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Transition écologique

Publié le 19/03/2024
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La transition écologique est le passage, à l’échelle d’une société, à des modes d’habiter et des systèmes productifs plus durables. D’un point de vue géographique, la problématique sous-jacente à la transition écologique est celle des recompositions spatiales pour une meilleure cohabitation entre l’ensemble des vivants, humains et non-humains, qui peuplent les milieux terrestres. Elle invite à un certain renouvellement des cadres d’analyse, au-delà de la dichotomie société/environnement, pour mettre l’accent sur les relations d’interdépendance qui tissent les milieux habités. L’idée de transition écologique nécessite toutefois quelques précautions car, comme celle de développement durable, on la trouve à la fois dans des discours scientifiques et politiques.

Les travaux des écologues, climatologues, biologistes et autres spécialistes du vivant et des systèmes terrestres ont montré le dépassement d’un certain nombre de limites écosystémiques (rejets excessifs d’azote, phosphore, dioxyde de carbone, usage au-delà du seuil de renouvelabilité de nombreuses ressources… [Steffen et al. 2015]). Les mutations de l’Anthropocène, à commencer par le changement climatique et l’extinction actuelle des espèces, font peser de nombreuses incertitudes sur la continuation et la diffusion du mode de développement des pays des Nords. Sur la base de ces travaux scientifiques, des critiques plus ou moins radicales sont formulées sur la non durabilité des modes d’habiter des sociétés développées et des systèmes productifs extractivistes. La transition écologique trouve son origine dans ces critiques.

Si certains territoires, à l’échelle locale, pourraient être considérés comme étant sur la voie d’une transition écologique, celle-ci existe avant tout à l’état de projets sociétaux, largement débattus. Les constats sur la non durabilité des modes dominants de développement sont amplement partagés, mais les analyses sur les causes de cette non durabilité (avec notamment la remise en cause ou non du capitalisme dans ses diverses formes), les modes alternatifs d’habiter à mettre en place et les trajectoires de changement à emprunter font l’objet de débats et de désaccords profonds, aussi bien en sciences humaines et sociales que dans les arènes politiques locales, nationales et internationales.

Parmi les très nombreuses formulations des projets de transition écologique, on peut distinguer deux grandes tendances. La première, que l’on peut appeler modernisation écologique, cherche à concilier les modes actuels de développement avec la préservation de l’environnement. La transition repose avant tout sur l’innovation technique avec pour objectif la décarbonation de l’économie et la préservation de la biodiversité sur certains territoires protégés. La deuxième tendance est un projet plus transversal et plus radical qui allie les objectifs écologiques à ceux de réduction des inégalités socio-économiques et d’approfondissement de la démocratie. Certains auteurs évoquent à ce titre une transition sociale-écologique (Laurent, 2017). Cette tendance rompt avec la vision d’un développement fondé sur un progrès technique et humain linéaire qui permettrait une meilleure maîtrise de l’environnement. Partant du constat du dépassement de nombreuses limites terrestres, et de l’impossibilité pour les humains de s’affranchir des très nombreuses relations d’interdépendance au non-humain, ces projets de transition écologique proposent « d’atterrir » (Latour, 2021) et de repenser le bien-être dans le cadre offert par les écosystèmes, en préservant les relations d’interdépendance au vivant. Dans la lignée de Philippe Descola et Bruno Latour, ils s’accompagnent d’une remise en cause du cadre de pensée moderne qui distingue ce qui serait humain, ou culturel, de ce qui serait naturel. Ce nouveau cadre d’analyse cherche à rompre avec les traditions modernistes issues du XVIIIe siècle pour tendre vers des relations plus empathiques avec les autres vivants (Morizot, 2020). Ces deux tendances de la transition écologiques divergent sur les questions du développement (à infléchir, verdir, rendre plus durable dans le premier cas, s’en affranchir dans le second) et de la modernité (à réformer pour prendre en compte les contraintes écologiques dans le premier cas, sortir de ce cadre de pensée dans le second).

Dans les deux cas, la transition écologique est vue comme un projet émanant de collectifs humains, et qui pourrait être planifié, piloté, mis en œuvre selon une certaine progressivité. Or, les mutations globales de l’Anthropocène, en premier lieu le changement climatique et l’extinction des espèces, sont des bouleversements dont les manifestations sont brutales et non contrôlées par les sociétés. Les mutations majeures en cours ne sont donc certainement pas tant la résultante d’une transition comme projet politique, que la manifestation de ruptures dans les écosystèmes anthropisés, ruptures auxquelles il faudrait s’adapter dans l’urgence. En ce sens, la transition écologique ne serait sans doute pas tant pilotée que négociée avec les autres vivants.

Alexis Gonin, mai 2021.


Références citées
  • Beucher, Stéphanie. 2021. Les transitions. CNRS éditions, La Documentation Photographique n° 8139.
  • Latour, Bruno, 2021. Où suis-je ? Leçons du confinement à l’usage des terrestres. Paris : La Découverte.
  • Laurent, Éloi. 2017. À l’horizon d’ici. Les territoires au cœur de la transition social-écologique. Lormont : Le bord de l’eau.
  • Morizot, Baptiste, 2020. Manières d’être vivant : enquêtes sur la vie à travers nous. Éditions Actes Sud.
  • Steffen, W., Richardson, K., Rockström, J., Cornell, S.E., Fetzer, I., Bennett, E.M., Biggs, R., Carpenter, S.R., De Vries, W., and De Wit, C.A., 2015. "Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet". Science, 347 (6223), 1259855.
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