Métagéographie
La métagéographie désigne un découpage spatial du monde, qui permet à la fois de nommer et d’ordonner. L’usage du mot est établi depuis 1997, date de publication de l’ouvrage de Kären Bliden et Marin Lewis, The Myth of Continents : A Critique of Metageography. Dès la préface, le terme est défini ainsi :
Le terme est repris dans le même sens peu de temps après par Philippe Pelletier dans un article consacré à la dénomination « mer du Japon » (Pelletier, 2000), puis par Christian Grataloup dans Vision(s) du Monde : histoire critique des représentations de l’Humanité (Grataloup, 2018).
La géohistoire, comme historicisation de la géographie, permet de retracer l’archéologie de ces découpages spatiaux, de mettre en évidence leur dimension culturelle, et de déconstruire par-là même toute naturalité atemporelle. De ce point de vue, la géohistoire des métagéographies a une dimension critique évidente. Néanmoins, on soulignera qu’elle n’a pas le pouvoir de substituer une autre métagéographie qui serait plus juste ou plus pertinente, « post-continentale » par exemple : nous demeurons tributaires des métagéographies passées, dans le langage courant. La géohistoire peut simplement émettre des mises en garde contre certaines analyses scientifiques ou certains discours politiques qui ne questionneraient pas suffisamment ces découpages faussement évidents. Ainsi, de façon paradoxale et contre-intuitive, la précision et la rigueur appellent à une définition floue de la majorité des découpages métagéographiques.
La métagéographie est cet ordonnancement du monde dont les géographes eux-mêmes sont peu responsables, qui leur échappe, mais qu’ils ne peuvent ignorer.
Vincent Capdepuy, avril 2024.
Références citées
- Lewis Martin W. & Wigen Kären E., 1997, The Myth of Continents: A Critique of Metageography, University of California Press, Berkeley & Los Angeles.
- Grataloup Christian, 2018, Vision(s) du Monde : histoire critique des représentations de l’Humanité, Paris, Armand Colin.
- Pelletier Philippe, 2000, « Tumulte des flots entre Japon et Corée. À propos de la dénomination de la “mer du Japon” », Annales de Géographie, tome 109, n° 613, p. 279–305.