Subprime
Le terme subprime, apparu en français à l'occasion de la « crise des subprimes » qui s'est déclenchée fin 2007 aux États-Unis, désigne une catégorie particulière de crédits fondés sur hypothèque, les « subprime loans ». Ces crédits, accordés aux emprunteurs les moins fiables, sont plus risqués pour l’organisme créditeur que les crédits des trois autres catégories (quatre catégories sont distinguées en fonction de la qualité de l'emprunteur : subprime, Alt-A, Jumbo et prime). Pour compenser cette prise de risque plus forte pour le prêteur, le taux d'intérêt pratiqué est plus élevé que dans les autres catégories : Pour les créanciers, les prêts subprime sont considérés comme individuellement risqués mais globalement sûrs et rentables ; pour les emprunteurs, ces crédits sont prédateurs.
Le développement des subprimes est le résultat d’une politique volontaire, menée aux États-Unis à partir de la fin des années 1990, pour faire accéder à la propriété de leur maison une catégorie de personnes pauvres ou d’immigrés qui en étaient exclus jusqu’alors, y compris les NINJA (« No income, no job, no asset » c’est-à-dire, ni revenu, ni emploi, ni patrimoine).
« L’économie va mal parce que nous avons construit trop de maisons », avait déclaré George W. Bush. En effet, à l'origine de la crise des subprimes, on trouve la multiplication par 7 des montants concernés par ce type de prêts entre 2001 et 2007. En 2006, sur la production de nouveaux prêts immobiliers pour une valeur de 3 000 milliards de dollars, 21 % étaient subprime. Cette envolée est à relier à l'inflation des prix immobiliers (« bulle immobilière ») qui rend possible le remboursement du prêteur sur le bien revendu plus cher, à l'accroissement des liquidités mondiales qui facilite l'expansion du crédit, et à l'encouragement du gouvernement fédéral envers les emprunts des communautés locales des quartiers à revenus faibles ou modérés (il y a trente fois plus de prêts subprime dans le Bronx qu’à Manhattan). En effet, les zones délimitées par une ligne rouge et interdites de crédit depuis les années 1930 (redlining) se retrouvent surinvesties par les subprimes : on parle de redlining inversé puisque ces quartiers ont soudain été ciblés par les institutions bancaires.
Une bonne partie de ces prêts à risque sont titrisés, c'est-à-dire transformée en titres négociables sur les marchés financiers.
Le déclenchement de la crise fait suite à une hausse des taux d'intérêt qui a été relevée par la Réserve fédérale des États-Unis à partir de 2004, ce qui a eu comme effet de provoquer un retournement du marché immobilier à partir de 2006. Un certain nombre d'emprunteurs touchés par la hausse des taux s’est retrouvé en défaut de paiement et la revente de leurs biens immobiliers ne suffisait plus aux créanciers pour récupérer leur mise.
La crise des subprimes a donc débouché sur une crise bancaire, puis sur une crise financière du fait de la titrisation. La crise qui s'est engagée aux États-Unis à la fin 2007 est appelée la Grande Récession : elle a touché l'ensemble du tissu économique et social et s’est diffusée au reste du monde du fait de la globalisation financière.
Cette crise lie fortement l'échelle locale de l'urbain et l'échelle globale. La crise des subprimes est fondée dans les inégalités urbaines : elle est aussi une crise de la ville en général, de la ville néolibérale et d’un certain mode de production de l’urbain en particulier.
(MCD), juin 2015.
Pour compléter
- Florence Nussbaum, « Quartiers fantômes et propriétaires invisibles. Les propriétés abandonnées, symptômes de la crise des villes américaines », Géoconfluences, juillet 2015.
- Bertrand Jacquillat et Vivien Levy-Garboua, « La crise des subprimes », in : Les 100 mots de la crise financière, Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2013, 128 pages.
- Guilhem Boulay, « Twin crises ? Une lecture multiscalaire de la crise des subprimes », Séminaire, ENS Ulm, 2013 (en .pdf).
- Guilhem Boulay, « La crise des subprimes », Les Cafés géographiques, 3 décembre 2014.