Destruction de Gaza, la catastrophe est aussi environnementale
Gaza n’est pas seulement touchée par les bombes ; elle traverse aussi une crise environnementale multiforme (1). Petit fragment de la Palestine, la bande est un territoire exigu de 360 kilomètres carrés – soit à peine trois fois la superficie de Paris intra-muros –, caractérisé par une importante croissance démographique. Avec environ 2,3 millions d’habitants, c’est l’un des territoires les plus denses de la planète. Une situation déjà à l’origine, avant le conflit actuel, d’une pression sur l’environnement d’autant plus forte que les autorités peinaient à suivre le rythme de l’explosion urbaine dans un contexte de grande pauvreté, avec un PIB par habitant inférieur à 2 000 dollars par an et 46 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté en 2022.
La destruction d'une exploitation agricole au nord-est de Gaza, visible sur les images satellite. Source, Google maps (images Airbus), localisation : 31°50 N, 34°48 E.
Une pollution multiforme
Alors que l’insuffisance des infrastructures atteignait déjà un niveau critique, celles-ci se retrouvent en grande partie dévastées par un conflit meurtrier et destructeur, accentuant une crise environnementale de plus en plus prononcée. Fin septembre 2024, plus de 66 % des bâtiments de la bande de Gaza ont été détruits ou endommagés, dont au moins 60 % des hôpitaux, des écoles et des universités, selon l’ONU, qui s’appuie sur des données satellites. L’organisation estime que la guerre a déjà généré 39 millions de tonnes de débris, soit l’équivalent de dix grandes pyramides de Gizeh (Égypte). Ces débris renferment souvent des restes humains ou des munitions non explosées, tandis que les effondrements et les incendies dus aux bombardements produisent d’énormes quantités de poussière à l’origine de difficultés respiratoires. Les Nations unies montrent aussi que les armes employées par l’armée israélienne contiennent des substances chimiques dangereuses pour la santé, même en petites quantités, telles que du phosphore ou des métaux lourds toxiques (arsenic, cadmium, chrome, plomb, mercure).
S’ajoute à cette situation la destruction de la moitié des terrains agricoles (surtout des oliveraies et des orangeraies), qui menace un approvisionnement alimentaire extrêmement limité et dépendant de l’extérieur, ainsi que l’endommagement des sols par les bombardements. Le ramassage des ordures étant rendu impossible par la pénurie de carburant, les déchets s’entassent dans de multiples décharges informelles et risquent de contaminer les sols et les nappes phréatiques par infiltration – ou bien ils sont brûlés, aggravant la pollution de l’air déjà élevée. Les systèmes de distribution d’eau potable et d’assainissement sont quasiment à l’arrêt. L’ONU et des ONG dénoncent l’utilisation de l’eau comme arme de guerre dans le cadre du siège de Gaza, qui limite aussi drastiquement la quantité de nourriture pouvant entrer sur le territoire (ONU, 2024 ; Oxfam, 2024).
Catastrophe sanitaire
Les conséquences sanitaires sont importantes à court et à long terme, et rendent le territoire invivable tant les conditions de vie deviennent insalubres. Dans les trois premiers mois de la guerre, l’ONU a enregistré des cas de diarrhées (causées par la consommation d’eau contaminée) 25 fois supérieurs au niveau d’avant le conflit. L’absence quasi totale d’assainissement combinée aux fortes densités dans les camps de réfugiés font craindre l’apparition du choléra, alors que des cas de gale et d’hépatite A sont déjà recensés. Les ONG observent une résurgence de la poliomyélite, une maladie pourtant disparue depuis vingt-cinq ans sur ce territoire, qui a justifié une brève « pause humanitaire » pour mener une campagne de vaccination. Les déplacements de population facilitent la propagation des épidémies, d’autant plus que les Palestiniens sont rendus plus vulnérables par la malnutrition et la désorganisation d’un système de santé submergé par le traitement des blessés. Contrôlée par Israël, l’aide n’entre qu’au compte-gouttes dans l’enclave.
S’ajoutant aux « caractéristiques génocidaires » du conflit relevées par l’ONU en mars 2024, cet « écocide » pourrait être qualifié de crime de guerre. En effet, les dommages écologiques en temps de conflit étant condamnés par le droit international (protocole I additionnel aux conventions de Genève ; statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui a montré sa volonté en ce sens en février 2024). La situation pose la question de la reconstruction et de la résilience de ce territoire… lorsque les combats auront cessé.
Sources principales
- Nations unies, « Un Comité spécial des Nations Unies estime que les méthodes de guerre utilisées par Israël à Gaza relèvent du génocide, y compris l’utilisation de la famine comme arme de guerre », 14 novembre 2024.
- Oxfam France, « Israël utilise l’eau comme arme de guerre, à l’heure où l’approvisionnement de Gaza s’effondre de 94 %, provoquant une catastrophe sanitaire mortelle », 18 juillet 2024.
- PAX, War and Garbage in Gaza, 2024.
- UNEP, Environmental impact of the conflict in Gaza, 2024.
Clara LOÏZZO
Professeure en classes préparatoires aux grandes écoles, lycée Masséna, Nice
Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron
Pour citer cette brève :
Clara Loïzzo, « Destruction de Gaza, la catastrophe est aussi environnementale », Géoconfluences, décembre 2024.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/destruction-de-gaza-la-catastrophe-est-aussi-environnementale