymologiae, au début du VIe siècle.

« C’est pourquoi si on divise le monde en deux parties, l’Orient et l’Occident [in duas partes orientis et occidentis], l’Asie se tient dans l’une, l’Europe et l’Afrique dans l’autre. »

Isidore de Séville, Étymologies, XIV, 2.

Le terme a continué à décrire un espace aux contours flous et très variables, par exemple à l’époque des Croisades. Au XIIIe siècle, l’Orient dont Jacques de Vitry narre l’histoire est centré sur un espace qui s’étend de la Syrie à l’Égypte. Au XIVe siècle, La Fleur des histoires d’Orient de frère Hayton, un Arménien qui trouva refuge à Poitiers, décrit un Orient beaucoup plus vaste, de la Turquie jusqu’au Cathay, c’est-à-dire la Chine, en passant par l’Inde et la Perse.

L’Asie-Orient devint peu à peu une terre de missions et de voyages : la maîtrise des langues dites « orientales », selon l’adjectif utilisé par Guillaume Postel, professeur au Collège de France au XVIe siècle, s’imposa. En 1795, fut fondée l’école spéciale des langues orientales en 1795, dont le premier directeur, Louis-Mathieu Langlès, fut un des premiers à être qualifié d’« orientaliste » ‑ mot qui apparaît dans les années 1780. Aujourd’hui INALCO, surnommée « Langues O’ », cette école enseigne le japonais, le vietnamien, le russe, le sanscrit, mais aussi le berbère, l’amharique ou le croate, langues parlées dans ce qu’Isidore de Séville considérait comme l’Occident.

En 1829, Victor Hugo justifiait ainsi le titre des Orientales :

« On s’occupe aujourd’hui, et ce résultat est dû à mille causes qui toutes ont amené un progrès, on s’occupe beaucoup plus de l’Orient qu’on ne l’a jamais fait. Les études orientales n’ont jamais été poussées si avant. Au siècle de Louis XIV on était helléniste, maintenant on est orientaliste ».

Victor Hugo, Les Orientales, Paris, 1829, préface, p. viii-ix.

L’acte constitutif de la Société orientale, fondée en 1841, fut rédigé par le frère aîné de Victor Hugo, Abel. L’Orient atteignait là son extension maximale, englobant l’Asie bien sûr, mais aussi la Turquie d’Europe, la Russe méridionale, l’Algérie, l’Afrique orientale, l’Océanie. Devenu trop vaste peut-être, l’Orient fut alors divisé en trois : Extrême-Orient, Moyen-Orient et Proche-Orient. Alors que le mot n’est plus guère utilisé en géographie, ces trois subdivisions restent courantes dans le langages commun, quoique nullement plus précises dans leurs contours.

Vincent Capdepuy, avril 2024. Dernière modification (JBB).


Références citées
  • Said Edward W., [1978] 2005, L’orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, trad. de l’américain par Catherine Malamoud, Paris, Éditions du Seuil.
  • Victor Hugo, Les Orientales, Paris, 1829, préface, p. VIII-IX.
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