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Accaparement (des terres, des mers)

Publié le 26/09/2023
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L'accaparement des terres (land grabbing ou landgrab en anglais, de land, la terre, et grabbing, action de se saisir, d'empoigner) est le processus d'acquisition ou de jouissance de terres à des fins principalement agricoles (mais pas seulement) dans un contexte d'économie mondialisée. Les investissements, privés ou publics, vers les terres agricoles « disponibles », en particulier celles des pays précaires, ne sont pas nouveaux : au début du XXe siècle, la société américaine United Fruit Company possédait près du quart des terres cultivables du Honduras. Ce qui est nouveau, c'est l'ampleur et la rapide croissance des investissements, depuis la crise alimentaire de 2008 surtout, et le fait que des États y participent. Les transactions sont difficilement quantifiables du fait de l'opacité et du caractère confidentiel ou sibyllin des contrats signés par les investisseurs.

L’expression « land grabbing » aurait été popularisée par GRAIN, une ONG spécialisée dans la défense de l’agriculture paysanne (Courtial, 2022). Le premier cas largement médiatisé fut la tentative (avortée en raison du tollé) d’une concession faite à un groupe sud-coréen, Daewoo Logistics, de 3,2 millions d’hectares de terres à Madagascar, soit l’accaparement de la moitié des terres arables du pays (ibid.)

Dans le monde, les terres accaparées se trouveraient pour moitié en Afrique, pour plus de 20 % dans la région Pacifique-Asie de l'Est, et pour moins du quart dans la zone Europe-Asie centrale, et l'Amérique latine en concentrerait environ 10 %. Les pays d'origine des opérateurs, qu'il s'agisse d'États ou d'acteurs privés, sont ceux qui disposent de ressources agricoles insuffisantes mais de capitaux disponibles (Japon, Corée du Sud, Arabie saoudite, Qatar, Koweït, Émirats arabes unis, Chine, etc.). Les logiques des « accapareurs » sont différenciées : si certains États sont mus par le souci de répondre aux futurs besoins alimentaires de leur population, en particulier dans un contexte où leurs terres disponibles viendraient à manquer, les grandes entreprises ont davantage à cœur de s'internationaliser et d'investir dans une agriculture destinée aux exportations.

L’accaparement des terres débouche sur un accaparement de l’eau ou water grabbing : les cultures d’exportation étant fréquemment irriguées pour augmenter leur rendement, les États qui pratiquent l’accaparement foncier font pression sur la ressource en eau de leurs victimes, et ce faisant ils économisent leurs propres ressources (Courtial, 2022, p. 216).

L’accaparement des terres est dénoncé comme une forme de néocolonialisme, et plus précisément d'agro-colonialisme par les ONG et nombre d'organisations paysannes.

De la même façon, on parle d’accaparement des mers ou ocean grab ou global ocean grabbing. Il s'agit des processus qui portent atteinte aux droits d’accès ainsi qu'aux modèles de production des personnes et des communautés dont le mode de vie, l’identité culturelle et les moyens de subsistance dépendent de leur participation à la pêche artisanale et aux activités étroitement associées, dans les pays du Sud comme du Nord. L'accaparement est le fait de la pêche industrielle et fait l'objet de dénonciation à l'ONU et parmi les ONG. L’extension récente de la taille des aires marines protégées, lorsqu’elles sont soustraites aux usages de subsistance des populations locales, participe également au processus d'accaparement des ressources naturelles à travers la science et la protection de l’environnement.

(ST), dernières modifications : (MCD) septembre 2014, (JBB) septembre 2020, septembre 2023.


Références citées
  • Courtial Mylène (2022), « Le land grabbing et le changement d’affectation des terres », in Libourel Éloïse et Gonin Alexis (dir., 2022), Agriculture et changements globaux, Neuilly : Atlande, 504 p, p. 207—223.
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