Télétravail
Le télétravail est l’exercice d’une activité professionnelle à distance de son lieu habituel, permise par les technologies de l’information et de la communication. Le terme ne recouvre que les activités qui auraient normalement pu se faire sur le lieu de travail (ce qui exclut par exemple les déplacements professionnels, ou les professions travaillant normalement sur plusieurs sites). L’espace de télétravail est le plus souvent le domicile mais ce peuvent également être des tiers-lieux (cafés, bibliothèques, espaces de travail partagés).
L’émergence du télétravail est le résultat de la tertiarisation de l’économie, puis de la généralisation des ordinateurs personnels et de la connexion internet haut-débit. Mais comme pour toute pratique sociale, les possibilités matérielles et techniques ne sont pas suffisantes à son acceptation, il fallait aussi lever des obstacles psychologiques. L’atténuation voire le brouillage des barrières entre vie privée et vie professionnelle, encouragée par l’usage des smartphones, objet privé permettant de consulter la messagerie professionnelle, ainsi que l’acceptation par les classes dirigeantes de l’idée que des conditions de travail plus souples pouvaient augmenter la productivité (en particulier dans ce que Richard Florida appelle la creative class), sont deux éléments ayant favorisé l’acceptation sociale du télétravail.
Le télétravail a des conséquences spatiales, et il est à l’origine d’une boucle de rétroaction : l’éloignement croissant, dans des sociétés de la mobilité, entre lieu de résidence et lieu de travail, incite à télétravailler. En retour, la possibilité du télétravailler quelques jours par semaine encourage encore l’éloignement entre les deux : les personnes concernées pouvant consentir à des déplacements plus longs s’ils sont moins fréquents. Ce phénomène ne concerne cependant ni tous les territoires, ni toutes les catégories professionnelles, ni tous les secteurs d’activité, les cadres travaillant dans les services privés étant surreprésentés.
Les mesures de confinement pendant la pandémie de Covid-19 ont eu un double effet sur la pratique du télétravail. D’un côté, le télétravail a permis à un grand nombre de personnes de continuer à travailler sans se déplacer et sans s’exposer au risque de contamination. D’un autre côté, il a mis au jour des inégalités sociales, d’une part entre les personnes exclues de cette possibilité (dans l’industrie, la santé, les services d’urgence, de sécurité, d’entretien…) et d’autre part, entre les personnes pouvant télétravailler, en fonction de la quantité et de la qualité de leur espace de travail à domicile. Alors que les premiers confinements dans les premiers mois de la pandémie ont entraîné une série de prédictions sur la généralisation du télétravail, sa dimension plus subie que choisie et les effets négatifs d’un télétravail complet et non partiel (perte d’efficacité, de sociabilité, disparition de la fluidité permise par les échanges informels, risques psycho-sociaux, risques musculosquelettiques…) ont pu dans un grand nombre de cas, souligner au contraire les vertus du lieu de travail présentiel.
Aussi est-il plus probable d’assister à court terme, non à une généralisation du télétravail, mais à une plus grande acceptation sociale d’un télétravail choisi et limité (par exemple à certains jours dans la semaine).
(JBB) mars 2021.
Pour compléter
- Jean-François Perrat, « Notions en débat. Le virtuel et le réel dans la géographie du numérique », Géoconfluences, janvier 2020.
- Un article de 2005 ayant désormais, vu l’évolution rapide des phénomènes étudiés, une dimension historique voire patrimoniale : Sylviane Tabarly, « Technologies de l'information et de communication : quels effets sur les territoires ? », Géoconfluences, janvier 2005.