Occident
L’occident désigne les régions situées à l’ouest. Avec une majuscule, l’Occident est un toponyme lié à la géopolitique, vague et courant, désignant, au départ de façon autocentrée, les pays d’Europe de l’Ouest et leurs prolongements en Amérique du Nord (États-Unis et Canada), voire l'Australie et la Nouvelle-Zélande, selon des délimitations imprécises et extrêmement variable. Sa connotation politique date de la Guerre froide. La première crise de Berlin et la partition de l’Allemagne entre une « Allemagne de l’Ouest » (RFA) et une « Allemagne de l’est » (RDA) est pour beaucoup dans cette perception d’un monde coupé en deux entre l’Est et l’Ouest.
Dès janvier 1952, le terme désigne, pour Le Figaro, « ensemble des États de l’OTAN » (ce qui n’incluait pas encore la Turquie, qui a adhéré en octobre 1952). Dans ce cadre de Guerre froide, conflit à forte dimension idéologique, le terme Occident était porteur, pour les Occidentaux, de valeurs propres (« les valeurs occidentales ») mais à vocation universelle, le message de l’Occident étant assimilable aux Droits de l’Homme. Avec la fin de la Guerre froide, le terme Occident a perduré mais a désigné une réalité géopolitique de plus en plus vague. De nos jours, le terme reste courant dans le langage quotidien et même scientifique, alors que d’autres appellations du même ordre tendent à être progressivement abandonnées (Orient, Extrême-Orient) quand d’autres restent courantes malgré leur imprécision (Moyen-Orient).
Une critique facile du terme consiste à rappeler que l’ouest, comme l’est, est une notion relative à la position du locuteur ; un Japonais qui se tourne vers les États-Unis regarde vers l’est et non vers l’ouest, le Japon est donc un occident pour la Californie. En fait, que l’occident soit devenu un toponyme dans une forme figée, indépendamment de son étymologie, n’est pas le principal problème à l’usage du mot. C’est d’abord sa délimitation qui pose question, comme le montre l’exemple de la Turquie : partie centrale de l’Empire ottoman, elle était l’« orient » par excellence selon les représentations artistiques et culturelles des Européens de l’Ouest au XIXe siècle (voir : orientalisme) ; elle est devenue un siècle après un allié des États-Unis et la deuxième armée d’une alliance occidentale par excellence, l’OTAN. L’Australie, le Japon, l’Amérique latine (Rouquié, 1987), sont-ils occidentaux, ou font-ils seulement partie de l’Occident ? La question ne se résout pas facilement.
C’est ensuite l’idée sous-jacente d’une opposition entre l’Occident et le reste du monde (résumée en anglais par l'expression « the West and the rest ») qui pose problème. Cette vision est un prolongement des cadres de pensée qui ont prévalu pendant toute la colonisation, et jusqu’au XXe siècle, et qui justifiait la domination par l’idéologie raciale et par une mission civilisatrice de l’Europe. Elle a connu un certain regain dans les pays du « Sud global » mais aussi avec le développement des études postcoloniales. Dans son sens géopolitique, l’Occident désigne donc souvent, de façon abusive, les anciens colonisateurs, alors même que les États-Unis, qui ont longtemps assuré le commandement du monde occidental, ne sont pas une puissance coloniale, au sens premier du terme. Il est indéniable que le terme est d’emploi commode dans le langage courant. Mais cette commodité cache des sous-entendus dont il est difficile de mesurer toutes les implications. Parmi eux, un présupposé occupe une place centrale : l’idée d’une avance de l’Occident dans certains domaines, notamment économique, scientifique, culturel, technique, et politique, et la croyance d’un inéluctable rattrapage des autres pays selon une seule trajectoire possible. Cette idée, proprement occidentale, est aussi occidentalo-centrée, en ce sens qu’elle élimine tous les contre-exemples et tous les autres modes de pensée incompatible avec ce schéma hérité.
L’Occident comme toponyme investi de valeurs (positives ou négatives) peut être intériorisée dans les discours des acteurs extérieurs, qui se peuvent y voir un modèle, ou se définir en négatif (c’est le cas du « Sud global »), ou encore s’y référer pour le combattre (par ceux qui se définissent, par exemple, comme « ennemis de l’Occident »). Il n’en demeure pas moins que, dans le cadre de la géographie scolaire et universitaire, il est prudent, sinon de s’en départir tout à fait, au moins de n’en faire qu’un usage aussi circonspect que possible.
(JBB), avril 2025. Dernière relecture (SB et CB), avril 2025.
Références citées
- Le Figaro (1952), 19-20 janv., p.1, col. 1, cité par CNRTL.
- Rouquié Alain (1987), Amérique : introduction à l'Extrême-Occident. Le Seuil, 446 p.