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Irrigation

Publié le 06/11/2025
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L’irrigation est l’apport d’eau à une parcelle agricole. Il s’agit de remplacer l’incertitude et les aléas des précipitations par un contrôle humain sur l’un des éléments fondamentaux de la croissance des végétaux, l'eau. Dans les climats à saisons froides, la saison chaude correspond à l’optimum de croissance de la plupart des plantes, mais aussi au maximum de l’évapotranspiration. En cas de sécheresse ou d’apport d’eau insuffisant, la croissance ralentit ou s’arrête, et les rendements diminuent. C'est particulièrement vrai dans le cas du climat méditerranéen par exemple, où la saison chaude se trouve aussi être la plus sèche (sécheresse estivale). Une agriculture non irriguée est appelée agriculture pluviale.

L’irrigation gravitaire est aussi ancienne que les premières grandes civilisations agricoles : les premiers canaux apparaissent dans les greniers à blé ou à riz de Mésopotamie, de Chine et d’Égypte. Le riz, en particulier, a besoin d’un contrôle strict de l’apport en eau, et notamment d’avoir le pied sous l’eau à un certain stade de sa croissance. En Égypte ancienne, on savait déjà remonter l’eau du fleuve vers les premières pentes à l’aide d’une bascule, le chadouf. Certaines sociétés rurales ont mis au point des systèmes originaux en tenant compte des contraintes topographiques et environnementales, comme les jessour dans les hautes terres du Sud tunisien (Berly, 2025).

D’autres modes d’irrigation sont permis aujourd’hui par la mécanisation et la motorisation. L’irrigation par aspersion repose sur des rampes droites ou pivotantes. Le goutte-à-goutte, plus économe et plus précis, est plutôt réservé aux cultures plus délicates ou à forte valeur ajoutée, par exemple dans le maraîchage ou l’agriculture urbaine et périurbaine. Dans le cas le plus courant, l’eau est prélevée directement sur l’exploitation par des pompes à moteur, dans les nappes de surface (phréatiques) ou dans les cours d’eau, plus rarement dans les nappes profondes, généralement gratuitement. Dans certaines régions arides, l’agriculture n’est possible que grâce à l’irrigation : déserts saoudiens ou de l’Ouest des États-Unis, fronts pionniers en Égypte ou dans les oasis de l’Ouest chinois… Dans l'Irak ravagé par des années de conflits, l'irrigation est la condition de la sécurité alimentaire du pays, mais elle est limitée par la diminution des pluies, le manque d'investissements et la pénurie d'eau croissante qui oblige à forer toujours plus profond, au risque de vider les nappes (Roussel, 2025).

L’irrigation a permis une forte hausse des rendements et une stabilisation interannuelle de ces derniers, cruciale pour assurer la sécurité alimentaire des États et les revenus des agriculteurs. Elle a joué un grand rôle dans le productivisme agricole et dans les systèmes intensifs en général (huertas, systèmes agraires nés des révolutions vertes. Toutefois, comme toutes les autres formes de la « grande accélération » liée au prélèvement des ressources naturelles, l’irrigation soulève un certain nombre de questions.

  • La première limite est la disponibilité de la ressource en eau. L’agriculture est de loin le premier secteur consommateur d’eau à l’échelle mondiale. Même si une grande partie de l’eau retourne dans l’environnement par infiltration ou évapotranspiration, celle qui s’infiltre est parfois polluée par les intrants. Le réchauffement et l’instabilité climatiques, les conflits d’usage et les conflits environnementaux autour de la ressource en eau (voire les « guerres vertes »), la baisse de la disponibilité (niveau des lacs de barrage et des nappes profondes), remettent en question l’irrigation, surtout quand elle n’est pas régulée ni raisonné. 
  • La seconde limite est la salinisation des sols. L’eau douce contient toujours une petite quantité de sels minéraux. Les apports excessifs d’eau sur le sol finissent par augmenter la salinité de ce dernier, et par entraîner une baisse des rendements. Comme c’est le cas des intrants, les excès finissent par s’avérer contre-productifs, au point que certaines parcelles doivent être abandonnées, en Inde par exemple (Libourel et Gonin, 2022).
  • La troisième limite est la question de la destination de l’eau. Seule une petite partie de l’eau d’irrigation sert à produire de la nourriture directement destinée aux humains. Le coton destiné à produire nos vêtements est une plante très gourmande en eau en début de croissance, même si des variétés génétiquement modifiées beaucoup plus sobres ont été mises au point. Le creusement de mégabassines, parfois en dépit du droit, dans l’Ouest de la France, vise à irriguer du maïs destiné à nourrir du bétail dans le cadre d’un système productiviste contrôlé par les grandes entreprises de l’agrobusiness. Ces questions posent la question d'une démocratie de l'eau qui soit réellement profitable aux environnements et aux humains (Carrausse et Tabouret, 2025).

(JBB), juin 2023. Dernières modifications : janvier 2024, novembre 2025.


Références citées
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