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Archive. Technologies de l'information et de communication : quels effets sur les territoires ? (2005)

Publié le 07/01/2005
Auteur(s) : Olivier Jonas - Sciences-Po Paris
Sylviane Tabarly, professeure agrégée de géographie, responsable éditoriale de Géoconfluences de 2002 à 2012 - Dgesco et École normale supérieure de Lyon
article obsolète

NB. Le contenu de cet article donne des informations disponibles au moment de sa publication en 2005.

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Comme les télécommunications et les infrastructures de transport rapide, les Technologies de l'information et de communication (TIC) portent un extraordinaire potentiel de restructuration de l'espace géographique et de recomposition des relations entre les territoires. Par leurs facultés de commutation des informations, aujourd'hui essentiellement numériques, les TIC assurent la mise en réseau de ressources, d'ordinateurs, de personnes, d'organisations à l'échelle locale ou mondiale. Par leur dimension de télécommunication, elles effacent les distances et les contraintes géographiques en permettant le développement de télé-activités, du télé-travail, du télé-enseignement, du e-commerce. Par leur normalisation et leur diffusion, aujourd'hui quasi planétaire, elles dessinent un espace commun virtuel, hors du temps et de l'espace physique, parfois désigné par le terme de cyberspace.

La contraction de l'espace - temps

Libérant les hommes des contraintes d'éloignement et d'isolement géographique, les TIC bouleversent notre perception de l'espace et notre rapport aux autres. Les lignes de train à grande vitesse et le réseau mondial d'aéroports construisent aujourd'hui un maillage planétaire de moyens de transports rapides, dont les nœuds sont formés par les grandes métropoles, distantes les unes des autres de quelques heures d'avion. Londres, Bruxelles ou Francfort sont mieux reliées à Paris que certaines villes en France. Dans le même temps, les TIC, et plus particulièrement les télécommunications et le réseau Internet, assurent l'instantanéité des échanges immatériels et des communications entre les personnes, quelle que soit leur localisation sur la planète.

Cette contraction de l'espace et du temps s'accompagne d'une démocratisation de l'accès aux moyens de communication. Les coûts du transport aérien, comme ceux des télécommunications, sont de moins en moins élevés. L'accès à l'Internet est facturé au prix d'une communication téléphonique locale, quand il n'est pas carrément gratuit, financé par la publicité. Notre perception de l'espace géographique se construit aujourd'hui sur cette nouvelle donne technique et économique qui semble gommer les contraintes de distances spatiales et recomposer les territoires par la puissance commutative des réseaux d'information et de télécommunication.

L'inégal accès aux TIC dans le monde et en Europe : documents

Cartes réalisées par Hervé Parmentier, ESN - LSH

Note : Un serveur est un ordinateur, inséré dans un réseau, capable de fournir des informations et/ou des services à d'autres ordinateurs considérés comme ses clients. Un seul serveur peut exploiter différents logiciels, différentes bases de données.

Les documents ci-dessus témoignent de l'inégal accès aux TIC dans le monde. Mais les rattrapages en ce domaine peuvent parfois être rapides : la possibilité de s'affranchir des réseaux filaires et le recours à des technologies récentes facilitent l'accès aux nouveaux services.

Le rapide développement de la téléphonie mobile dans le monde(nombre d'abonnés en milliers)
 
1998
2003

Croissance
(en %)

Afrique
4 157
50 803
1 222
Amérique
95 067
288 220
303
Europe
104 382
441 235
423
Asie
108 321
543 153
501
Océanie
5 748
17 256
300

Source : ITU 2003

L'indice d'accès numérique (DAI)

L'Union internationale des télécommunications (UIT / ITU) propose, depuis 2003 (données 2002), un "Indice d'accès numérique" (DAI), premier classement universel des pays (178 pays) pour les TIC. Il mesure la possibilité globale donnée aux particuliers d'avoir accès aux TIC et de les utiliser et il prend en compte des variables telles que l'éducation ou l'accessibilité économique. Il réserve quelques surprises. Ainsi la Slovénie est à égalité avec la France (23e rang mondial, 14e rang européen), tandis que la République de Corée vient en quatrième position. À l'exception du Canada (10e), les dix premiers pays du monde sont exclusivement des pays asiatiques et européens. Les États-Unis apparaissent à la 11e place.

Sources : Union internationale des télécommunications (UIT / ITU - International telecommunication union) - www.itu.int

Dans la sphère industrielle, l'Internet, les réseaux d'entreprises intranets et extranets, les réseaux de télécommunication privatifs (virtual private network), permettent le travail collaboratif à distance, la délocalisation d'activités de type back-office (ou arrière-guichet, ce qui désigne, pour simplifier, l'ensemble des opérations réalisées hors de la présence du client), l'externalisation de tâches de gestion (infogérance) et ils facilitent l'implantation de filiales à l'échelle internationale. Pour les particuliers, les télécommunications nationales et internationales sont de moins en moins chères grâce à la concurrence entre opérateurs. Être installé au fin fond d'une zone rurale ou dans une petite ville de province, dans une zone de faibles densités donc le plus souvent mal équipée en installations médicales de pointe, ne serait plus, dans le futur, synonyme d'exclusion des services de santé modernes, grâce aux télécommunications et aux techniques de télé-médecine en cours de développement.

Enfin, la démocratisation foudroyante des technologies mobiles, et notamment du téléphone GSM en Europe, qui augure d'un développement rapide des prochains services multimédias à la norme UMTS, replace le développement tant attendu du télé-travail dans une toute nouvelle perspective.

Les TIC : un outil d'aménagement du territoire ?

Bien avant que l'Internet ne soit devenu le média universel que l'on connaît aujourd'hui et que le téléphone mobile ne se soit rendu indispensable, on prévoyait une forte incidence des télécommunications sur nos modes de vie, sur nos loisirs, sur les techniques d'apprentissage, sur l'organisation du travail, sur la relation entre les territoires, sur le rapport entre les villes et l'espace rural.

Les infrastructures de télécommunication ont d'abord été perçues comme des outils d'aménagement du territoire, rééquilibrant l'espace géographique et économique national. Ainsi prévoyait-on qu'elles auraient des effets directs et massifs sur la localisation des activités et des personnes. En matière de développement économique, les moyens pouvant être mis en œuvre par les collectivités locales vont de la régulation à l'exploitation directe de réseaux et de services de télécommunication, en passant par l'établissement de structures passives louées ensuite à des opérateurs. À l'échelle locale, les technopoles constituent également, depuis les années 80, des outils de développement territorial essentiels, avec des dynamiques diverses allant de la valorisation de compétences existantes à la concentration d'entreprises high tech, qui pourraient s'implanter en réseau sur le territoire mais qui préfèrent se regrouper pour faciliter les échanges interentreprises.

La relation entre télécommunications et territoires a donc été approchée sous l'angle de ses effets structurants : l'abolition de la distance spatiale permettrait la délocalisation d'activités industrielles, et la substitution au déplacement physique conduirait à une forte réduction de la mobilité individuelle, les flux virtuels remplaçant les flux physiques de personnes et de certaines marchandises. La vision d'une recomposition du territoire grâce aux infrastructures de télécommunications s'appuyait en fait sur deux mythes qui perdurent encore aujourd'hui : celui de la "transparence spatiale" des télécommunications qui, à la différence des infrastructures de transports (autoroutes, TGV, aéroports), n'ont pas d'impact visible sur le paysage, et celui de la "neutralité spatiale", garantissant aux usagers l'accès aux mêmes services d'information et de communication, quelle que soit leur situation géographique.

Il faut bien constater aujourd'hui que ces effets sont bien moins tranchés que prévu, et les recherches actuelles donnent une vision plus nuancée du rapport entre transports et télécommunications, qui interagissent au sein d'une même relation globale de communication.

Les effets réels, virtuels et paradoxaux des TIC sur l'espace

On constate aujourd'hui, de manière empirique, que les conséquences des TIC sur l'espace sont tout à la fois bien réelles, même si elles semblent difficiles à apprécier, encore virtuelles, lorsque leurs effets restent potentiels, et aussi paradoxales, lorsqu'elles semblent s'opposer aux objectifs des aménageurs du territoire et aux politiques locales. L'analyse des effets spatiaux des technologies est difficile : elle se heurte à l'inertie des territoires construits, à l'évolution des formes urbaines qui s'inscrit sur le long terme, à la transformation des usages sociaux bien plus lente que le rythme de l'innovation technologique, au manque de données objectives et de recul. Et, si les TIC sont des outils pouvant s'intégrer aux politiques d'aménagement du territoire, ils pouvent également être un facteur d'accroissement des inégalités entre régions riches et régions pauvres.

La plupart des travaux sur ces sujets se basent sur la transposition de modèles anciens connus, comme celui du télégraphe, du téléphone filaire, ou même celui des infrastructures de transport. Or, il semble que ces modèles, appliqués à la prospective des incidences spatiales des TIC, ne soient pas vraiment pertinents, et cela pour plusieurs raisons. Tout d'abord le développement des TIC est caractérisé par une accélération sans précédent des échanges, illustrée notamment par le déploiement exponentiel de l'Internet et par la diffusion rapide, et inattendue, même par les industriels, du téléphone mobile. Ensuite ces infrastructures de communication, que l'on prenne le réseau national téléphonique autrefois, les transports ferroviaires, ou, dans une moindre mesure les autoroutes, sont déployées par les États, à l'échelle nationale, dans une perspective d'aménagement du territoire, d'équité spatiale et de service public. À l'inverse, les réseaux, infrastructures et services de l'information et de communication sont implantés et développés sur les territoires par des opérateurs de télécommunication privés, sur certaines zones déterminées par leurs stratégies d'entreprises, dans un contexte de marché concurrentiel. Le modèle de déploiement territorial des télécommunications est caractérisé par la rapidité du développement des réseaux, l'initiative et le financement privés, et la seule logique de structuration spatiale est celle dictée par les stratégies commerciales des opérateurs, tempérées en partie par les autorités de régulation nationales.

La possibilité offerte par les technologies de communication de se déplacer virtuellement, d'échapper aux contraintes de distance et de temps, d'être ici et ailleurs en même temps, cette fonction d'ubiquité, qui remet en cause les relations de connexité et de proximité sur lesquelles sont construits les territoires, n'a cependant pas encore produit les effets spatiaux escomptés. Les effets spatiaux des TIC semblent en effet encore bien virtuels, qu'il s'agisse du développement massif du télé-travail pour désengorger les centres urbains et supprimer en partie les mouvements pendulaires domicile-travail, ou bien de la délocalisation d'activités en zone rurale pour rééquilibrer les territoires régionaux et contrebalancer un processus inexorable d'urbanisation.

Mais, il est vrai, l'exercice de prospective est difficile : les techniques et les applications sont loin d'être stabilisées. Leur diffusion se place dans un processus de croisement itératif entre l'offre technologique et les usages sociaux, avec souvent des développements inattendus. Pour illustrer cette divergence entre les objectifs des pouvoirs publics et les effets spatiaux des TIC, on peut évoquer l'exemple du Royaume-Uni, où le développement du télé-travail, qui favorise une certaine "rurbanisation", paraît s'opposer aux politiques publiques de redensification des centres urbains.

Un autre effet contradictoire des TIC serait qu'en se diffusant et en se banalisant, et donc en permettant l'accès à des informations ou à des ressources situées à l'autre bout de la planète, elles valoriseraient tout ce qui n'est pas "télécommunicable" et notamment les relations sociales de proximité.

Quant au phénomène de substitution éventuelle des télécommunications aux transports urbains, on remarque que c'est précisément, au contraire, dans les métropoles en croissance rapide que les télécommunications se sont le plus développées. À cela plusieurs raisons : les besoins en télécommunications, liés en partie aux nouvelles méthodes d'organisation industrielle et de production, croissent plus rapidement que l'offre en matière de réseaux ; les technologies ne peuvent communiquer toutes les informations et ne remplacent pas les contacts directs ; et il reste par ailleurs des biens qui ne sont pas informationnels et qui nécessitent des transports physiques. Enfin, l'histoire du télégraphe puis du téléphone le montre, ces technologies de communication ne se substituent que partiellement aux déplacements, et contribuent au contraire à l'accroissement de la mobilité des biens et des personnes.

En ce qui concerne la localisation des activités industrielles et tertiaires, les télécommunications accompagnent les évolutions du cadre spatio-temporel de la vie économique. Les fonctions commerciales et de R&D industriels s'implantent de préférence dans des bassins d'emploi à haute qualification, c'est à dire dans les métropoles. Les fonctions de production ou d'administration peuvent s'implanter de manière plus décentralisée, en recherchant une réduction des frais généraux. Mais, au final, les télécommunications renforcent les inégalités territoriales : les nouveaux réseaux s'implantent dans un premier temps de préférence sur les zones où sont installées les grandes entreprises, et si, dans un deuxième temps, les techniques et les réseaux se diffusent, amenuisant la valeur ajoutée des réseaux de première génération, dans le même temps de nouveaux besoins en matière de télécommunication se font jour, avec des applications qui vont se déployer de préférence sur les zones les plus développées.

Les effets spatiaux des TIC ne sont donc pas toujours ceux attendus, et la projection dans ces domaines doit écarter certaines idées reçues ou certains présupposés sur un impact automatique, un effet structurant indépendant des contextes sociaux, économiques et géographiques des territoires.

Il faut surtout rompre avec la vision angélique de l'homogénéité spatiale garantie par les nouvelles technologies de télécommunication (le satellite par exemple), effaçant les disparités territoriales. Les éléments pour une nouvelle problématique de la relation entre télécommunications et territoires seraient ainsi :

  • l'accentuation de la différenciation entre espaces (les métropoles et l'espace rural notamment),
  • l'apparition d'une géographie de l'instantané, l'espace géographique devenant de plus en plus un espace des flux alors qu'il était perçu auparavant comme un espace des lieux,
  • la fluidité spatio-temporelle du travail avec le développement du travail nomade, du télé-travail et la délocalisation vers les pays à main d'œuvre bon marché (voir les annexes ci-dessous),
  • l'inégalité des territoires face au déploiement des réseaux de télécommunication : inégalités en terme d'infrastructures, de services et de logiciels, de coûts et de modes d'accès aux services, de standardisation et de réglementation, de financement des grandes infrastructures,
  • le rôle des politiques publiques.

 

Plus que d'"impacts spatiaux" des TIC, terminologie qui sous-tend un effet mécanique sur l'espace, il faut étudier les interrelations complexes entre les offres technologiques et le contexte social, culturel, économique, politique, géographique des territoires.

En conclusion, le développement des TIC n'a pas d'effets automatiques sur l'aménagement du territoire. De la même façon que ce n'est pas la gare TGV implantée au beau milieu d'une zone rurale qui va focaliser autour d'elle, ex nihilo, une zone d'activités économiques, ce n'est pas l'installation d'une boucle locale en fibre optique sur une zone, même raccordée aux backbones (artères principales ou dorsales qui interconnectent l'ensemble des éléments d'un réseau) de télécommunication à haut débit, qui va attirer à elle seule les entreprises. D'un autre côté, les TIC sont évidemment porteuses en elles-mêmes de nouveaux usages, soit prévus par les opérateurs et les industriels, soit ré-inventés par les usagers eux-mêmes dans leur processus d'appropriation des techniques et des outils.

Olivier Jonas, expert associé à l'atelier "Prospective des services urbains numérique" du CPVS-DRAST (ministère de l'Equipement), enseignant au cycle d'urbanisme de l'IEP de Paris, directeur du cabinet TECDEV - www.tecdev.fr

Annexes

Les centres d'appels en France : quelles logiques d'implantation spatiale ?

L'activité des centres d'appels (ou centres de contacts ou call centers) est constituée, à 75% (en France), par des fonctions d'accueil, d'information et de renseignement (appels entrants). Les missions de prise de rendez-vous sont très utilisées dans le secteur bancaire et la prise de commandes, historiquement cœur de métier de la Vente par Correspondance (VPC), est aujourd'hui intégrée dans la plupart des missions des centres d'appels. Les appels sortants, dédiés à la prospection, à la qualification de fichiers, ou au télémarketing, sont généralement utilisés pour "lisser" la charge de travail, et occuper les périodes creuses.

Les centres d'appels intégrent de multiples canaux de communication tels que le téléphone, le fax, le courriel (e-mail), le web. Comme pour la téléphonie mobile, les usages se modifient, tirés par le parc des utilisateurs connectés à l'Internet. Le courriel (e-mail) est devenu un canal de communication très important pour ces centres de contacts : en France, il est devenu la deuxième préoccupation des centres d'appels qui sont 66% à gérer ce type de flux en plus de la téléphonie. En revanche, ils ne sont que 58% à gérer le fax et 51% à gérer le courrier (selon l'étude Cesmo*).

Source : par le cabinet de conseil Cesmo, une étude sur les centres de contacts en France www.cesmo.fr/fr/services/syntheses/sa_centres_contacts_2004.htm Avec l'autorisation des auteurs

En France, le marché des centres d'appels est en croissance sensible. De 3 000 en 2002 (191 000 salariés), ils sont 3 200 en 2004 (205 000 salariés) ce qui représente environ 170 000 positions (postes de travail), soit 0,75% de la population active (contre environ 5% aux États-Unis). Cependant, on note un certain essouflement : la croissance du secteur, qui atteignait 18 à 20% par an entre 1998 et 2002, n'est plus que d'environ 5% en 2003 et 2004 (données de l'étude Cesmo).

Considéré longtemps comme l'apanage des grandes entreprises (secteurs de la banque et de l'assurance, de la vente par correspondance), le marché des centres d'appels s'ouvre à de nouveaux secteurs d'activités et s'adresse à des entreprises de toutes tailles, en proposant des solutions adaptées aux PME. Ce marché est aussi l'objet de convoitises régionales : conscientes du facteur clé de dynamisme économique que les centres de contacts représentent, les régions favorisent leurs implantations.

Les entreprises, souhaitant implanter un nouveau centre d'appels ou délocaliser des centres d'appels existants, se trouvent confrontées à un dilemme. Quelle région choisir ? Quelle est ville la plus attractive ? L'évaluation du niveau d'attractivité d'une ville tient compte de quelques grands critères : la situation logistique et géographique ; le nombre, la qualité et l'adaptation des centres de formation, le potentiel de main d'œuvre disponible dans la région ; le cadre de vie : activités culturelles, transport urbain ; les aspects fonciers et immobiliers de la ville ; les aides à l'implantation ; les infrastructures de télécommunications ; l'implication locale (actions mises en œuvre par la collectivité locale et de la politique générale de celle-ci vis-à-vis des centres d'appels).

Sur le graphique ci-dessous (étude Cesmo*), l'axe vertical représente l'attractivité économique de la région, prenant en compte les coûts de l'immobilier locatif, les coûts salariaux, et les aides à l'implantation logistique et financières, du simple crédit à la zone franche urbaine. Les villes les mieux positionnées selon ce critère se situent donc dans la moitié haute du diagramme. L'axe horizontal est une variable d'environnement regroupant plusieurs critères : l'implication locale, la capacité de formation, les infrastructures de télécommunications, et la situation logistique. Les villes les mieux positionnées se situent alors dans la moitié droite.

Source : par le cabinet de conseil Cesmo, une étude sur les centres de contacts en France www.cesmo.fr/fr/services/syntheses/sa_centres_contacts_2004.htm

Avec l'autorisation des auteurs

La répartition régionale des centres d'appels indique des attitudes et des stratégies différentes. Ce positionnement montre clairement que certaines régions restent, de par un fort potentiel économique, et malgré des coûts importants, les zones d'accueil d'implantation privilégiées des centres d'appels.

Implanter un centre d'appels en zone rurale : du rêve aux réalités

"Vrai cafouillage ou faux projet ? L'annonce, le 27 septembre 2004, par la société Teletech International, de sa décision d'abandonner, cinq ans après l'avoir lancé, le projet d'implantation d'un centre d'appels à Saint-Théoffrey, près de la Mure (Isère), a jeté la consternation.

Pour le plateau matheysin, qui ne s'est jamais remis de la fermeture de la mine en 1997, c'est l'espoir de voir créer 250 emplois qui s'évanouit. Ce désengagement intervient trois mois à peine après l'achat, par la commune de Saint-Théoffrey, d'un terrain de 36 000 m2 au prix de 2,1 millions d'euros.

Pour se justifier, l'industriel invoque l'absence d'une aide du Fonds européen de développement régional (Feder). (...) Pour l'administration, le retrait du projet ne peut pas s'expliquer par un défaut d'aides publiques, dont elle évalue le montant à environ 11 000 euros par emploi.

La commune de Saint-Théoffrey, qui se retrouve avec les 15 000 m2 réservés à Teletech sur les bras, va devoir maintenant trouver une solution de remplacement et négocier avec le conseil général de l'Isère.

La déception est d'autant plus grande que l'implantation de Teletech avait redonné espoir aux habitants du plateau. Pour la Matheysine, dont le nom est toujours associé à la mine et au charbon, l'accueil d'une entreprise à forte valeur ajoutée donnait enfin l'occasion de changer d'image. (...)

D'après Nicole Cabret correspondante du journal Le Monde à Grenoble - 7 décembre 2004

"À propos de l'implantation du groupe Teletech International en Isère (Saint-Théoffrey), vous parlez de "faux projet" : quels seraient les buts poursuivis par l'entrepreneur en conduisant un "faux projet" pendant cinq ans, se livrant avec délectation aux plaisirs des montages des dossiers administratifs tous plus abscons les uns que les autres ?
Nous tenons à souligner que les élus locaux sont venus nous chercher en raison de nos 8 implantations réussies et des 450 emplois créés, le plus souvent dans des communes rurales. (...)"

Début de la correspondance adressée à la rédaction du quotidien Le Monde, au titre du droit de réponse, par Emmanuel Mignot, PDG de Teletech International - 18 décembre 2004

Centres d'appels : les localisations à l'échelle mondiale

En France, la délocalisation des centres d'appels dans des zones francophones est au cœur des réflexions des entreprises et du gouvernement. En effet, 9% des entreprises interrogées début 2004, précisaient avoir un projet de délocalisation off shore, soit 300 centres représentant environ 12 000 emplois (étude Cesmo*). Le nombre de salariés d'entreprises françaises travaillant à l'étranger s'élèverait à environ 9 000 en 2004 : 5 000 au Maroc, 3 000 en Tunisie, 1 000 au Sénégal.

De part et d'autre de la Méditerranée : relations économiques et délocalisations

Une opératrice marocaine, travaillant pour l'entreprise française Call Center Partners, présente à la foire des centres d'appels de Casablanca du 1er octobre 2004.

Les visiteurs recherchent des informations sur les call centers à l'occasion de la foire de Casablanca (octobre 2004). La tendance croissante aux délocalisations vers des pays aux coûts salariaux réduits a provoqué un vif débat en France. La CGT s'élève contre le nombre d'entreprises françaises qui délocalisent leurs centres d'appels vers le Maghreb et les pays francophones d'Afrique.

Clichés et commentaires : AFP

© Afp Clichés Abdelhak Senna, 1er octobre 2004 (téléchargement du 7 janvier 2005) soumis à conditions particulières.

"Une chaise, un téléphone et un ordinateur constituent le matériel de base d'un téléconseiller. Dans les centres d'appels délocalisés en Tunisie, Soumaya devient Margot et Ali devient Dominique, pour communiquer, en français et sans accent, avec des consommateurs habitant de l'autre côté de la Méditerranée. Et l'on a pu voir un jeune mulhousien prénommé Aziz, au fort accent alsacien, renouveler téléphoniquement un contrat auprès d'un faux Dominique, alias Ali.

Chaque matin, au cœur de La Charguia, une banale zone industrielle de la banlieue de Tunis, Aïcha se transforme en Aline Martin, standardiste à la General Electric (GE) Capital Bank, opérant depuis une tour de la Défense, dans les Hauts-de-Seine. Aïcha n'a pourtant jamais mis les pieds en France et encore moins rencontré les conseillers commerciaux de GE vers lesquels elle aiguille ses lointains correspondants. Alors, à Tunis, pour se mettre dans l'ambiance, elle regarde régulièrement les informations sur Euronews ou France 2 et essaie d'avoir une idée de la météo parisienne. Cela peut être utile lorsqu'un visiteur, en perdition sous la pluie au milieu de l'esplanade de la Grande Arche, à la Défense, lui demande de le guider jusqu'aux cinq étages de la GE. (...)

Au rayon des "vépécistes" (vente par correspondance), les demoiselles de magasin branché ne chôment pas. Une dame appelant de Savoie est invitée à profiter d'une offre "très exceptionnelle". L'affaire étant finalement conclue, il reste à récapituler. "Voilà, votre colis sera disponible mardi à 15 heures. Vous le retirerez comme d'habitude à votre relais de La Motte - Servoleix." Dans le meilleur des mondes téléperformants, même La Redoute n'est plus toujours à Roubaix. "

D'après Robert Belleret - Le Monde du 28 février 2004

Des exemples :

 

Pour prolonger et mettre en perspective ces documents, consulter le dossier "La Méditerranée, une géographie paradoxale" :

En Grande-Bretagne, où l'on compte, en 2004, davantage d'emplois dans les call centers que dans ce qu'on appelle "la vieille industrie", les processus de délocalisation (outsourcing) sont déjà très engagés. On estime à plus de 10% les emplois délocalisés en Inde ou au Pakistan par les compagnies anglo-saxonnes britanniques ou états-uniennes.

"À l'heure du dîner, il arrive souvent que les Britanniques reçoivent un appel téléphonique leur proposant tel ou tel service commercial. Seul le léger accent du démarcheur trahit, parfois, l'origine lointaine de cet appel : dans 90% des cas, il s'agit de l'Inde.

Depuis quelques années, un nombre accru d'entreprises du royaume ont "externalisé" des dizaines de milliers d'emplois - 100 000 selon les syndicats - pour l'essentiel en Asie. D'abord en Inde, notamment à New Delhi et dans la région de Bangalore, mais aussi, de plus en plus, au Sri Lanka, aux Philippines, en Chine et en Malaisie.

Ces emplois "offshore" ont été créés par des sociétés aux activités fortement informatisées ou recourant à des centres d'appels téléphoniques et de télémarketing. On trouve, parmi elles, des banques (Abbey, HSBC, Norwich Union), des compagnies d'assurance (Lloyds, Axa), des géants de la distribution (Tesco), de l'informatique (Dell) ou des télécommunications (BT), une compagnie aérienne (British Airways) et le service de renseignements ferroviaires britanniques. (...)

Les Indiens maîtrisent la langue anglaise et disposent souvent d'un fort bagage de connaissances informatiques et comptables. Les employés en contact téléphonique avec la clientèle britannique se présentent à elle sous un prénom d'emprunt anglo-saxon."

D'après Jean-Pierre Langellie correspondant du journal Le Monde à Londres - 10 septembre 2004

Pour conclure, on notera que l'implantation des centres d'appel illustre bien les effets paradoxaux des TIC. On espérait des télé-activités qu'elles contribuent au rééquilibrage du territoire national par l'implantation d'entreprises de télé-services en zone rurale. Or, finalement, la contrainte de distance étant abolie, les entreprises rurales se retrouvent en concurrence de pôles de téléservices établis dans les pays à main d'œuvre bon marché. De même en ce qui concerne les activités de type back-office, les entreprises, dans une logique de productivité, se trouvent confrontées à un choix économique entre le déplacement de certaines de leurs activités pour diminuer leurs charges d'exploitation (coût de l'immobilier, charges salariales), ou bien l'externalisation de ces activités vers d'autres pays.

En complément, on pourra consulter l'article de Bruno Moriset et Nicolas Bonnet - Géographie des centres d'appel en France - Annales de Géographie - Janv Fév 2005, n° 641, pp. 49-72

Des ressources en ligne pour aller plus loin, une sélection

Sur Géoconfluences, un dossier : Mobilités, flux et transports

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Documentation complémentaire (encadré et annexe), mise en page Web : Sylviane Tabarly, responsable du développement du site, ENS de Lyon - DGESCO

Première mise en ligne le 7/01/2005

 


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Pour citer cet article :  

Olivier Jonas et Sylviane Tabarly, « Archive. Technologies de l'information et de communication : quels effets sur les territoires ? (2005) », Géoconfluences, janvier 2005.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/mobilites-flux-et-transports/corpus-documentaire/technologies-de-linformation-et-de-communication-quels-effets-sur-les-territoires