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Inondations dévastatrices à Valence : le révélateur d’une forte vulnérabilité en contexte méditerranéen

Publié le 13/11/2024
Auteur(s) : Clara Loïzzo, professeure en classes préparatoires aux grandes écoles - lycée Masséna, Nice
Alex Prados Linde, professeur agrégé de géographie - académie de Créteil
Dans la nuit du 28 au 29 octobre 2024, des pluies exceptionnelles, dépassant les 600 litres/m2 en quelques heures, ont affecté de vastes zones du pays valencien, provoquant d'importantes inondations. Cet événement météorologique, bien que relativement fréquent en Méditerranée, a causé des dégâts matériels et humains d'une ampleur exceptionnelle avec plus de 210 morts, l’une des catastrophes les plus meurtrières liées aux inondations en Espagne au XXIe siècle. La gravité des impacts s'explique par la combinaison d’un aléa intense et d’une vulnérabilité élevée.

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Un aléa exceptionnellement fort

L’aléa s’est manifesté avec une intensité particulièrement forte. Il est tombé autant de pluie en trois heures qu’au cours des 21 mois précédents, dans une région touchée par une longue sécheresse. L’épisode méditerranéen, classique à cette période de l’année, a vu son intensité redoublée par le phénomène de « goutte froide » (Météo France, 2024), débouchant sur un orage stationnaire dont la violence est aggravée par le changement climatique et la température encore très élevée de la Méditerranée. Ces très fortes précipitations ont entraîné des inondations torrentielles très rapides.

Une vulnérabilité accrue par les modalités de l’urbanisation

Dans une région très urbanisée autour de la troisième plus grande ville d’Espagne, densément peuplée, le degré d’exposition des sociétés est élevé. La plaine, en partie industrielle, reste encore agricole malgré un fort recul de cette fonction ; la huerta valencienne, consacrée au maraîchage, est d’ailleurs très touchée par les inondations. La vulnérabilité de la région a été renforcée par l’aménagement accru des plaines alluviales au cours des dernières décennies sous l’effet de la croissance urbaine et démographique. Cette périurbanisation tend à concentrer les enjeux (habitations, infrastructures de communication, zones d’activités) dans des espaces à risque : près d’un tiers des habitations affectées ont été construites en zone inondable depuis les années 2000, alors que depuis 2003 les zones inondables étaient cartographiées. De plus, l’urbanisation et l’artificialisation des sols renforcent aussi l’aléa, en imperméabilisant les surfaces, ce qui aggrave le ruissellement, d’où des effets aggravés lors des évènements climatiques extrêmes.

La gestion du risque en question

Malgré des alertes anticipées de la part de l’Agence d’État de météorologie (abrégée AEMET en espagnol), le président de la communauté valencienne a minimisé la situation, si bien que les alertes n’ont été reçues sur les téléphones portables que très tardivement, près de deux heures après le début de la crue des fleuves Jucar et Magro. Dans les jours suivant les inondations, la gestion de la catastrophe est assurée par la Communauté autonome, en collaboration avec l'État central. Cependant, cette double gestion suscite des critiques : bien que la région dispose des compétences nécessaires pour organiser la réponse à la crise, elle dépend des moyens de l'État, qu’elle doit solliciter. Le président valencien Mazón, membre du Parti Populaire (PP), choisit de temporiser sa demande de soutien à l'État, dont le gouvernement est dirigé par le Parti socialiste, opposé au PP. L’activation de l’Unité Militaire d’Urgence (UME), dépendant du ministère de la Défense, n’est demandée par Mazón qu'après le début de la catastrophe, dans la soirée du 29 octobre, et après plusieurs propositions de la part du gouvernement. Cette unité avait d'ailleurs été critiquée auparavant par Mazón, qui la jugeait trop coûteuse. La décision de l'État central de ne pas élever le niveau d'alerte ni de décréter un état d'urgence similaire à celui instauré lors de la crise de la covid-19 est également pointée du doigt. Une telle mesure aurait permis une réponse plus rapide et une mobilisation immédiate des ressources et des militaires, contournant ainsi les lenteurs de la gestion régionale.

1956-1957 2024

Carte du risque inondation (en marron) d’après le Patricova (plan de prévention du risque inondation) en surcharge sur la photographie aérienne des années 1956-57 et sur l’image satellite actuelle, sources : Patricova, IGN espagnol, d’après Datadista.com

Cette catastrophe pose enfin plus largement la question de la gestion du risque à plus long terme et de façon plus résiliente, dans le contexte du changement climatique. Là où la réponse a longtemps été technique, comme avec les grands travaux hydrauliques entrepris sous la dictature franquiste, comme la déviation du Turia qui a permis de protéger la ville de Valence, les sociétés mettent désormais l’accent sur la prévention et la résilience. Dans les dernières semaines, la Catalogne, la Navarre ou la Galice ont annoncé des nouvelles mesures pour prescrire des plans obligatoires de préventions aux communes exposées.


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Mots-clés

Retrouvez les mots-clés de cet article dans le glossaire : artificialisation | changements globaux | climat méditerranéen | enjeu | inondation | huerta | risque | vulnérabilité.

 

 

Clara LOÏZZO

Professeure en classes préparatoires aux grandes écoles, lycée Masséna, Nice

Alex PRADOS LINDE

Agrégé de géographie, académie de Créteil

 

Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron

Pour citer cette brève :

Clara Loïzzo et Alex Prados Linde, « Inondations dévastatrices à Valence : le révélateur d’une forte vulnérabilité en contexte méditerranéen », Géoconfluences, novembre 2024.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/inondations-valence