Vous êtes ici : Accueil / Informations scientifiques / Dossiers régionaux (Territoriaux) / La France : des territoires en mutation / Territoires de l’innovation et de la compétitivité en région PACA : le projet ITER, de l'international au local

Territoires de l’innovation et de la compétitivité en région PACA : le projet ITER, de l'international au local

Publié le 26/01/2009
Auteur(s) : R. Languillon
S. Tabarly

Mode zen PDF

ITER est un projet d'expérimentation d'une nouvelle forme d'énergie nucléaire, la fusion, qui pourrait contribuer à répondre aux défis énergétiques des générations futures en proposant une alternative aux ressources actuelles, pour l'essentiel fossiles et épuisables.

ITER, c'est aussi une innovation dans la coopération scientifique internationale et la gouvernance des grands équipements de recherche de niveau mondial par son organisation juridique et par les modes de participation de chaque pays membres du projet.

ITER, enfin, contribue à impulser des dynamiques en terme d'aménagement et de compétitivité du territoire en répondant aux objectifs européens du sommet de Lisbonne.

 

Un projet international hors normes au coeur de la région PACA

Le 25 juin 2005, sept partenaires, (l'Union européenne, le Japon, la Russie, les États-Unis, la Chine, la Corée du Sud et l'Inde) ont décidé de construire en commun le plus gros tokamak (voir le document technique ci-dessous) du monde baptisé International tokamak experimental reactor (ITER). Les sept pays partenaires, via des agences domestiques nationales (Home teams [1]), contribuent au financement et à la construction d'ITER.

Quelques repères autour du projet ITER

Maîtriser la fusion nucléaire ?

En pop-up : le dossier scientifique et technique, aperçus

Réalisé en collaboration avec Catherine Simand Vernin, responsable du site CultureSciences Physique à l'ENS de Lyon

Des mots clefs : tokamak, chambre torique, plasma, combustible, tritium, deuterim, lithium, Tore Supra, JET, etc.

Un partage international des tâches

Une originalité du projet ITER est la fourniture en nature des principaux composants entre les septs pays membres de l'organisation, les équipements conventionnels ou non transportables étant à la charge de l'Europe (bâtiments, grandes bobines poloïdales…).

Le tokamak ITER : coupe et éléments

Consulter aussi les pages de CultureSciences Physique, un des autres sites du réseau ENS - Dgesco, en particulier :

  • La fusion thermonucléaire et le projet ITER, une conférence de Pascale Monier-Garbet (Institut de recherches sur la fusion magnétique, CEA Cadarache) présentée lors de la journée académique enseignement-recherche sur le thème "Les milieux extrêmes", organisée par l'Académie de Lyon et l'Université de Lyon, le 5 février 2009: http://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/.../fusion-ITER-PGarbet.xml
  • Quelle politique énergétique pour respecter la planète ?, une conférence d'intérêt général de Bernard Bigot (Haut-commissaire à l'énergie atomique, nommé depuis Directeur général du CEA), organisée par le groupe "séminaires de l'ENS Lyon", le 28 novembre 2007 : http://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/.../conference_BBigot.xml

 

Repères chronologiques et calendrier du projet ITER, document pop-up

La construction d'ITER dans les Bouches-du-Rhône, en région PACA, et sur le territoire du "Val de Durance"» va avoir d'importants impacts sur un espace déjà largement dédié au secteur du nucléaire et aux activités de recherche qui lui sont associées, avec en particulier le Centre d'étude nucléaire (CEN) qui abrite, entre autre, le Centre d'étude atomique (CEA), la Cogema, EDF, Technicatom, et bien d'autres entreprises publiques, mixtes ou privées. L'acceptabilité de ces installations par les populations est plutôt bien vécue, en revanche, des oppositions à l'implantation d'ITER à Cadarache, bien que tardivement exprimées, sont actives : elles concernent soit l'équipement en tant que tel, soit des aménagements associées, comme la ZAC de Chanteprunier à Manosque.

Gestation internationale du projet

L'idée du projet ITER date du sommet de Genève de novembre 1985 (voir chronologie, supra), durant lequel l'ex-Union soviétique propose aux États-Unis de construire un tokamak en partenariat avec l'Union européenne (UE) et le Japon. En 1992, dans le cadre de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'Europe, les États-Unis, le Japon et la Russie signent l'accord "Engineering Design Activities" ITER, qui vise à la construction d'une installation expérimentale par le biais d'une collaboration scientifique internationale.

En janvier 2003, les États-Unis, qui s'en étaient retirés en 1998, reviennent dans le projet, suivis par la Chine et la Corée du Sud. En novembre de la même année, Cadarache devient le site candidat unique pour l'UE après d'âpres négociations qui opposaient le site français et un site espagnol près de Barcelone. Sur la scène internationale, le site de Cadarache se trouve alors en compétition avec le site japonais de Rokkasho (Aomori).

Ce bras de fer entre les deux sites candidats conduit l'UE, lors du Conseil de compétitivité [2] de novembre 2004, à annoncer qu'elle compte construire le projet ITER à Cadarache, seule s'il le faut, ce qui met les autres partenaires devant le fait accompli. Au printemps 2005  la situation se débloque avec un sommet UE-Japon à Luxembourg et une réunion des six partenaires restants à Moscou, qui valident le site de Cadarache.

Financement et organisation générale, de l'international au local

La France participe à hauteur de 12% au financement d'ITER, et l'UE, par le biais d'Euratom, à hauteur de 38% (France non comprise). Les cinq autres grands partenaires (Chine, États-Unis, Japon, Russie, Corée du Sud) assurent chacun 9,1% environ. La phase de construction coûtera 4,57 milliards d'euros, et durera 10 ans. La phase d'exploitation coûtera 4,8 milliards d'euros, et durera 20 ans. La phase de démantèlement sera entièrement à la charge de la France : elle coûtera 0,53 milliards d'euros, et durera 7 ans.

ITER, une organisation internationale

Dans l'attente d'un statut juridique légal officiel prévu en 2009, ITER est représenté par trois organisations hôtes : Max Planck IPP, à Garching, près de Munich ; JAERI à Naka (Ibaraki), près de Tokyo au Japon et le CEA à Cadarache.

La plus haute instance de pilotage de l'organisation est le conseil d'ITER, créé en 2007, qui est le conseil d'administration de l'ITER Legal Entity (ILE). Ce conseil est composé de quatre représentants pour chacun des sept pays partenaires. Le directeur général de ce conseil dirige la "ITER Project Team", localisée à Cadarache, qui est responsable de l'exécution du projet ITER. Le conseil est par ailleurs assisté d'un comité technique (Technical Advisory Committee / TAC), et d'un comité de gestion (Management Advisory Committee / MAC).

L'équipe de conception exécute ses travaux sur deux co-centres situés à Naka et à Garching. L'ensemble du personnel ITER (Joint Central Team / JCT) présent sur les co-centres représente environ 150 personnes.  Les spécifications techniques nécessaires à la réalisation d'ITER sont définies par l'équipe ITER puis confiées pour exécution aux agences domestiques (Home Teams).

La recherche & développement et certains travaux de conception sont assurés d'une façon entièrement décentralisée dans les laboratoires et les industries des sept pays partenaires. Le reste de la conception et l'intégration de toutes les contributions au sein d'un projet cohérent et unique est de la responsabilité d'une équipe centrale commune ("Joint Central Team").

La recherche sur la fusion nucléaire et le projet ITER : panorama mondial

Source : European Fusion Development Agreement (EFDA)

Source : Organisation ITER

Les collectivités territoriales de la région PACA financent l'équivalent de 10% du coût du projet total, soit autant que les États-Unis, ce qui est un effort considérable et sans précédent : en tout, 447 millions d'euros sur les 4,7 milliards d'euros que coûte la phase de construction du projet sur 10 ans. Le conseil régional de PACA se charge de financer 152 millions d'euros, les conseils généraux des Alpes de Haute Provence, des Bouches du Rhône, du Var, et du Vaucluse financent respectivement 10 millions, 152 millions, 30 millions et 28 millions d'euros. Enfin, la communauté du Pays d'Aix finance 75 millions d'euros. Contrairement aux financements des États, le financement des collectivités territoriales ne concernent pas la construction du réacteur, mais son implantation sur le site (infrastructures, aménagements ...).

Au-delà du soutien financier apporté au projet, les collectivités territoriales se sont engagées à faciliter l'insertion des équipes internationales et de leurs familles avec plusieurs aménagements au niveau du logement, du transport, de l'éducation, et du suivi personnalisé administratif avec le centre d'accueil qui aidera l'intégration des familles dans la vie locale et nationale. Un Comité de pilotage régional lancé par le préfet de région dès 2002 regroupe les six collectivités locales, les services de l'État, les acteurs scientifiques et économiques. Il a pour tâche de préparer une politique d'aménagement du territoire adaptée aux enjeux d'ITER, mais aussi d'anticiper les besoins de formation liés aux futurs effets d'entraînement d'ITER, ainsi que la mise en place de synergies entre tous les secteurs concernés. Les Chambres de commerce et d'industrie (CCI) de chaque département jouent un rôle central dans la formation et l'information pour tout ce qui touche à ITER.

Quels territoires pour les grands équipements de recherche internationaux ?

Comment de gros équipements comme Tore Supra, ITER peuvent-ils influer sur le territoire qui les entoure et quels en sont les effets croisés, les synergies ? L'installation du CEA [3] à Cadarache a été à la source du décollement industriel et démographique de la région de Manosque à partir des années 1960. Il lui a apporté une manne de capitaux et d'activités. Il y a aussi cristallisé les sensibilités : grande hostilité pour certains (avec une crainte presque religieuse du nucléaire), enthousiasme pour d'autres.

Quelques décennies ont passé et le centre de Cadarache, et à présent ITER, sont bien à la croisée de flux matériels et immatériels qui participent à la fondation d'un territoire. Territoires de l'énergie, ils sont aussi les énergies d'un territoire par les nombreuses activités, richesses et sensibilités générées.

Ces équipements ont des répercussions à toutes les échelles géographiques, de l'hyper local au mondial : quelles sont donc les sphères territoriales des impacts d'ITER ? Elles transcendent toutes les échelles géographiques et font fusionner en un même point des territoires ou des espaces multi-scalaires. ITER se fait le pôle structurant de plusieurs espaces dont les limites matérielles et immatérielles empiètent les unes sur les autres et débordent de leur cadre : ce n'est pas qu'un centre de fusion nucléaire, c'est aussi un centre de fusion scalaire ! Une série de questions en découlent. Un gros équipement est-il connecté au territoire local, ou est-il directement tourné vers des échelles supérieures de relations et donc déconnecté du territoire qui l'accueille ? A-t-il des impacts homogènes dans l'espace et le temps ? Vient-il contrarier les sentiments d'appartenance préexistant attachés au territoire qui l'accueille ? Peut-il devenir identitaire à son tour… ?

ITER : centres décisionnels et territoires

Conception, réalisation : Raphaël Languillon-Aussel, 2008

Structure juridique

L'architecture juridique du projet se décline en trois niveaux. Au niveau international il est piloté par l'organisme ITER Legal Entity (ILE). En tant que maître d'ouvrage et exploitant nucléaire, l'organisme est implanté sur le site de Cadarache où il a la responsabilité de la construction, de l'exploitation et de la cessation définitive d'exploitation de la machine. Un directeur général [4], responsable de l'organisation, est tenu de rendre des comptes à un conseil international d'ITER, composé de représentants des États participants. Ce type de structure a déjà été expérimenté pour d'autres gros équipements ou projets comme ceux du CERN [5], de l'ESA…

Chaque État partenaire dispose d'une agence "domestique" nationale. Pour l'Europe, cette agence est basée à Barcelone, localisation fruit des négociations en interne à l'Europe, et s'appelle "European Legal Entity" (ELE). Une des spécificités économiques et logistiques d'ITER est l'importance de la notion d'apport en nature.

Chaque partenaire a donc la responsabilité de construire sur son propre budget un certain nombre de composants sur un total de 85 lots répartis équitablement entre tous les partenaires, lots nationaux qui sont assemblés ensuite sur le site de Cadarache. Chaque agence nationale a donc pour tâche de seconder l'entité internationale chez chaque pays partenaire. Enfin, au niveau du pays d'accueil, la "French Legal Entity" (FLE) gère les aspects nationaux et locaux du projet, ainsi que les contributions du pays hôte, en particulier celles des collectivités territoriales. Cette structure a aussi en charge le démantèlement final du site qui incombe au pays hôte du projet.

Structure juridique d'ITER, du niveau international au niveau national

Conception, réalisation : Raphaël Languillon-Aussel, 2008

ITER, un moteur du dynamisme de la région manosquine et du Val de Durance

ITER se trouve en position de carrefour entre quatre départements et trois bassins de vie (Aix, Pertuis et Manosque). Au sein de la Communauté d'agglomération du Pays d'Aix (CPA), il se trouve en situation d'interface entre le cœur de la région urbaine d'Aix-Marseille et l'arrière-pays rural ou péri-urbain du Val de Durance [6]. Le sillon durancien est ainsi un nouvel enjeu d'aménagement et de croissance en région PACA dont ITER devrait favoriser la vocation de corridor de développement à fort potentiel, en renforçant le rôle de liaison que permet la Durance entre le littoral méditerranéen et l'arrière-pays provençal.

Dans le cadre du Plan régulateur du Pays d'Aix de 2007, qui fait office de pré-SCOT en attendant la réalisation du SCOT de la CPA, cinq axes prioritaires ont été définis pour le Val de Durance : faciliter la mobilité et l'accessibilité vis-à-vis d'ITER, structurer l'espace et conforter les trames urbaines, développer l'offre résidentielle, améliorer le niveau d'équipements, favoriser l'emploi et les retombées positives d'ITER.

Ce Plan régulateur du CPA prévoit ainsi trois scénarios de développement du Val de Durance : un scénario de la protection avec un parc du Val de Durance, un scénario de développement avec le projet de "Vallée de l'énergie", et un scénario d'accompagnement en faisant du Val de Durance un espace résidentiel. La question est donc de savoir quel destin ITER imprimera pour ce territoire qui hésite encore sur le scénario à privilégier.

Les impacts attendus d'ITER

Les impacts attendus d'ITER sont diversifiés : socio-économiques, scientifiques, spatiaux et environnementaux. Sur le plan socio-économique, il y a les impacts directs avec les retombées économiques en terme d'emplois, de sous-traitance, de partenariat, de valorisation industrielle des avancées technologiques liées à ITER ; mais aussi indirectement les dépenses liées à l'arrivée d'une population de scientifiques avec de hauts revenus, des services induits, des logements, des contribuables supplémentaires, une manne touristique supplémentaire, des effets d'entraînement au niveau des PME. Ces impacts ont des effets au niveau local, mais aussi au niveau régional, voire national.

On estime que pour un emploi direct créé pour ITER, il y aura 3 ou 4 emplois indirects. On considère ainsi qu'ITER génèrera environ 3 000 emplois indirects en France dont 1 400 en PACA durant la phase de construction (10 ans) pour 500 emplois directs, et 3 250 emplois indirects en France dont 2 400 en PACA durant la phase d'exploitation (20 ans) pour 1 000 emplois directs (600 personnes pour l'exploitation, et 400 scientifiques, dont 2/3 d'étrangers). Le montant annuel des dépenses des salariés d'ITER en PACA se chiffrera respectivement à 100 millions d'euros par an pour la première phase et 165 millions d'euros  par an en France pour la deuxième phase, dont 135 millions en PACA. Pour loger tous ces travailleurs, la région PACA a institué un périmètre de 28 communes autour d'ITER qui s'étend sur les quatre départements limitrophes pour y développer l'offre d'habitat. Dans les Alpes de Haute Provence sont concernées les communes de Manosque, La Brillane, Corbières, Gréoux, Oraison, Ste Tulle, Valensole, Villeneuve et Volx.

Implantation et travaux de nivellement et de viabilisation de la plate-forme ITER

Image Google Earth

Les images Google Earth dans les prochains mois, prochaines années, permettront de suivre

l'évolution du site.

Pointeur .kmz sur l'image Google Earth du site

Travaux de nivellement de la plate-forme ITER (fin 2008)

Source : CEA / Agence Iter

Point de vue : dans l'axe de la D 952, en direction de l'ouest-sud-ouest. La superficie totale du

site est d'environ 180 hectares

Quelques repères sur les images ci-contre :

1) le complexe du CEA, incluant Tore Supra 2) le site ITER 3) le bassin d'éclusées et le barrage EDF de Cadarache (production d'électricité et utilisations pour les besoins du CEN) 4) la Durance 5) le Verdon 6) la D 952

Dans une première phase, les activités du projet sont des travaux de nivellement, d'aménagement d'infrastructures, relevant majoritairement du secteur du BTP. Fin 2008 - début 2009, les reliefs du site ont été entièrement nivelés pour livrer une plateforme viabilisée. Au total 2,3 millions de m³ de matériaux auront été déplacés. Cette zone d'un seul tenant mesure environ 1 km de long sur 400 m de large. Situé en aval de la plate-forme, un bassin d'orage d'une contenance de 13 000 m³ permettant de collecter l'ensemble des eaux de pluie a été réalisé.

À coté de cette installation, quatre bassins destinés à contrôler les eaux de refroidissement du tokamak sont en cours de réalisation. Achevés au printemps 2009, ces bassins ainsi que le bassin d'orage seront reliés à la plateforme par des systèmes de canalisations indépendantes les unes des autres.

L'aboutissement de la première phase des travaux, nommée phase de viabilisation, s'étale sur deux ans et prendra fin en 2009, ouvrant la voie aux premières constructions de bâtiments définitifs comme ceux du siège d'ITER et le bâtiment de construction des bobines poloïdales.

Dynamiques socio-démographiques de la région manosquine


Dès la fin des années 1950, la croissance manosquine est fondamentalement liée à l'intervention massive de l'État pour redynamiser la région : installation du CEA (dans le cadre du Centre d'étude nucléaire / CEN [7] qui abrite également d'autres entreprises spécialisées dans l'énergie) à Cadarache en 1959 et de Tore Supra (un tokamak précurseur d'ITER) en 1988, construction de routes, d'un chemin de fer, du canal de Durance EDF de Jouques et du barrage de Cadarache dans lesquels le CEA peut puiser 16 000 m³ d'eau par jour pour faire fonctionner ses installations nucléaires.

La croissance démographique est forte entre 1960 et 1975, avec un optimum entre 1960 et 1965 par les effets conjugués du développement du site de Cadarache et de l'arrivée de rapatriés d'Afrique du Nord. Manosque passe de 9 500 habitants en 1962 à 19 000 en 1975. Ces flux migratoires sont en net recul à partir des années 1990 qui correspondent à un essoufflement de l'activité de Cadarache malgré l'exploitation de Tore Supra.

La zone ITER 20 minutes (ITER20min) [8] : caractéristiques

Le tissu urbain et les aires d'emploi

L'implantation d'ITER à Cadarache va avoir un impact important sur la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et plus précisément sur le territoire environnant Saint-Paul-lès-Durance, au confluent des quatre départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et du Var.

Le comité de pilotage ITER a délimité le territoire le plus directement concerné par cette implantation, composé des 31 communes situées à moins de 20 minutes de trajet de Cadarache. Une étude de la de la situation socio-démographique de ce territoire comme point de départ aux réflexions prospectives a été réalisée par l'INSEE. Cette zone ITER20min est une zone charnière, située entre le Luberon et le Verdon, au confluent de la Durance et du Verdon, et s'étirant le long du sillon durancien de Manosque à Pertuis. Sur une superficie de 320 km², elle est morcelée entre trois aires urbaines, onze unités urbaines, quatre zones d'emploi, dix intercommunalités et deux parcs naturels régionaux. Une grande partie de sa superficie est actuellement couverte par la forêt.

Références : Comité de bassin d'emploi du Pays d'Aix

Localisations et limite

Variation de population en région PACA et en zone ITER20min

Les agents de l'État ou d'EDF venus s'installer à Manosque ont été un facteur essentiel de dynamisation territoriale. Au cours des années 1970 sont apparus les "quartiers Cadarache" regroupant des actifs liés au Centre d'étude nucléaire (CEN) à Manosque, à Pertuis, à Aix-en-Provence. Dans les années 1990, la polarisation autour des trois centres urbains principaux a décliné, et l'effet Cadarache s'est diffusé dans un espace plus large. Sur l'ensemble des employés de Cadarache, 18% résidaient à Manosque, 25% dans les Alpes-de-Haute-Provence, 25% à Aix, et 44% dans les Bouches-du-Rhône. La part des cadres était de 33% à Manosque, et 50% à Aix. L'effet Cadarache s'est ainsi territorialisé autour de deux aires urbaines élargies polarisées par Aix au sud et Manosque au nord, avec un léger déséquilibre en faveur d'Aix.

Tore Supra a eu également une influence sur la composante démographique de la zone de Manosque. Elle a contrebalancé le vieillissement de la population et le départ des jeunes par l'arrivée de jeunes cadres (ingénieurs, chercheurs) et de leurs enfants. Cette population permet donc de rajeunir la population de Manosque, d'élever son niveau de revenus, et de diversifier sa composante sociale (avec une très importante dynamique associative).

Manosque se prépare à l'accueil d'ITER

Manosque est la ville la plus concernée par les effets directs d'ITER. Le numéro du 27 juin 2006 du journal La Provence titrait : "Manosque apparaît dorénavant comme la capitale d'ITER". Elle se prépare à accueillir les familles des chercheurs et les nouvelles entreprises liées à ITER avec l'adoption, en 2005, d'un nouveau Plan local d'urbanisme comportant l'aménagement de 350 ha de zones d'habitat, de zones artisanales et de zones industrielles. Le projet le plus significatif est celui de la Zone d'aménagement concertée (ZAC) de Chanteprunier, au sud-est de la ville, entre le chemin de fer et le canal de Durance.

Des impacts pour la région manosquine et la région PACA

Investissements et impacts sur l'emploi

Manosque : le centre ville et la ZAC de Chanteprunier

La ZAC de Chanteprunier s'étend sur 83 ha, dont 22 ha inscrits en Déclaration d'utilité publique (DUP).  Elle a trois objectifs : maîtriser le foncier, maîtriser les coûts de location et d'accession à la propriété, assurer les aménagements nécessaires (voieries, réseaux, éclairage public) non supportés par le contribuable manosquin.

La ZAC est divisée en plusieurs zones : une zone autour du pôle de santé avec la construction d'un nouvel hôpital ; une zone autour de l'école internationale ; un pôle de vie avec commerces, restaurants, bureaux, un hôtel trois étoiles de 80 chambres, un espace de congrès, et 140 logements ; une zone commerciale ; des zones de logements collectifs (475 logements de 3-4 personnes en immeubles), de logements individuels groupés (150 maisons accolées), et de villas en copropriété (125 en tout) ; et enfin des espaces verts qui couvrent 10% de la surface totale de la ZAC.

L'hôpital et l'école internationale sont tous deux financés par la région PACA, alors que le reste de la ZAC est financé par la communauté de commune Lubéron-Durance-Verdon à hauteur de 40 millions d'euros.

www.ville-manosque.fr/-ZAC-.html

Le nouvel hôpital et l'école internationale sont financés par la région PACA dans une perspective d'aménagement du territoire régional. L'école internationale doit ouvrir partiellement dès 2009 et devrait compter à terme, du primaire au collège, 1 400 élèves venant des 25 pays de l'UE, des États-Unis, de la Russie, du Japon, de la Corée du Sud, de l'Inde et du Brésil. Les cours y seront dispensés en huit langues : français, anglais, allemand, japonais, chinois, coréen, russe et italien. L'école se justifie par la durée de séjour des chercheurs et cadres étrangers dans la région : 40% qui viendront pour quelques mois, 60% viendront pour au moins 5 ans. Dans un souci d'équité vis-à-vis des enfants de Manosque, l'école sera ouverte aux enfants des habitants des Alpes de Hautes Provence à hauteur de 30% des effectifs.

On estime qu'en matière de logement ITER va générer à court terme un besoin de 2 000 logements pendant la phase de construction (pour de courtes périodes, donc plutôt en locatif), et à moyen terme environ 1 000 logements lors de la phase d'exploitation (pour des périodes plus longues). La proximité du lieu de travail et des établissements scolaires étant déterminants dans le choix d'un logement, Manosque apparaît donc très bien positionnée vis-à-vis des retombées d'ITER. Ses ambitions ne se bornent d'ailleurs pas à la simple ZAC de Chanteprunier. Elle compte en effet construire une troisième zone industrielle pour accueillir les entreprises nées des effets d'entraînement d'ITER, ainsi qu'un parc technologique baptisé Héliopolis. Enfin, Manosque a décidé, pour offrir le meilleur cadre possible aux nouveaux arrivants, de réaménager son centre-ville avec de grandes opérations de réhabilitation de logements à l'abandon, ainsi qu'une grande entreprise de rénovation de son réseau viaire (boulevard des Amandier, allée Canto-Grilhet, rue des Tourelles, rue d'Aubette, quartier de la Ponsonne).

Les aménagements en région PACA

Le projet ITER est aussi une occasion pour améliorer les infrastructures de transport de la région. Le principe de participation en nature des États membres du projet fait que le site va accueillir des composants assez volumineux provenant d'autres pays. Leur acheminement se fera par convois exceptionnels, (à l'image de ce qui a été fait pour l'A380 à Toulouse [9] ce qui nécessite d'aménager un tracé routier spécial entre le port de Fos-sur-mer et le site de Cadarache. Les convois vont traverser en tout 18 communes sur 100 km pour un coût estimé à 81 millions d'euros, entièrement financé par la région PACA. Plusieurs aménagements sont nécessaires : l'évitement des communes de Berre, de Lançon et de Peyrolles, la rectification des virages dans la zone de Garri et le franchissement du défilé (clue) de Mirabeau.

L'itinéraire ITER de Berre à Cadarache. Exemples d'adaptation de tracé.

Au vu des caractéristiques exceptionnelles des convois de transport de certains composants d'ITER un itinéraire routier particulier a dû être aménagé pour relier le port le plus proche (Port de la Pointe, commune de Berre l'Étang) jusqu'au site du réacteur (voir la carte ci-contre).

Les pièces nécessaires à la fabrication du réacteur, fabriquées par les pays partenaires et d'un gabarit hors du commun, nécessitent des convois adaptés de taille très exceptionnelle pour être acheminés. Hors emballage, les plus lourds pèsent 450 tonnes, les plus longs mesurent 47 m, les plus larges 8,50 m et les plus hauts 9,10 m. Détails sur les convois : www.paca.equipement.gouv.fr/.../article=365

Exemples d'adaptation du tracé, de la sortie ouest de Peyrolles à l'arrivée sur le site ITER (ouest en est)

À la sortie de Peyrolles, le tracé suit la RD96 jusqu'au pont Mirabeau. Les convois continueront, après le giratoire Mirabeau, sur la RD952. Celle-ci sera élargie coté Durance par un mur de soutènement jusqu'à la voie de service de l'autoroute. Après un cours passage sur l'autoroute, ils emprunteront une piste pour reprendre la RD952, évitant ainsi de passer sur les têtes de tunnel Est de l'autoroute.

Carte du tracé général

Source : Direction régionale de l'équipement en région PACA

Le document en haute définition (6 Mo)

Hormis des renforcement de chaussées dans le passage au sud de Saint-Paul et quelques aménagements de ronds-points, cette partie de l'Itinéraire Iter n'offre pas de grandes difficultés d'aménagements.

Une vidéo virtuelle du franchissement de la clue de Mirabeau : www.webpaca.eu/iter/video.php?video=mirabeau

Sources :

D'autres aménagements concernent la SNCF et ont été impulsés par la mairie d'Aix pour améliorer la connexion entre Manosque, Cadarache et Aix, le long de la vallée de la Durance, avec la mise en place de navettes routières qui relient Digne, Manosque et Cadarache à la gare TGV et à l'aéroport d'Aix. La mairie d'Aix a aussi développé un projet de RER Aix-Cadarache-Manosque-Sisteron-Digne qui permet, grâce à des dessertes cadencées, des migrations pendulaires quotidiennes le long de la vallée de la Durance entre les quatre villes et ITER. Ce projet de RER, estimé à 140 millions d'euros, renforce la cohésion territoriale entre les bassins d'emplois d'ITER.

ITER et le CEN de Cadarache au cœur du pôle de compétitivité CapEnergie

ITER va être construit dans une zone limitrophe à celle de Cadarache, sur un espace de 180 ha actuellement géré par l'ONF (forêt domaniale de Cadarache). Bien que distinct du CEN, ITER en utilise certaines équipes et équipements mis en commun pour bénéficier d'une économie d'échelle liée à l'"effet cluster" [10].

Son emplacement a été retenu sur des critères techniques : accessibilité, présence d'un sous-sol calcaire particulièrement stable et proximité immédiate de la ligne électrique de 400 kv qui alimente déjà Tore Supra. Si ITER s'est implanté à Cadarache, près de Manosque, c'est qu'il existait déjà un technopôle spécialisé dans la recherche en énergie : le Centre d'étude nucléaire (CEN), qui, sur 1 600 ha, accueille le Centre d'étude atomique (CEA) dont Cadarache est le plus gros centre, avec, en 2007, 2 150 salariés sur le site (en dehors des salariés présents affiliés à d'autres entreprises comme la Cogema ou Technicatom qui sont au total 700 sur le site), 90 thésards, 166 collaborateurs étrangers, 1 000 salariés du groupe Areva et IRSN, et 1 000 salariés permanents d'entreprises extérieures. Le site comprend aussi 20 installations nucléaires de base, 480 bâtiments, ce qui en fait le centre de recherche sur les énergies renouvelables non génératrices de gaz à effet de serre le plus gros d'Europe. Juridiquement, le CEN de Cadarache est un Établissement public à caractère industriel et commercial (EPCIC) : ses recherches visent principalement des applications civiles, même si le pôle nucléaire possède un département de recherche sur les réacteurs nucléaires qui équipent les sous-marins français et le porte-avions Charles de Gaule.

ITER est donc implanté à proximité de Tore Supra, près du CEN de Cadarache, pour profiter des économies d'échelle liées à l'"effet cluster". Avec l'installation d'ITER, il y a quatre types communs à Tore Supra : les intrants et sortants matériels (composants), logistiques (eau, électricité…), humains, et immatériels (financements, informations…). La proximité avec le CEA et Tore Supra en facilitera la gestion.

Les défis des ressources, des risques et de l'environnement

En théorie, le fonctionnement quotidien d'une centrale à fusion nucléaire ne nécessitera aucun transport de matériaux radioactifs et les accidents d'emballement ou de fusion sont impossibles. Le processus de fusion ne génèrera pas de gaz à effet de serre ni de déchets radioactifs persistants (vie courte des éléments par ailleurs faiblement radioactifs). Des entrepôts hermétiques seront construits de part et d'autre du tokamak pour stocker les composants de la fusion (hydrogène, tritium et deutrium). Les risques accidentels ou provoqués seraient limités aux seuls sites des réacteurs, d'où leur grande facilité d'implantation à proximité des lieux de consommation.

Les besoins en eau et en alimentation électrique

Durant la phase d'exploitation, les besoins totaux en eau de refroidissement sont en moyenne de 16 m³/minute (sachant que 80% de l'eau du système de refroidissement seront évaporés), dont un taux incompressible de 5 m³/minute en période de non fonctionnement. À titre de comparaison, le débit réservé (débit minimum imposé à EDF) de la Durance est de 3 m³/minute. La prise d'eau s'effectuera au niveau du canal de Provence.

Durant la phase d'exploitation d'ITER, les installations rejetteront 200 m³ d'effluents industriels par jour qui seront déversés dans des bassins de rétention, auxquels s'ajoute le rejet de 3000 m³ d'eau par jour servant au refroidissement des tours de réfrigération qui seront déversés dans la Durance à une température de 30°C.

L'électricité est tout aussi fondamentale que l'eau dans le projet ITER. Le réacteur a besoin en permanence de 120 MW. Une ligne de 400 kV qui alimente déjà Tore Supra à proximité d'ITER sera prolongée. Mais il faudra des lignes supplémentaires : une double ligne de 225 kV ainsi qu'une seconde ligne de 400 kV. Chaque année, ITER consommera ainsi 600 GWh, c'est-à-dire 7% de la production d'une seule centrale nucléaire.

Les déchets radioactifs liquides proviennent surtout des liquides générés par le système de refroidissement. L'ensemble de ces effluents liquides sera collecté dans des cuves spécifiques, puis transféré à la station de traitement des effluents liquides du centre de Cadarache après traitements. Les déchets radioactifs solides sont de trois sortes : les déchets à très faible activité (20%), les déchets à faible et moyenne activité à vie courte (75%), et les déchets de moyenne activité à vie longue (5%). Ils ne seront pas stockés sur place mais envoyés dans des centres de traitement et de stockage spécialisés en fonction de leur teneur radioactive (centre de Morvilliers dans l'Aube, géré par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, centre de Soulaines).

Du schéma de fonctionnement aux installations

Source : CEA / Institut de recherche sur la fusion magnétique (IRFM) - www-fusion-magnetique.cea.fr

Source : B. Bigot www.ecole.ensicaen.fr/.../Bigot.pdf

La question des autres ressources : deutérium, tritium, lithium

Sur Terre, le combustible pour les réacteurs de fusion sera fourni par deux formes (isotopes) de gaz hydrogène : le deutérium et le tritium. Il y a environ 30 milligrammes de deutérium dans chaque litre d'eau. Si tout le deutérium contenu dans un litre d'eau fusionnait avec du tritium, il fournirait une énergie équivalente à 340 litres de pétrole. Par contre, le tritium est extrêmement peu abondant sur Terre (mais c'est un sous-produit de l'exploitation des centrales nucléaires libéré pendant le retraitement) : c'est pourquoi il est produit à l'intérieur même du réacteur de fusion à partir du lithium.

La disponibilité du lithium est un sujet récemment débattu à travers médias et blogs. Pour faire le point :

En pop-up, les défis de la ressource : le cas du lithium, métal de la "haute technologie" : un marché mondial, des acteurs

 

ITER et le pôle de compétitivité CapEnergie : vers un "territoire de l'énergie"

Le pôle de compétitivité CapEnergie est un organisme né de la loi de 2005 sur les pôles de compétitivité [11]. Il regroupe plus de 354 membres en 2008, dont 169 en PACA, 52 en Corse, 49 en Guadeloupe, 50 à la Réunion, et 34 dans d'autres départements (en dehors des DROM), 166 industriels, 20 organismes de recherche, 17 organismes de formation et 51 organismes institutionnels et vise à développer la forte expertise régionale dans le secteur des "énergies renouvelables non émettrices de gaz à effet de serre", à assurer le rayonnement international des entreprises du pôle, et enfin à favoriser les stratégies industrielles des PMI/PME spécialistes de ce domaine d'activité.

On peut constater que ce pôle n'est cependant pas qualifié au titre de pôle "mondial" ni à "vocation mondial". Faut-il y voir l'effet d'une trop grande dispersion géographique et thématique ? [12]

Le périmètre de ce pôle recouvre sept domaines : la maîtrise de la demande d'énergie, le solaire, l'éolien, l'hydraulique, la biomasse et l'hydrogène, la fission, et enfin la fusion. Le pôle CapEnergie est né sous l'impulsion du CEA et de EDF et son siège est à Cadarache. C'est donc un outil à la fois d'aide à l'intégration d'ITER dans le tissu industriel régional de PACA et de Corse, mais aussi un outil de valorisation des retombées et des synergies potentielles d'ITER qui accentue les fertilisation croisées et les transferts technologiques.

Sur les 48 projets labellisés entre mai 2006 et mai 2007, 24 impliquent le CEA de Cadarache de façon directe et 15 concernent le projet ITER ou la construction de ses équipements.
Au niveau des financements, on peut distinguer les subventions accordées par l'Etat, des exonérations fiscales (plafonnées à 200 000 euros sur trois ans par entreprises) et allègements de charges sociales (de 25% à 50%) pour les entreprises incluses dans le zonage de R&D du pôle de compétitivité, et impliquées dans le projet collaboratif de R&D du pôle. Cette procédure d'exonération de charges sociales va être remplacée par le versement aux PME d'une bonification d'aide directe à la R&D et à l'innovation, qui leur est attribuée par le Fonds interministériel de compétitivité des entreprises. Enfin, pour les entreprises de moins de 2000 salariés, il est possible d'obtenir des prêts à taux zéro par le biais de l'organisme OSEO Anvar, remboursables en cas de succès du projet de R&D ou d'innovation mené par l'entreprise bénéficiaire. A ces financements étatiques, s'ajoutent des financements par les collectivités territoriales concernées par le pôle de compétitivité.

Le zonage des territoires du pôle CapEnergie bénéficiant d'exonérations

Exonérations (impôts sur les sociétés, taxe professionnelle et/ou foncière) au titre de la R&D.

Source : www.capenergies.fr/index.php?Accueil

L'implantation du CEA puis d'ITER à Cadarache : vers un cluster de l'énergie

Le CEA a eu des effets d'entraînement et de valorisation industriels par transferts technologiques. On peut citer le cas de l'entreprise Barras-Provence qui s'est installée à Manosque en 1962, venant de Courbevoie, en région parisienne. Elle a suivi le mouvement de déconcentration dont est issu le centre de Cadarache. De 1962 à 1964, elle a eu pour principale activité la location de personnel spécialisé (service aux entreprises) surtout pour le CEN. À partir de cette étape qui lui a permis d'accumuler un petit capital, Barras-Provence se lance dans l'industrie à proprement parler avec la chaudronnerie fine, la mécanique de précision et la maintenance des machines fabriquées par le CEA avec un bureau d'étude spécialisé dans la mécanique, la chaudronnerie et l'électronique. L'entreprise a cherché à se dégager petit à petit de l'influence exclusive du CEN, est s'est diversifiée autour de quatre branches : le nucléaire, les télécommunications, le militaire et l'éducation. Barras-Provence illustre bien ce passage d'une entreprise de main d'œuvre de services aux entreprises, à une entreprise de haute technologie. C'est ce processus que l'on appelle effet d'entraînement lié à un équipement majeur.

Ce phénomène explique les caractéristiques de la zone ITER20min très spécialisée par rapport à la moyenne de PACA dans la recherche et le développement, dans l'industrie des équipements mécaniques et l'industrie des équipements électriques et électroniques (susceptibles de constituer des domaines de sous-traitance de Cadarache et plus tard d'ITER), et les services personnels et domestiques. On constate par ailleurs qu'au 1er janvier 2003, les principaux secteurs d'activité en terme d'emplois sont l'industrie nucléaire (avec 10,1% des emplois de la zone), la fabrication de matériel de mesure et de contrôle (8,7%), la fabrication de matériel électrique (3,2%), les services industriels du travail des métaux (3%), la production d'énergie (2,7%) et la chaudronnerie (2,6%). Tous ces secteurs représentent plus de 30% des emplois pour seulement 14,8% des établissements de la zone, ce qui montre aussi qu'ils sont très concentrés dans de grandes entreprises (surtout celui du nucléaire) et que les PME peuvent avoir du mal à tirer profit des éventuels effets d'entraînement au sein de chaque secteur.

Dans le domaine de la recherche et de la formation, le centre de Cadarache a établi de nombreux partenariats de coopération scientifique, comme par exemple avec six universités de PACA et des écoles d'ingénieurs (comme l'école de Mines de Saint-Etienne). Cadarache a aussi des accords avec des organismes de recherche régionaux comme le CNRS, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour le développement de nouvelles énergies, les industries du secteur de l'énergie comme EDF, Areva, Suez, Shell, Véolia, la Société des eaux de Marseille… Cadarache est très bien inséré dans le tissu de la recherche régionale et nationale, et a su développer les conditions adéquates à l'implantation d'ITER. Ses relations s'étendent aussi jusqu'à l'Union Européenne, avec des collaborations multiples.

De nombreuses entreprises régionales spécialisées qui sont susceptibles de pouvoir répondre aux appels d'offre d'ITER commencent déjà à se positionner dans la stratégie industrielle globale de leur secteur. Deux entreprises marseillaises se sont associées pour présenter une offre commune sur les marchés d'ITER. Il s'agit de la société Comex Nucléaire et du groupe Snef, spécialisées dans le génie électrique et les systèmes de sécurité. Pour faciliter ce genre d'association et pour répondre plus facilement aux exigences des appels d'offre, le ministre délégué à l'industrie, François Loos, a procédé le 4 juillet 2006 à l'installation du Comité industriel ITER, qui a pour rôle de mobiliser les grandes entreprises française sur le projet ITER. Des entreprises régionales ont d'ailleurs déjà réussi à décrocher des contrats avec ITER. C'est le cas de l'entreprise de Dassault Système d'Aix-en-Provence, qui a fourni le logiciel Catia dont se servent les ingénieurs d'ITER pour concevoir le tokamak.

 

Conclusion : vers la Vallée des étoiles ?

Le gros équipement qu'est ITER a déjà ainsi fait basculer, grâce à son effet de locomotive territoriale et grâce à la réactivité des politiques et des institutions de portage, son espace d'accueil de l'état de simple territoire animé par l'industrie de l'énergie à l'état de Territoire de l'énergie (que l'on peut appeler, comme le fait le président de l'Union patronale de la région PACA, Raymond Vidil, "Vallée des étoiles".) Cette transformation dans l'essence même de la notion de territoire est le plus grand impact que l'on ait pu observer avec ITER, et c'est peut-être cette idée de territoire intégré qui mérite que l'on parle d'ITER comme d'un "réacteur territorial du futur". Dans quelle mesure cette dynamique territoriale pourra-t-elle se pérenniser ? La réussite du pari scientifique d'ITER en est une des clefs.

Notes, compléments, références

[1] Une agence domestique est chargée de l'interface du pays membre d'ITER avec ITER Organization et de la fourniture à cette même organisation internationale des composants prévue par les négociations internationales. Chaque pays membre d'ITER dispose d'une agence domestique : aux États-Unis dans le Tennessee au sein de l'Oak Ridge National Laboratory ; en Russie à Moscou au sein de l'institut Kurchatov ; en Corée du Sud à Daejon au sein du Korea Advanced Institute of Science and Technology ; au Japon à Naka avec la Japan Atomic Energy Agency ; en Inde à Bhat au sein de l'Institute for Plasma Research ; en Europe à Barcelone avec l'entreprise commune "Fusion for Energy" ; en Chine à Hefei avec le China Fusion Center.

[2] Le Conseil de compétitivité est une des formations (parmi neuf au total dont : les Affaires économiques et financières, les Transports, télécommunications et énergie, etc.) du Conseil de l'Union européenne (ou "Conseil des ministres" ou "Conseil"), principale instance décisionnelle de l'Union européenne, au sein de laquelle se réunissent les ministres compétents des États membres dans ce domaine.

[3] Cadarache est le centre de recherche nucléaire le plus vaste du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) créé en 1959. L'implantation du centre du CEA à Cadarache est le fruit d'une politique nationale d'aménagement du territoire qui avait à l'époque pour but de promouvoir la recherche et l'industrie de pointe en PACA à travers le projet de "Route des hautes technologies." Cette "route" est en fait née de la déconcentration de la recherche française depuis la région parisienne. Le but était que chaque département de la région PACA ait son technopôle. Pour les Alpes de Hautes Provence, il s'agissait du complexe de Cadarache près de Manosque. Notons par ailleurs que l'association Euratom-CEA a été fondée avec la signature du traité Euratom le 25 mars 1957 qui institue la Communauté européenne de l'énergie atomique.

[4] Il est à noter que le directeur général actuel de l'ILE est un japonais, M. Kaname Ikeda, résultat d'un compromis entre le Japon et l'UE.

[5] Le CERN, Organisation européenne pour la recherche nucléaire, détecte et accélère les particules fondamentales de la matière, étudie les effets de leur collision. http://public.web.cern.ch/public/Welcome-fr.html

[6] Début 2007, l'État et le conseil régional PACA ont décidé d'engager une démarche stratégique en matière d'aménagement et de développement, en partenariat avec les acteurs des territoires concernés par l'implantation d'ITER. Il s'agit d'accompagner l'installation de ce projet international dans les meilleures conditions, et d'optimiser ses retombées sur les territoires. Cette réflexion, menée dans le cadre des ateliers "Iter et les territoires", a porté sur un périmètre concernant les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Bouches-du- Rhône, du Var et du Vaucluse. Le périmètre d'étude a été fixé en concertation avec la mission ITER, le Secrétariat général à l'action régionale (Sgar) de la Préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la Direction régionale de l'équipement. Il a été retenu sur la base du périmètre d'observation des ateliers "ITER et les territoires" organisés par l'État et la Région et il est désigné dans l'étude sous le nom de "Val de Durance".
- Val de Durance, éléments de cadrage démographique et économique - Insee - septembre 2008 : www.insee.fr/fr/insee_regions/provence/themes/rapport/re21/re21.pdf

[7] Le CEN est à différencier du CEA : le CEA est une entreprise publique qui travaille au CEN. Le CEN regroupe aussi des entreprises privées localisées à Cadarache. Le centre de Cadarache comprend 4 plates-formes de recherche, dont la plate-forme fusion. Dans les années 1980, l'ensemble des  activités de recherches du CEA (Saclay, Grenoble, Fontenay-aux-Roses) sur la fusion a été regroupé à Cadarache, avec pour objectif de développer le programme européen de recherche sur la fusion et de construire le tokamak Tore Supra, l'ancêtre d'ITER, dont l'exploitation mobilise 300 chercheurs à Cadarache. Ce projet, débuté en 1988, était le fruit d'une collaboration entre le CEA et Euratom, l'institut européen de pilotage des recherches nucléaires des États membres de l'Union.

[8] Iter20min est une zone de mesure statistique de l'INSEE qui concerne l'espace compris dans un isochrone de 20 minutes de temps de déplacement autour d'ITER.

[9] Consulter, dans le dossier "Mobilités, flux et transports" (nouvelle fenêtre) : L'Airbus A380, infrastructures et logistiques d'une aventure industrielle

[10] Les clusters sont des formes de Systèmes productifs locaux (SPL) qui désignent une concentration géographique d'activités relevant d'un même secteur ou d'une même filière, ayant développé des liens de coopération et/ou de complémentarité entre elles. Cette forme d'organisation du système productif est plus efficace, plus compétitive et donne de ce fait un avantage compétitif aux villes et aux régions dans lesquelles elle se développe. Concrètement, un cluster peut regrouper des centres de recherche publics et/ou privés, des entreprises de tailles variées unies par des intérêts communs : moyens logistiques, brevets de fabrication, veille technologique et stratégies de promotion et d'expansion. Les pouvoirs publics y sont associés à des degrés variables.

[11] Consulter, en corpus documentaire de ce dossier, Industrie, recherche et innovation, de nouvelles dynamiques territoriales > Les Pôles de compétitivité, nouveaux venus des dynamiques territoriales en France.

[12] Jacques Fache (Institut de Géographie de l'université de Nantes) remarque que la politique des pôles de compétitivité soulève un certain nombre de questions. Tout d'abord, le nombre de pôles permet de douter de la concentration de l'effort, même si dans les faits, les 17 pôles mondiaux ou à vocation mondiale absorbent l'essentiel des subsides (72% dont 50% pour les seuls pôles mondiaux). Ensuite, de fait, très peu de ces pôles en sont, au sens géographique. En principe, l'unité de lieu ("cluster") permet de profiter des effets de réseau : obtention d'une masse critique, présence de toutes les compétences nécessaires à un projet, diffusion des connaissances, accroissement de la collaboration entre le public et le privé. Mais la simple mise en réseau, ou la seule juxtaposition de centres de compétences dispersés ne produit pas le même effet qu'un pôle.

Propositions bibliographiques

  • Baleste (M.) (dir.) - La France, les 22 régions, Armand Colin, 2001
  • Barré B. - Atlas des énergies, quels choix pour quel développement ?, Autrement, 2007
  • Dossier du débat public : ITER en Provence
  • Bulletin d'information de la Commission Locale d'Information de Cadarache N°17
  • Bulletin d'information Couleur Manosque N°25, novembre 2006.

Une sélection de ressources en ligne

Autour du projet ITER
Recherches, expertises et présentations de la fusion nucléaire et d'ITER
Documents institutionnels (France, Europe, international)
Les collectivités, acteurs et porteurs du projet

 

Raphaël Languillon-Aussel, ENS de Lyon,

mise en page web et compléments documentaires et rédactionnels,
Sylviane Tabarly (DGESCO, ENS de Lyon),

pour Géoconfluences le 26 janvier 2009

 

Mise à jour :   26-01-2009

 

 

trait_vert.gif
Copyright ©2002 Géoconfluences - DGESCO - ENS de Lyon - Tous droits réservés, pour un usage éducatif ou privé mais non commercial
Pour citer cet article :  

R. Languillon et S. Tabarly, « Territoires de l’innovation et de la compétitivité en région PACA : le projet ITER, de l'international au local », Géoconfluences, janvier 2009.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/territ/FranceMut/FranceMutDoc12.htm